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Brésil

Lula face à ses engagements

Luiz ignacio Lula da Silva a largement remporté dimanche l'élection présidentielle avec 63% des suffrages. L'ex-ouvrier métallurgiste s'est donc hissé, sans surprise, à la tête du plus grand pays d'Amérique latine. Il devra honorer à la fois ses promesses de réformes sociales et de maîtrise des finances publiques.
C'est une victoire qui a d'autant plus de saveur pour son titulaire qu'il l'attend depuis très très longtemps. Le parti des travailleurs réussissait depuis 15 ans à placer peu à peu ses hommes -et ses femmes, n'oublions pas celle qui est maire de Sao Paulo Marta Suplicy - à des postes électifs de plus en plus importants au Parlement, à la tête des villes et des Etats. Mais la fonction suprême avait déjà échappé par trois fois à celui qui était le fondateur du parti. Alors il y a eu cette fois un moment privilégié. Une vraie rencontre entre Lula et les Brésiliens. Des Brésiliens lassés d'être gouvernés par des élites plus sensibles à des indices macroéconomiques qu'au sort quotidien de millions de pauvres.

Et Lula qui avait fait des efforts pour parler non seulement à ses fidèles de toujours, les ouvriers, les déshérités, les sans-terre; mais aussi aux autres catégories qui font le Brésil, y compris les milieux d'affaires coutumiers d'une libéralisation qui rend certes le pays et ses plus pauvres vulnérables à des mouvements qui leur échappent, mais qui permet aussi au Brésil de tenir sur la scène internationale son rang de géant économique aux technologies de pointe. Il faudra maintenant que Lula établisse un équilibre entre ses deux pôles. Ce qu'il a tout de suite fait dans son premier discours de président élu. D'abord en rassurant les marchés sur sa ferme volonté de respecter les engagements internationaux du Brésil. Mais sans négliger de rappeler que beaucoup de Brésiliens ont faim; et qu'il comptait donc construire un pays solidaire.

Les difficultés à venir

Sur le plan politique, l’avenir peut réserver des surprises. Déjà, il y a trois semaines, les élections législatives qui s'étaient déroulées en même temps que le premier tour de la présidentielle s'étaient soldées par un résultat mitigé. Certes, le PT - le Parti des travailleurs - de Lula est devenu le premier parti à la chambre. Avec à peine plus d'un député sur 6, cependant, tant le paysage politique est fragmenté en une douzaine de partis principaux. Et au Sénat, le PT n'est que le troisième parti. Lula pourra normalement compter sur tous les groupes de gauche, du plus populiste au plus maoïste, qui ont soutenu sa candidature, et même sur le petit parti de droite de son co-équipier, le désormais vice-président José Alencar, un entrepreneur milliardaire.

Mais tout cela ne suffisant pas à lui faire une majorité, Lula devra sans doute envisager de s'allier avec une partie au moins de la formation de son rival malheureux de dimanche Jose Serra. Ce qui ne lui donnera de toutes façons aucune garantie absolue, les coalitions pouvant se révéler très éphémères. Circonstance aggravante pour lui: les élections aux postes de gouverneurs des Etats, personnages considérables dans ce pays fédéré, ont été très décevantes pour le Parti des travailleurs. La victoire lui a échappé notamment dans les trois Etats-clefs que sont Sao Paulo, Rio de Janeiro et le Rio Grande do Sul. Lula devra décidément faire montre de toutes ses qualités de dialogue pour entraîner dans son sillage des forces politiques aussi éclatées.

A peine élu, le nouveau président brésilien hérite également d'une poudrière sociale. Et le nouveau président risque de se retrouver coincé entre les contraintes financières et ses promesses électorales. Fort de son capital politique Lula explique vouloir changer la société brésilienne. Mais la victoire passée, c'est la crise financière qui risque de rattraper l'ancien syndicaliste. Avec une monnaie nationale dévaluée de 40% depuis le début de l'année, une dette publique évaluée à 65% de la richesse nationale, ses marges de manœuvres paraissent très étroites. Lula a pourtant construit un programme de relance économique.

Pour rassurer les investisseurs, le nouveau gouvernement veut par exemple une politique industrielle plus active. Objectif: substituer la production locale aux importations trop coûteuses. C'est donc le ministère du Plan et non le ministère de l'Economie qui devrait avoir les pleins pouvoirs. Car l'interventionnisme de l'Etat doit participer à la renaissance d'un pays marqué par les inégalités sociales. Le nouveau président brésilien a bien promis de s'attaquer à la réforme agraire. Quatre millions d'agriculteurs sont aujourd'hui sans terre. Mais pour cela il faudra négocier avec le puissant lobby des propriétaires terriens. Au peuple, Lula a promis des augmentations de salaires, au Fonds monétaire internationale, la rigueur. Mais si les fondamentaux de l'économie brésilienne ne se stabilisent pas, le soutien extérieur, les 30 milliards de dollars de prêts du FMI ne suffiront pas. Et les remèdes de choc façon Lula, n'y pourraient plus grand chose.


Lire également :
Le Brésil de Lula : peur sur la bourse
(L'éditorial économique de Norbert Navarro)

A écouter :
Eugenia Fernandes
Rédactrice en chef adjointe de la rédaction en langue brésilienne de RFI, au micro de Valérie Lehoux(28/10/2002).



par MICHELE GAYRAL et NICOLAS  VESCOVACCI

Article publié le 28/10/2002