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Somalie

Accord à l'arraché prometteur

En dix ans de conflit, c'est une timide première. Une vingtaine de belligérants somaliens ont signé dimanche 27 octobre un texte, décrétant un cessez-le-feu et ouvrant la voie à un règlement politique. Mais Lorsque les médiateurs, dans la matinée de dimanche, ont obtenu l'engagement des factions de signer le texte, il a fallu aller vite.

De notre correspondant à Nairobi

Réunis depuis le 15 octobre pour une conférence de réconciliation nationale à Eldoret, au Kenya, les représentants de vingt-et-une factions somaliennes et du Gouvernement national de transition (GNT), entité contrôlant certains quartiers de Mogadiscio et des villes de la côte sud somalienne, étaient embourbés depuis quelques jours dans des discussions sur «des détails insignifiants» qui auguraient mal du résultat de la réunion. Obstacle levé par les médiateurs qui, travaillant sans relâche, ont obtenu des chefs de faction, à l'arraché, qu'ils signent un premier accord minimal. Les représentants somaliens, alors, ont proposé qu'une cérémonie de signature soit organisée solennellement quelques jours plus tard. Les médiateurs ont refusé catégoriquement, exigeant que le texte, qui prévoit, en plus de la cessation des hostilités, l'établissement d'un gouvernement fédéral, la protection des travailleurs humanitaires et la lutte contre le terrorisme, soit signé séance tenante, de crainte qu'en laissant aux belligérants le temps de se remettre de cette «embuscade administrative», selon l'expression d'un des négociateurs, des points de discorde surgissent avant qu'une cérémonie puisse être organisée.

Faut-il déceler dans cette hâte l'indice d'une fragilité qui impliquerait l'échec annoncé de l'accord ? Les expériences similaires, dans le passé, incitent à la plus grande prudence.

Treize conférences ont déjà tenté de mettre fin au conflit

Depuis le déclenchement de la guerre civile et l'effondrement de l'État en Somalie, en 1991, treize conférences ont déjà tenté de mettre fin au conflit. Aucun des accords signé au fil de ces années n'a été effectivement respecté. Toutefois, l'accord d'Eldoret se distingue des échecs précédents par plusieurs points. D'abord, les accords signés dans le passé étaient établis sur la base d'un partage du pouvoir, qui n'incluait jamais l'ensemble des factions somaliennes. Après chaque signature, les exclus s'empressaient donc de reprendre les hostilités contre les signataires pour les empêcher de construire un pouvoir auxquels ils n'avaient pas été associés.

A Eldoret, on a pris soin d'éviter ce piège en obtenant que participent l'écrasante majorité des factions. Ne sont exclus, d'eux-mêmes, du processus d'Eldoret, que la République autoproclamée du Somaliland, au nord du pays, et un groupe originaire de Baidoa, dans le centre du pays, qui pourront être intégrés dans le futur. De plus, le texte signé à Eldoret n'établit pas de partage du pouvoir, mais jette les bases d'une discussion qui sera poursuivie par des comités techniques dans les semaines, voire les mois, à venir, afin de se donner le temps nécessaire pour construire une réorganisation politique qui ne fasse pas d'exclus.

Au delà de ces considérations techniques, le contexte dans lequel les négociation se sont déroulées invite également à plus d'optimisme que dans le passé. Depuis les attentats du 11 septembre, la communauté internationale, États-Unis en tête, s'est convaincue de la nécessité de revenir au chevet de la Somalie, abandonnée à elle-même depuis plusieurs années, de crainte que ne s'y constitue un foyer de terrorisme comme avait pu l'être l'Afghanistan des Taliban. Ce regain d'intérêt pour le pays de la Corne se traduit à la fois par des pressions accrues sur les chefs de guerre pour trouver un accord, notamment avec des menaces d'interdiction de voyager, mais aussi par des promesses solides de financement en cas d'un accord global.

Jusque à présent, les Somaliens sont séparés en deux groupes aux influences rivales. Le Gouvernement national de transition, mis en place à l'été 2000 après une conférence de réconciliation à Arta, près de Djibouti, bénéficie du soutien de Djibouti et de certains pays arabes, tandis que ses rivaux, de chefs de faction rassemblés dans le Conseil somalien pour la réconciliation et la restauration (CSRR), sont parrainés par l'Éthiopie. l'enjeu des négociations d'Eldoret est de parvenir à associer ces deux groupe antagonistes, mais affaiblis par l'érosion de la puissance de tous les chefs de guerre somaliens. Dans un contexte de pressions internationales, l'Éthiopie et les pays arabes ont été aussi invités fermement à remiser leurs rivalités d'influence en Somalie, menace tempérée par la promesse de faire tomber sur le pays une pluie d'or en cas de succès de la paix. L'Union européenne pourrait débloquer rapidement 180 millions de dollars, et les pays arabes, Arabie saoudite en tête, près de 100 millions.



par A Nairobi, Jean-Philippe  REMY

Article publié le 29/10/2002