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Pays-Bas

Les populistes provoquent la démission du gouvernement

Les querelles intestines qui minent la «liste Pym Fortuyn», l’un des trois piliers de la coalition gouvernementale, ont provoqué la chute du gouvernement. Du coup le pays est plongé dans une crise politique et toute l’Europe attend de savoir quel sera la décision de La Haye face à l’élargissement de l’Union.
La coalition n'aura pas duré cent jours. Et elle éclate dans les pires des circonstances : une incompatibilité d’humeur entre deux des ses ministres, tous deux membres de la formation qui avait capitalisé l’un des plus forts courants de sympathie lors des législatives du 15 mai, la «liste Pim Fortuyn» (LPF). Deux des quatre ministres de cette liste présentant un programme ouvertement populiste, Herman Heinsbroek (Economie) et Eduard Bomhoff (Santé publique), en serait à ne plus s’adresser la parole. Tous deux revendiquent le leadership de leur parti, en jachère depuis la disparition tragique du chef de file, Pim Fortuyn, assassiné quelques jours avant le scrutin législatif et dont les circonstances de la mort avaient provoqué état de choc et compassion au sein de la société néerlandaise, habituée à d’autres usages en politique.

Sans la LPF, deuxième formation du pays et pilier du régime, la coalition a vécu. Sa mission n’ira désormais pas au-delà de l’expédition des affaires courantes en attendant un scénario de sortie de crise qui passera vraisemblablement par la convocation des électeurs à de nouvelles législatives, et la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale qu’il ne faudra pas attendre avant plusieurs mois, voire l’année prochaine.

Victime de son amateurisme

Cet épisode est un véritable défi au calendrier européen qui doit entériner lors du prochain sommet des Quinze, les 24 et 25 octobre, l’élargissement de l’Union à dix nouveaux pays. La règle de l’unanimité s’applique. Mais La Haye n’a pas encore tranché. En l’état, le projet ne convainc aucun des trois partis membres de la coalition, à commencer par la LPF. Cette dernière n’exclut pas un veto néerlandais pur et simple en raison des menaces qui, selon elle, pèseraient sur une Europe en proie aux appétits des mafias et des corrupteurs des pays de l’Est. De son côté, le parti libéral VVD, bien qu’excluant le veto, estime qu’un certain nombre de pays, parmi lesquels la Pologne, la Lettonie et la Slovaquie, ne répondent pas aux critères requis. Le premier ministre chrétien-démocrate (CDA), Jan-Peter Balkanende, va devoir user d’influence et de diplomatie pour continuer à assumer les responsabilités communautaires de son pays, c’est à dire tenter de ne pas faire capoter à lui seul ce que les Quinze ont mis si longtemps à élaborer. D’autant qu’une autre menace pèse sur le processus européen, avec le référendum sur le traité de Nice qui doit avoir lieu ce week-end en république d’Irlande et dont l’approbation constitue également une condition sine qua non à l’élargissement.

Moins de six mois après son arrivée fracassante sur les bancs du parlement, la LPF s’est durablement discréditée, victime de son amateurisme et de l’ambition incontrôlée de son personnel. Elle entraîne dans sa chute des partenaires conservateurs expérimentés et un électorat désabusé qui s’en souviendront. Selon le politologue Andre Krouwel interrogé par l’AFP, «Tout ce chaos ne peut que renforcer le cynisme à l’égard de la politique».



par Georges  Abou

Article publié le 16/10/2002