Irak
La résolution de l’Onu : un pas vers la guerre
Alors que la presse officielle répète inlassablement les arguments du pouvoir, les Irakiens ont accueilli le vote de la résolution du Conseil de sécurité de l’Onu avec fatalisme et détermination. Revue de presse.
De notre envoyé spécial à Bagdad
Les quotidiens irakiens, c’est la règle, titrent toujours sur l’agenda présidentiel de la veille. Ce n’est donc pas la résolution de l’Onu qui faisait les manchettes de la presse le samedi 9 novembre au matin, mais la visite rendue à Saddam par un obscur émissaire malais. Quant à la décision du conseil de sécurité, elle est traitée dans la droite ligne du pouvoir. Le quotidien Al Iraq (Organe officiel du Parti démocratique du Kurdistan) parle d’une «résolution inutile» qui fait suite à «des semaines de pressions américaines». Al Jumhuriya, le quotidien du gouvernement, titre : «Si les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pouvaient rendre leurs désirs possibles, le monde se conformerait à une seule loi, celle des crimes». Reprenant le discours officiel, son rédacteur en chef Hani Wahib écrit dans son éditorial que «les inspecteurs en désarmement n’ont rien trouvé parce que l’Irak n’a aucune arme de destruction massive. Et c’est ce qui embarrasse les Etats-Unis». L’éditorialiste ajoute : «les Etats-Unis veulent retenir les inspecteurs pour créer des tensions. Pour trouver une justification de leur guerre contre l’Irak, les Etats-Unis parient sur son refus du retour des inspecteurs».
Le journal évoque aussi les «manifestations contre la guerre en Irak, qui ont eu lieu aux Etats-Unis, en Allemagne, en France et ailleurs dans le monde. Il est curieux de voir que plus la désapprobation de l’opinion publique progresse, plus les menaces américaines augmentent». La presse irakienne a toujours rendu compte avec beaucoup de détail les manifestations pacifiques un peu partout dans le monde, mais en l’assimilant toujours à un soutien au régime. Al Qadissiya, le quotidien de l’armée, en appelle à «la communauté islamique», qui doit «prendre une position ferme et primordiale au sujet de l’Irak et de la Palestine». Enfin, l’Iraq Daily anglophone cite Saddam Hussein, qui appelle «les pays a travers le monde à adopter une position juste pour préserver leurs intérêts, et pas seulement ceux de l’Irak».
Le fatalisme des Irakiens
De toutes ces déclarations emphatiques, on retiendra surtout l’absence de signaux définitifs sur la réponse de l’Irak à l’ultimatum onusien. Plusieurs ministres avaient qualifiés ces derniers jours le projet de résolution de «déclaration de guerre». Un terme que l’on ne retrouvait pas dans les journaux irakiens de ce samedi. Vendredi soir, c’est avec un certain fatalisme que les Irakiens ont accueilli l’annonce du vote de la résolution par le conseil de sécurité de l’Onu. La nouvelle a été donnée à la télévision juste après les émissions religieuses qui monopolisent les soirées de ramadan. En sortant en ville après le foutour, la rupture du jeûne, les Bagdadis n’avaient pas trop le cœur à évoquer la nouvelle. Après deux mois de tergiversations, ce vote ouvre pour eux le processus qui devrait conduire à une attaque américaine.
Dans un café sur les bords du Tigre, un groupe d’étudiants jouent aux dominos en fumant une chicha, une pipe à eau. Il y a Ali, étudiant en sciences, Salah et Kamel, en fac de commerce, Mohamed, qui étudie à l’Institut de l’administration, et Georges et Faez, des lycéens en terminale. Ils sont représentatifs de la jeunesse aisée de Bagdad. Il y a un chrétien et un Kurde, des musulmans sunnites et des chiites. Ils portent des vêtements de sport de style américain et plaisantent comme tous les jeunes de leur âge dans n’importe quel pays. Lorsqu’on leur demande ce qu’ils pensent de cette décision, dans un premier temps, ils haussent les épaules. Ils étaient jeunes enfants lors de la guerre du Golfe mais le souvenir est encore tenace. La décision de l’Onu était attendue, jugent-ils, de même que la guerre apparaît comme inévitable. Leur assaut de patriotisme est surprenant. «Que l’Amérique attaque, disent-ils, et nous mourrons en martyrs pour défendre notre terre. Les Américains veulent notre pétrole et n’en ont rien à faire de notre gouvernement».
Alors qu’ils n’ont pas encore fait leur service militaire, et ne seront donc normalement pas appelés à combattre en cas de guerre, ils se porteront tous volontaires sous les drapeaux en cas d’offensive américaine. Pas un ne manquera à cet appel spontané. Le vote de la France, de la Russie et de la Chine, qui étaient donnés comme des soutiens potentiels contre une résolution trop ferme, ne les étonne guère. Ils s’avouent en revanche déçus du vote syrien, qui trahit la solidarité arabe. Dans un grand hôtel du centre-ville, un groupe d’une trentaine de pacifiste italiens était venu donner un concert pour la paix. La fête a été gâchée par l’annonce du vote, intervenue moins d’une demi-heure avant le début du spectacle. Les organisateurs ont renouvelé leur appel à la paix dans le pays. Une paix à laquelle les Irakiens ne croient plus trop.
Les quotidiens irakiens, c’est la règle, titrent toujours sur l’agenda présidentiel de la veille. Ce n’est donc pas la résolution de l’Onu qui faisait les manchettes de la presse le samedi 9 novembre au matin, mais la visite rendue à Saddam par un obscur émissaire malais. Quant à la décision du conseil de sécurité, elle est traitée dans la droite ligne du pouvoir. Le quotidien Al Iraq (Organe officiel du Parti démocratique du Kurdistan) parle d’une «résolution inutile» qui fait suite à «des semaines de pressions américaines». Al Jumhuriya, le quotidien du gouvernement, titre : «Si les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pouvaient rendre leurs désirs possibles, le monde se conformerait à une seule loi, celle des crimes». Reprenant le discours officiel, son rédacteur en chef Hani Wahib écrit dans son éditorial que «les inspecteurs en désarmement n’ont rien trouvé parce que l’Irak n’a aucune arme de destruction massive. Et c’est ce qui embarrasse les Etats-Unis». L’éditorialiste ajoute : «les Etats-Unis veulent retenir les inspecteurs pour créer des tensions. Pour trouver une justification de leur guerre contre l’Irak, les Etats-Unis parient sur son refus du retour des inspecteurs».
Le journal évoque aussi les «manifestations contre la guerre en Irak, qui ont eu lieu aux Etats-Unis, en Allemagne, en France et ailleurs dans le monde. Il est curieux de voir que plus la désapprobation de l’opinion publique progresse, plus les menaces américaines augmentent». La presse irakienne a toujours rendu compte avec beaucoup de détail les manifestations pacifiques un peu partout dans le monde, mais en l’assimilant toujours à un soutien au régime. Al Qadissiya, le quotidien de l’armée, en appelle à «la communauté islamique», qui doit «prendre une position ferme et primordiale au sujet de l’Irak et de la Palestine». Enfin, l’Iraq Daily anglophone cite Saddam Hussein, qui appelle «les pays a travers le monde à adopter une position juste pour préserver leurs intérêts, et pas seulement ceux de l’Irak».
Le fatalisme des Irakiens
De toutes ces déclarations emphatiques, on retiendra surtout l’absence de signaux définitifs sur la réponse de l’Irak à l’ultimatum onusien. Plusieurs ministres avaient qualifiés ces derniers jours le projet de résolution de «déclaration de guerre». Un terme que l’on ne retrouvait pas dans les journaux irakiens de ce samedi. Vendredi soir, c’est avec un certain fatalisme que les Irakiens ont accueilli l’annonce du vote de la résolution par le conseil de sécurité de l’Onu. La nouvelle a été donnée à la télévision juste après les émissions religieuses qui monopolisent les soirées de ramadan. En sortant en ville après le foutour, la rupture du jeûne, les Bagdadis n’avaient pas trop le cœur à évoquer la nouvelle. Après deux mois de tergiversations, ce vote ouvre pour eux le processus qui devrait conduire à une attaque américaine.
Dans un café sur les bords du Tigre, un groupe d’étudiants jouent aux dominos en fumant une chicha, une pipe à eau. Il y a Ali, étudiant en sciences, Salah et Kamel, en fac de commerce, Mohamed, qui étudie à l’Institut de l’administration, et Georges et Faez, des lycéens en terminale. Ils sont représentatifs de la jeunesse aisée de Bagdad. Il y a un chrétien et un Kurde, des musulmans sunnites et des chiites. Ils portent des vêtements de sport de style américain et plaisantent comme tous les jeunes de leur âge dans n’importe quel pays. Lorsqu’on leur demande ce qu’ils pensent de cette décision, dans un premier temps, ils haussent les épaules. Ils étaient jeunes enfants lors de la guerre du Golfe mais le souvenir est encore tenace. La décision de l’Onu était attendue, jugent-ils, de même que la guerre apparaît comme inévitable. Leur assaut de patriotisme est surprenant. «Que l’Amérique attaque, disent-ils, et nous mourrons en martyrs pour défendre notre terre. Les Américains veulent notre pétrole et n’en ont rien à faire de notre gouvernement».
Alors qu’ils n’ont pas encore fait leur service militaire, et ne seront donc normalement pas appelés à combattre en cas de guerre, ils se porteront tous volontaires sous les drapeaux en cas d’offensive américaine. Pas un ne manquera à cet appel spontané. Le vote de la France, de la Russie et de la Chine, qui étaient donnés comme des soutiens potentiels contre une résolution trop ferme, ne les étonne guère. Ils s’avouent en revanche déçus du vote syrien, qui trahit la solidarité arabe. Dans un grand hôtel du centre-ville, un groupe d’une trentaine de pacifiste italiens était venu donner un concert pour la paix. La fête a été gâchée par l’annonce du vote, intervenue moins d’une demi-heure avant le début du spectacle. Les organisateurs ont renouvelé leur appel à la paix dans le pays. Une paix à laquelle les Irakiens ne croient plus trop.
par Nicolas Hénin
Article publié le 09/11/2002