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Etats-Unis

La police pense détenir les snipers

Les forces de l'ordre ont arrêté deux hommes qu'elles croient responsables de la série de meurtres qui a plongé la banlieue de Washington dans la terreur. Il s'agit de John Allen Muhammad, un vétéran de la guerre du Golfe, et de John Lee Malvo, un adolescent de 17 ans. L'arme qui servi à tuer la plupart des victimes a été retrouvée dans leur voiture.
De notre correspondant New York

L'Amérique croit enfin pouvoir mettre un visage sur les mystérieux tueurs qui ont terrorisé les environs de la capitale fédérale pendant près trois semaines. Au moment de leur arrestation, John Allen Muhammad, 43 ans, et John Lee Malvo, 17 ans, dormaient dans une voiture garée sur une aire de repos, dans le comté de Frederick, à 75 km au nord est de Washington -non loin de leur aire de prédation. A 3h19 du matin, après avoir fait diversion en déclenchant une explosion, les policiers de la «sniper task force» ont brisé les vitres de la voiture et arrêté les deux suspects, qui n'ont opposé aucune résistance.

Dans la vieille Chevrolet Caprice, la police a trouvé un fusil semi-automatique de marque Bushmaster AR-15 et de calibre .223 -une version civile du célèbre M-16. Des tests balistiques ont permis de déterminer que c'est cette arme qui a servi dans au moins 11 des 14 attaques du «sniper». Les enquêteurs ont également retrouvé une lunette de visée ainsi qu'un trépied servant à stabiliser l'arme. Le coffre de la voiture comportait une ouverture permettant au tireur de s'allonger à l'intérieur, de repérer sa victime et de faire feu, sans être vu, et sans laisser de traces. Cela expliquerait que le «sniper» n'ait jamais été repéré par aucun témoin, et qu'aucune douille, sauf une laissée intentionnellement, n'ait jamais été retrouvée.

Dans leur jeu de défi avec la police, les deux hommes sont allés trop loin. Après avoir laissé une carte de tarot portant l'inscription «Cher policier, je suis Dieu», des lettres, des notes avertissant que les enfants n'étaient en sécurité nulle part, ils ont fini par fournir un indice qui les a perdus. Lors d'un des appels, pour que le policier à l'autre bout de la ligne le prenne au sérieux, un des suspects a mentionné une fusillade à Montgomery. Un concours de circonstances a permis aux enquêteurs de remonter à l'attaque d'un marchand de vins et spiritueux à Montgemery, en Alabama, le 21 septembre dernier, dans lequel un employé avait été tué et un autre blessé. Les deux hommes étaient recherchés pour cette attaque qui avait été commise avec une arme différente.

Des témoins avaient permis de dessiner un portrait robot ressemblant à John Allen Muhammad et John Lee Malvo. L'empreinte digitale de ce dernier a été retrouvée sur les pages d'un magazine d'armes à feu retrouvé sur la scène du crime. La police a lié John Lee Malvo à une maison de Tacoma, dans l'Etat de Washington, de l'autre côté du pays, où il a vécu un temps avec John Allen Muhammad, qu'il présentait parfois comme son père ou son beau-père, même si il n'est pas évident que les deux suspects aient réellement des liens familiaux. Mercredi soir, la maison a été fouillée à la recherche de preuves balistiques. La souche d'un arbre sur lequel John Allen Muhammad s'entraînait à tirer à été découpée et emportée par les policiers. «Tous les soirs, au mois de janvier, Muhammad s'exerçait au tir», a affirmé un de ses voisins, Chris Waters : «Ca ressemblait à une arme puissante, comme un M16. Jamais plus de trois coups à la fois. Pan. Pan. Pan».

Mercredi soir, Charles Moose, le chef de la police du comté de Montgomery, (dans la banlieue de Washington DC) qui dirigeait l'enquête, avait diffusé le signalement des deux hommes et de leur véhicule, immatriculé dans le New Jersey. S'adressant une fois de plus directement au sniper, il avait également fait cette déclaration surréaliste : «Vous nous avez demandé de dire nous avons attrapé le sniper comme un canard dans un collet». Nous comprenons qu'il est important pour vous de nous entendre dire ça». Il s'agissait pour Charles Moose d'un énième tentative de répondre aux notes, aux lettres et aux appels téléphoniques du sniper. Trois heures après cette conférence de presse, un automobiliste a repéré la voiture des fugitifs et a appelé la police qui a mis fin à la cavale.

Leurs motivations restent un mystère

Très vite, les enquêteurs ont découvert avec horreur qu'ils avaient raté une occasion d'arrêter les deux hommes Le 8 octobre, le lendemain du jour où un enfant de 13 ans a été grièvement blessé, six jours après le premier meurtre, des agents ont approché la voiture où dormait John Allen Muhammad, mais sans insister. A l'époque, les agents cherchaient une camionnette blanche, qui avait été vue sur la scène de plusieurs des crimes (par coïncidence affirment désormais les enquêteurs) avec des conducteurs de race blanche. Ils l'avaient laissée partir après avoir simplement relevé son identité.

Les motivations des deux hommes restent un mystère. John Allen Muhammad est un vétéran de la guerre du Golfe, converti à l'islam. Il a changé de nom en avril 2001, abandonnant le patronyme Williams. Entre 1978 et 1985, il a fait partie des gardes nationaux de Louisiane. Il est entré dans l'armée en 1985 et a été congédié en 1994. Il a alors rejoint les gardes nationaux de l'Oregon. Au plus haut de sa carrière, il fut sergent, avant d'être dégradé pour avoir agressé une officier. Durant son entraînement militaire, John Allen Muhammad n'a pas reçu de formation de tireur d'élite, mais il a fait preuve d'une grande habileté lors des exercices avec un M-16, ce qui lui a valu d'obtenir le meilleur grade de tireur.

Il a semble-t-il été marié deux fois. Ses trois enfants lui ont été retirés en août 2000 par les services sociaux, et confiés à leur mère après un pénible divorce. John Lee Malvo est pour sa part un adolescent troublé, de nationalité jamaïcaine. Selon des sources fédérales, les deux hommes se seraient fait remarquer pour avoir exprimé leur sympathie aux pirates de l'air du 11 septembre. Rien toutefois n'indique qu'ils seraient liés à un quelconque groupe terroriste.

Pendant trois semaines, celui qu'on a appelé le «sniper» a littéralement terrorisé les habitants de la banlieue de Washington DC. Il a tué dix personnes et blessé trois autres, de tous les âges et de toutes les races, choisissant ses victimes au hasard, le plus souvent dans des stations services ou sur les parkings de centres commerciaux. Les écoliers étaient privés de récréation et suivaient les cours dans des salles de classe aux stores baissés. De nombreuses personnes vivaient cloîtrées, et n'osaient plus faire leurs courses ou un plein d'essence. La plupart des événements sportifs dominicaux étaient annulés.

Pour l'instant, John Allen Muhammad est inculpé de détention illégale d'armes, et John Lee Malvo comme témoin. Les deux hommes ont séparément comparu devant un tribunal de Baltimore.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 25/10/2002