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Société

France : vers un retour à l’ordre moral ?

Après la sortie du livre «Rose bonbon» qui a fait couler beaucoup d’encre, l’interdiction ou non des films pornographiques à la télévision qui divise les élus, et la condamnation de quatre clients de prostituées, le 9 octobre à Bordeaux, pour «exhibition sexuelle», les probables retours de la censure et de l’ordre moral passionnent la société, depuis quelques mois, et font débat dans la classe politique.
Où se trouve la juste mesure entre ce que certains appellent la censure et d’autres la liberté ? Telle est la question qui suscite bien des controverses, depuis quelques temps, en France. Pas plus tard que le 9 octobre, quatre hommes et quatre prostituées poursuivis devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour «exhibition sexuelle» ont été condamnés à une peine de 1 000 euros d’amende chacun dont 750 euros avec sursis : une première judiciaire. «Que la prostitution soit libre ne fait aucun doute», a estimé le procureur ajoutant tout de même qu’elle devait «s’exercer avec un minimum de décence». En effet, ces hommes ont été interpellés cet été au moment où, dans leur voiture, dans des rues ou des parkings du centre de la ville, ils avaient des relations sexuelles avec une prostituée. Il ne fait pas de doute que ces interventions s’inscrivent dans le cadre de la nouvelle stratégie de lutte contre la prostitution qui ne se limite plus à la seule répression des prostituées et des proxénètes mais vise aussi à «décourager la demande» en s’attaquant aux clients.

Lors de cette audience, l’un des avocats des quatre hommes condamnés a dénoncé un «coup médiatique» et «un happening judiciaire». Une position tout à fait en adéquation avec les sujets de société qui échauffent les esprits de la classe politique, des associations de défense des valeurs familiales et de la société en générale. La nuit dernière, la commission des Finances de l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui double les taxes sur les films pornographiques. Un amendement qui intervient alors que le débat sur l’interdiction du porno à la télévision bat son plein dans les couloirs du Palais Bourbon. La proposition de loi déposée le 15 juillet dernier par la député UMP Christine Boutin, qui vise à «interdire les scènes de pornographie et de violence sexuelle à la télévision», a déjà reçu le soutien d’une centaine de députés mais aussi du ministre délégué à la Famille, Christian Jacob et du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Dominique Baudis alors que Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture, a affiché une position inverse.

«Rose bonbon» et la censure

Dominique Baudis, le 7 octobre, a appelé les élus et le gouvernement à transcrire dans la loi française une directive européenne permettant d’interdire les films pornographiques à la télévision tout en rappelant qu’il existait en France une dizaine de chaînes qui diffusaient ce genre de films. «Je crois que ces autorisations ne doivent pas être renouvelées», a-t-il déclaré. «Il ne s’agit pas d’interdire quoi que ce soit aux adultes», a-t-il dit, affirmant qu’il n'était pas à l’ordre du jour d’instaurer un «ordre moral» mais «une mesure de protection des enfants». Faut-il donc voir dans cette position visant la protection des mineurs, une atteinte à la liberté de chacun ? D’aucuns pensent que oui.

Autre exemple. Lors de la sortie en librairie du livre de Nicolas Jones-Gorlin intitulé «Rose bonbon» qui met en scène un assassin pédophile, plusieurs plaintes ont été déposées. Désireux de ne pas jeter de l’huile sur le feu, l’éditeur Gallimard avait décidé fin août de cesser d’alimenter les librairies avec ce roman. Le 11 septembre, il avait cependant repris la distribution du livre, mais sous cellophane et avec un avertissement sur la couverture de l’ouvrage. Mais c’était sans compter l’intervention du ministère de l’Intérieur qui s’est donné les moyens d’en interdire la vente aux jeunes. Depuis plusieurs éditeurs et auteurs, ainsi que la Ligue des droits de l’Homme ont exprimé leur vive opposition à tout ce qui pourrait être considéré comme un acte de censure.


Lire également :
Le retour à la censure ?
(L’éditorial politique de Geneviève Goëtzinger)

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par Clarisse  Vernhes

Article publié le 10/10/2002