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Eglise catholique

Le triomphe de l'Opus Dei

Le fondateur de l'Opus Dei, Josemaria Escriva de Balaguer, a été canonisé dimanche par le pape Jean Paul II devant 200 000 fidèles rassemblés place Saint-Pierre, une des plus grandes foules jamais réunie pour une telle cérémonie. Fondé en 1928, ce mouvement a connu une ascension irrésistible tout au long du siècle et, en dépit des vives critiques dont il a été la cible, s'est renforcé sous le pontificat de Jean-Paul II.
De notre correspondant au Vatican

Un service d’ordre omniprésent, une cohorte de bénévoles toujours prêts à rendre service, des fidèles qui, en rang bien ordonné, viennent se recueillir: depuis jeudi, la basilique de Sant’Eugenio, dans le très chic quartier Parioli de Rome, est au coeur d’une animation insolite. C’est là que la dépouille de Josémaria Esriva de Balaguer, le fondateur de l’Opus Dei, a été transportée pour permettre à ses fidèles de venir l’honorer. L’image n’a rien, en fait, de réellement surprenant. L’Opus Dei est une machine très bien huilée et son charisme, «la sainteté par le travail bien fait», une évidence pour les quelque 1800 bénévoles qui, durant tout le week-end, sont chargés de veiller au bon déroulement de l’événement : la canonisation de leur fondateur.

Au total, 300 000 personnes ont répondu présent, notamment 10.000 fidèles venus en bateau d’Espagne, la terre natale de Balaguer, né en 1902 dans la province de Huesca et mort à Rome en octobre 1975. L’Opus Dei, qu’il fonda en 1928, est devenue depuis vingt ans une véritable puissance incontournable au sein de l’Eglise catholique. Elle compte actuellement environ 84 000 membres, essentiellement des laïcs, et près de 2 000 prêtres. Il ne s’agit ni d’une congrégation religieuse au sens traditionnel du terme, ni d’une communauté. Juridiquement, il s’agit d’une prélature personnelle, un statut à ce jour unique dans l’Eglise, accordé par Jean Paul II en 1982, qui en fait une sorte de diocèse sans territoire, ne répondant que directement et exclusivement du Pape.

Dans les sphères influentes de la société civile

Ce pontificat aura d’ailleurs consacré l’Opus comme authentique force montante au sein de l’Eglise. Outre le statut de prélature, l’Opus Dei a vu son université de la Saint-Croix reconnue comme université pontificale, obtenu l’an passé son premier cardinal en la personne de Mgr Cipriani, archevêque de Lima, obtenu de nombreux diocèses sensibles, notamment en Amérique Latine. Enfin, reconnaissance suprême, la béatification de Escriva de Balaguer en 1992, préambule à sa canonisation ce dimanche. Un parcours sans faute pourrait-on dire s’il n’avait été terni, depuis une trentaine d’année, par des attaques multiples contre la personnalité même du fondateur, contre ses amitiés franquistes, contre le fonctionnement même de l’Opus assimilé souvent à une loge recrutant dans les sphères influentes de la société civile. Ce à quoi les représentants de la Prélature ont toujours répondu par le mot d’ordre de Escriva de Balaguer: faire de la vie quotidienne et surtout du travail un chemin de sainteté.

Très sensible au rôle crucial de l’enseignement pour un mouvement d’église montant, l’Opus Dei est particulièrement actif dans le monde universitaire, notamment autour de son fleuron, la riche et puissante université de Navarre. L’Oeuvre est également active dans le domaine de la santé et de l’assistance aux déshérités. On la compare souvent à une congrégation qui a marqué l’histoire de l’Eglise depuis quatre siècles, la Compagnie de Jésus. Au XVIe siècle, elle faisait figure de force montante, dépendant elle aussi directement du Pape, privilégiant l’enseignement et la formation des élites, conditionnant en coulisse la politique pontificale. Les parallèles sont nombreux, même si l’Opus Dei, compte tenu du patrimoine spirituel et intellectuel laissé par les Jésuites, doit encore, de ce point de vue, faire ses preuves. Il n’en reste pas moins que, durant ce pontificat, la Compagnie de Jésus a vu ses positions s’affaiblir sensiblement et pâtir des turbulences de la théologie de la libération en Amérique Latine, alors que l’Opus Dei parcourait une courbe inverse.

A l’heure où, dans les esprits du moins, la perspective d’un prochain conclave n’est plus si lointaine, l’Opus Dei paraît bien être une force que personne, aujourd’hui, ne peut ignorer. M. Navarro-Valls, le porte-parole du Saint-siège, en est l’un des membres les plus connus. Certains Cardinaux, dont le nom circule comme possibles sucesseurs de Jean Paul II, prennent soin d’ailleurs de ménager l’Opus. Les hommes politiques italiens ne sont pas en reste puisque, à gauche comme à droite, les principaux représentants de la vie politique de la péninsule seront dimanche matin sur le parvis de la Basilique Saint-Pierre, pour assister à la cérémonie de canonisation de Josémaria Escriva de Balaguer.



par Laurent  Morino

Article publié le 06/10/2002