Afghanistan
Ces commandants qui nous accueillent
Mazar-e-sharif est déjà loin, nous quittons le désert et entrons dans la montagne. Entre champs de mines et cadavres de vieux chars russes, le fascinant spectacle de l’Afghanistan…
Une corde est tendue entre les deux côtés de la route. Tous les véhicules s’arrêtent. Avant chaque ville, c’est la même cérémonie. Nous doublons toute la file et passons lentement devant le barrage gardé par les hommes du commandant local. Quand ils nous aperçoivent, c’est toujours la même surprise, les mêmes hurlements à la vue de nos vélos, puis les mêmes encouragements de ces hommes brandissant leurs armes.
Nous arrêtons les vélos pour serrer les mains et échanger quelques mots. Les questions fusent. «D’où vous venez et où allez-vous ?». Le plus souvent nous arrivons seulement à faire comprendre que nous sommes Français. Peu habitués à rencontrer des voyageurs, les Afghans nous demandent : «Quel travail faites-vous ?» Et nous : «Nous ne travaillons pas, nous sommes touristes». Soudain l’un d’eux s’étonne : «Quoi ? terroristes !». «Non, touristes !». La prononciation de ces deux mots est trop proche en anglais. Alors tout le monde rit de bon cœur, écarquille les yeux devant les vélos, et nous continuons notre route vers Kaboul. Contre toute attente, aucun de ces miliciens ne nous demande jamais le moindre bakchich. Ou du moins, ils n’insistent pas…
Nous sommes à 60 kilomètres à l’est de Mazar dans la petite ville de Tashqurghan. Le commandant local est venu nous voir accompagné de ses hommes. Il cultive la ressemblance avec le commandant Massoud, le pakol (couvre-chef afghan traditionnel) vissé sur la tête et la barbe bien taillée. Veste de l’armée sans manche, pistolet à la ceinture et kalachnikov au poing, c’est avec un grand sourire qu’il nous assure que nous sommes en parfaite sécurité dans la région. Malgré toutes ces armes qui dansent autour de nous, on ne se sent jamais inquiété.
Les reliques de la guerre avec les Soviétiques
Nous savons que les commandants locaux ont repris le pouvoir en Afghanistan. Dans la même journée nous nous arrêtons un peu plus loin à Samangan pour dormir. Nous ne sommes pas installés depuis dix minutes dans une tchaïkhana pour déguster le thé vert que le neveu du commandant nous offre une de ses maisons pour la nuit et paye notre repas sans que nous puissions rien dire. Nous apprenons quelques jours plus tard que les commandants de ces deux villes se tiraient dessus il y a encore quelques jours…
Le désert du Nord cède vite sa place à des paysages de montagnes exceptionnels. Nous roulons bientôt encastrés dans des vallées profondes, minuscules vélos au fond des montagnes aux parois abruptes. Soudain, après le passage d’un col, la route plonge dans une vallée verdoyante, cultivée, à la végétation luxuriante. Paysage auquel je ne m’attendais pas dans cet Afghanistan prisonnier de son image de pays aride aux montagnes caillouteuses.
Mais avant chaque village, dans les lacets de chaque route escarpée d’une montagne, nous doublons la carcasse abandonnée et déchiquetée d’un char russe. Nous apercevons les débris d’un trépied soutenant un fusil mitrailleur, autant de cadavres de la guerre menée par les Russes pour envahir le pays de 1979 à 1989. Tout le long de l’axe principal qui relie Mazar à Kaboul, nous dépassons des pierres rouges déposées régulièrement sur le bord de la route. Ces pierres signalent que la zone, tout autour, est minée.
Dans ce paysage de montagnes je crève quatre fois par jour. Devant mon incapacité à réparer, un groupe d’une vingtaine d’Afghans prend en main la situation. On s’assoit autour des vélos et ces hommes réparent une à une toutes mes chambres à air. Je ne comprends pas un mot de ce qu’ils disent. Pourtant en une heure, nous sommes devenus leurs protégés. On se congratule, on se tape dans le dos, mon frère Benoît offre des cigarettes. Nous ne rencontrons que des hommes qui veulent à tout prix nous aider ou parler avec nous.
Nous nous arrêtons un soir dans une tchaïkhana où un homme dort la tête appuyée sur son fusil. Mais ce détail ne nous soucie pas beaucoup. Nous pensons déjà avec crainte à ce qui doit être l’épreuve la plus dure de ce voyage à vélo: le mythique col de Salang et son tunnel perché à plus de 2600 mètres d’altitude…
Nous arrêtons les vélos pour serrer les mains et échanger quelques mots. Les questions fusent. «D’où vous venez et où allez-vous ?». Le plus souvent nous arrivons seulement à faire comprendre que nous sommes Français. Peu habitués à rencontrer des voyageurs, les Afghans nous demandent : «Quel travail faites-vous ?» Et nous : «Nous ne travaillons pas, nous sommes touristes». Soudain l’un d’eux s’étonne : «Quoi ? terroristes !». «Non, touristes !». La prononciation de ces deux mots est trop proche en anglais. Alors tout le monde rit de bon cœur, écarquille les yeux devant les vélos, et nous continuons notre route vers Kaboul. Contre toute attente, aucun de ces miliciens ne nous demande jamais le moindre bakchich. Ou du moins, ils n’insistent pas…
Nous sommes à 60 kilomètres à l’est de Mazar dans la petite ville de Tashqurghan. Le commandant local est venu nous voir accompagné de ses hommes. Il cultive la ressemblance avec le commandant Massoud, le pakol (couvre-chef afghan traditionnel) vissé sur la tête et la barbe bien taillée. Veste de l’armée sans manche, pistolet à la ceinture et kalachnikov au poing, c’est avec un grand sourire qu’il nous assure que nous sommes en parfaite sécurité dans la région. Malgré toutes ces armes qui dansent autour de nous, on ne se sent jamais inquiété.
Les reliques de la guerre avec les Soviétiques
Nous savons que les commandants locaux ont repris le pouvoir en Afghanistan. Dans la même journée nous nous arrêtons un peu plus loin à Samangan pour dormir. Nous ne sommes pas installés depuis dix minutes dans une tchaïkhana pour déguster le thé vert que le neveu du commandant nous offre une de ses maisons pour la nuit et paye notre repas sans que nous puissions rien dire. Nous apprenons quelques jours plus tard que les commandants de ces deux villes se tiraient dessus il y a encore quelques jours…
Le désert du Nord cède vite sa place à des paysages de montagnes exceptionnels. Nous roulons bientôt encastrés dans des vallées profondes, minuscules vélos au fond des montagnes aux parois abruptes. Soudain, après le passage d’un col, la route plonge dans une vallée verdoyante, cultivée, à la végétation luxuriante. Paysage auquel je ne m’attendais pas dans cet Afghanistan prisonnier de son image de pays aride aux montagnes caillouteuses.
Mais avant chaque village, dans les lacets de chaque route escarpée d’une montagne, nous doublons la carcasse abandonnée et déchiquetée d’un char russe. Nous apercevons les débris d’un trépied soutenant un fusil mitrailleur, autant de cadavres de la guerre menée par les Russes pour envahir le pays de 1979 à 1989. Tout le long de l’axe principal qui relie Mazar à Kaboul, nous dépassons des pierres rouges déposées régulièrement sur le bord de la route. Ces pierres signalent que la zone, tout autour, est minée.
Dans ce paysage de montagnes je crève quatre fois par jour. Devant mon incapacité à réparer, un groupe d’une vingtaine d’Afghans prend en main la situation. On s’assoit autour des vélos et ces hommes réparent une à une toutes mes chambres à air. Je ne comprends pas un mot de ce qu’ils disent. Pourtant en une heure, nous sommes devenus leurs protégés. On se congratule, on se tape dans le dos, mon frère Benoît offre des cigarettes. Nous ne rencontrons que des hommes qui veulent à tout prix nous aider ou parler avec nous.
Nous nous arrêtons un soir dans une tchaïkhana où un homme dort la tête appuyée sur son fusil. Mais ce détail ne nous soucie pas beaucoup. Nous pensons déjà avec crainte à ce qui doit être l’épreuve la plus dure de ce voyage à vélo: le mythique col de Salang et son tunnel perché à plus de 2600 mètres d’altitude…
par NICOLAS DUBOST
Article publié le 20/11/2002