Corée
Pyongyang maintient sa position nucléaire
La rencontre entre les responsables japonais et nord-coréens, mardi et mercredi en Malaisie, est dominée par la question nucléaire nord-coréenne. D’emblée Pyongyang a rejeté les appels à abandonner son programme de fabrication de bombes atomiques. Cette affaire a pris une dimension internationale considérable depuis la révélation par Pyongyang que son programme nucléaire militaire était toujours en cours d’élaboration. En se signalant ainsi brutalement à l’attention de la communauté internationale, la Corée du Nord indique aussi la gravité de sa situation économique et sociale et l’urgence des réformes qu’elle doit accomplir. Mais pas à n’importe quel prix.
Les hasards du calendrier ont fait du Japon le premier pays à affronter le round initial de négociations directes avec la Corée du nord. Tokyo s’en serait peut être bien passé. Désormais le dossier bilatéral, suffisamment pesant en l’état, est lourdement plombé par la dimension nucléaire multilatérale après «l’aveu» de Pyongyang du mois dernier, selon lequel la Corée du Nord poursuivait son programme d’armement nucléaire, au mépris de l’accord conclu à Genève en 1994. A l’issue de la première journée de discussions, Pyongyang a rejeté les appels à abandonner ce programme.
Officiellement, l’agenda de la réunion de Kuala Lumpur prévoyait des discussions sur la normalisation des relations entre le Japon et la Corée du nord avec, à la clef, l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays. Et il était question d’aborder les modalités du retour au Japon des citoyens de ce pays enlevés par les services secrets nord-coréens, dans les années 70 et 80, afin de former les espions du régime de Pyongyang. Ce dossier avait considérablement avancé depuis la visite historique du Premier ministre japonais à Pyongyang le mois dernier. Ce voyage avait permis, moyennant la reconnaissance réciproque des malfaisances commises de part et d’autre, de jeter les base d’un engagement vers une coexistence pacifique. Cet événement s’inscrivait dans un contexte global de détente et d’ouverture à l’égard du sud de la péninsule, marqué par l’inauguration des travaux de réhabilitation des voies de communication entre les deux pays.
Or «l’aveu» nord-coréen a perturbé cette dynamique. En jetant de telle façon un pavé dans la mare, Pyongyang s’assurait un retour en fanfare sur la scène internationale. Si c’était son objectif, il est atteint. L’activité diplomatique produite par cette révélation va crescendo. Les Américains, dont le président Bush a placé la Corée du nord parmi les trois pays de son «axe du Mal», poursuivent d’intenses consultations sur ce sujet avec leurs alliés et membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. La question nucléaire nord-coréenne tient à présent une place centrale dans les forums internationaux, comme ce fut le cas le week-end dernier au Mexique, lors de la réunion des pays de la région Asie-Pacifique (APEC). Il en sera de même la semaine prochaine, à Pnom Penh, lors du sommet des pays de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) qui, à l’occasion, invitera les chefs d’Etat chinois, japonais et sud-coréen. Et, du coup, dans cette réunion qui se tient actuellement à Kuala Lumpur, les Japonais se retrouvent dans la posture d’ambassadeurs de la communauté internationale, liant étroitement la conclusion de leur dossier bilatéral au règlement du conflit nucléaire. Ce qui, en toute logique, devrait diminuer les chances d’aboutir rapidement. Car les déclarations de Pyongyang s’adressent certainement moins à ses voisins qu’à Washington.
Accord de non-prolifération obsolète
C’est en effet une réponse américaine que les Nord-coréens attendent avant tout. L’état catastrophique de la situation économique de ce pays, dont la population devra encore recevoir 500 000 tonnes d’aide alimentaire l’an prochain, va contraindre le régime à lâcher du lest. Menacé par la ruine et l’effondrement, la classe dirigeante est aux abois. Et avant d’être rattrapée par les réformes, elle veut s’assurer qu’elle ne sera pas balayée par elles. Elle se préoccupe donc de la neutralité d’un environnement international par nature hostile au régime toujours stalinien de Pyongyang.
Le 25 octobre, la diplomatie nord-coréenne a annoncé ses conditions pour entamer des négociations sur ses affaires nucléaires : reconnaissance de sa souveraineté par les Etats-Unis, garantie de non-agression de la part des Etats-Unis et que Washington ne gêne pas son développement économique. Dans le même communiqué, le ministère nord-coréen des Affaires étrangères accusait Washington de ne pas avoir respecté le texte signé en 1994 et d’avoir rendu obsolète les accords de non-prolifération en autorisant les frappes nucléaires préventives dans sa stratégie militaire. En clair : Pyongyang abandonnerait bien sa carrière de trafiquant de plutonium international, sa seule matière première vraiment rémunératrice à l’export, si le climat et les conditions s’y prêtaient. Car s’il reste douteux que ce pays dispose de la bombe atomique (Washington n’en est toujours pas sûre), en revanche un solide faisceau de présomptions pèse sur sa contribution à la bombe pakistanaise et des rumeurs circulent sur des fournitures à l’Irak.
Pourtant, en dépit des menaces répétées de Pyongyang, on constate une Amérique toujours embarrassée et plutôt tentée par un règlement diplomatique. Il est probable que l’interférence du dossier nord-coréen dans un calendrier américain dominé par des préoccupations irakiennes agace Washington. Les Etats-Unis n’ont certainement pas rempli tous leurs engagements : si le pétrole promis par l’accord de 1994 a bien été livré, le dossier de la reconnaissance de la Corée du Nord n’a guère avancé. Et en plaçant le pays dans la liste des Satans, l’administration Bush n’a fait que renforcer l’hostilité des Nord-coréens.
Pourtant les signaux envoyés par Pyongyang ne sont pas tous inamicaux. Une délégation nord-coréenne conduite par le président de la commission de Planification d’Etat est arrivée le 26 octobre à Séoul pour prendre des leçons de capitalisme. Parole tenue, d’autre part, dans l’autorisation pour les ex-captifs japonais de Pyongyang d’effectuer un séjour au Japon. Cinq d’entre eux sont rentrés dans leur pays où les autorités tentent d’obtenir du gouvernement nord-coréen qu’il accepte de différer leur retour à Pyongyang, voire qu’il consente à permettre à leurs familles, restées en Corée, de les rejoindre. Enfin les restes de onze soldats américains, disparus pendant la guerre de Corée au début des années 50, doivent quitter Pyongyang aujourd’hui, à destination des Etats-Unis pour y être remis à leurs familles.
Officiellement, l’agenda de la réunion de Kuala Lumpur prévoyait des discussions sur la normalisation des relations entre le Japon et la Corée du nord avec, à la clef, l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays. Et il était question d’aborder les modalités du retour au Japon des citoyens de ce pays enlevés par les services secrets nord-coréens, dans les années 70 et 80, afin de former les espions du régime de Pyongyang. Ce dossier avait considérablement avancé depuis la visite historique du Premier ministre japonais à Pyongyang le mois dernier. Ce voyage avait permis, moyennant la reconnaissance réciproque des malfaisances commises de part et d’autre, de jeter les base d’un engagement vers une coexistence pacifique. Cet événement s’inscrivait dans un contexte global de détente et d’ouverture à l’égard du sud de la péninsule, marqué par l’inauguration des travaux de réhabilitation des voies de communication entre les deux pays.
Or «l’aveu» nord-coréen a perturbé cette dynamique. En jetant de telle façon un pavé dans la mare, Pyongyang s’assurait un retour en fanfare sur la scène internationale. Si c’était son objectif, il est atteint. L’activité diplomatique produite par cette révélation va crescendo. Les Américains, dont le président Bush a placé la Corée du nord parmi les trois pays de son «axe du Mal», poursuivent d’intenses consultations sur ce sujet avec leurs alliés et membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. La question nucléaire nord-coréenne tient à présent une place centrale dans les forums internationaux, comme ce fut le cas le week-end dernier au Mexique, lors de la réunion des pays de la région Asie-Pacifique (APEC). Il en sera de même la semaine prochaine, à Pnom Penh, lors du sommet des pays de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) qui, à l’occasion, invitera les chefs d’Etat chinois, japonais et sud-coréen. Et, du coup, dans cette réunion qui se tient actuellement à Kuala Lumpur, les Japonais se retrouvent dans la posture d’ambassadeurs de la communauté internationale, liant étroitement la conclusion de leur dossier bilatéral au règlement du conflit nucléaire. Ce qui, en toute logique, devrait diminuer les chances d’aboutir rapidement. Car les déclarations de Pyongyang s’adressent certainement moins à ses voisins qu’à Washington.
Accord de non-prolifération obsolète
C’est en effet une réponse américaine que les Nord-coréens attendent avant tout. L’état catastrophique de la situation économique de ce pays, dont la population devra encore recevoir 500 000 tonnes d’aide alimentaire l’an prochain, va contraindre le régime à lâcher du lest. Menacé par la ruine et l’effondrement, la classe dirigeante est aux abois. Et avant d’être rattrapée par les réformes, elle veut s’assurer qu’elle ne sera pas balayée par elles. Elle se préoccupe donc de la neutralité d’un environnement international par nature hostile au régime toujours stalinien de Pyongyang.
Le 25 octobre, la diplomatie nord-coréenne a annoncé ses conditions pour entamer des négociations sur ses affaires nucléaires : reconnaissance de sa souveraineté par les Etats-Unis, garantie de non-agression de la part des Etats-Unis et que Washington ne gêne pas son développement économique. Dans le même communiqué, le ministère nord-coréen des Affaires étrangères accusait Washington de ne pas avoir respecté le texte signé en 1994 et d’avoir rendu obsolète les accords de non-prolifération en autorisant les frappes nucléaires préventives dans sa stratégie militaire. En clair : Pyongyang abandonnerait bien sa carrière de trafiquant de plutonium international, sa seule matière première vraiment rémunératrice à l’export, si le climat et les conditions s’y prêtaient. Car s’il reste douteux que ce pays dispose de la bombe atomique (Washington n’en est toujours pas sûre), en revanche un solide faisceau de présomptions pèse sur sa contribution à la bombe pakistanaise et des rumeurs circulent sur des fournitures à l’Irak.
Pourtant, en dépit des menaces répétées de Pyongyang, on constate une Amérique toujours embarrassée et plutôt tentée par un règlement diplomatique. Il est probable que l’interférence du dossier nord-coréen dans un calendrier américain dominé par des préoccupations irakiennes agace Washington. Les Etats-Unis n’ont certainement pas rempli tous leurs engagements : si le pétrole promis par l’accord de 1994 a bien été livré, le dossier de la reconnaissance de la Corée du Nord n’a guère avancé. Et en plaçant le pays dans la liste des Satans, l’administration Bush n’a fait que renforcer l’hostilité des Nord-coréens.
Pourtant les signaux envoyés par Pyongyang ne sont pas tous inamicaux. Une délégation nord-coréenne conduite par le président de la commission de Planification d’Etat est arrivée le 26 octobre à Séoul pour prendre des leçons de capitalisme. Parole tenue, d’autre part, dans l’autorisation pour les ex-captifs japonais de Pyongyang d’effectuer un séjour au Japon. Cinq d’entre eux sont rentrés dans leur pays où les autorités tentent d’obtenir du gouvernement nord-coréen qu’il accepte de différer leur retour à Pyongyang, voire qu’il consente à permettre à leurs familles, restées en Corée, de les rejoindre. Enfin les restes de onze soldats américains, disparus pendant la guerre de Corée au début des années 50, doivent quitter Pyongyang aujourd’hui, à destination des Etats-Unis pour y être remis à leurs familles.
par Georges Abou
Article publié le 29/10/2002