Social
Le travail, c’est de moins en moins la santé
Les salariés estiment que, depuis vingt ans, leurs conditions de travail se sont plutôt dégradées. En dépit de la mécanisation et de l'informatisation, ils n'éprouvent pas le sentiment d'une amélioration des efforts physiques à fournir. En revanche, la pression mentale, liée à une attention, une rapidité et une responsabilité accrues, rend le travail plus pénible.
Les enquêtes réalisées en France au cours des vingt dernières années par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), sur les conditions de travail, recèlent un certain nombre de paradoxes. Selon l’étude qui vient d’être rendue publique, bien loin d'alléger la dureté du travail, l'automatisation et l'informatisation font peser de nouvelles contraintes, mal vécues par les salariés. Jusqu'à la réduction du temps de travail qui a pour effet pervers des emplois du temps plus disloqués et des tâches plus intenses.
Les salariés sont de plus en plus nombreux à évoquer des efforts physiques importants et des risques accrus dans leur travail : porter des charges, rester longtemps dans une position inconfortable ou être exposé à des contaminations. Cela ne concerne pas que les ouvriers de l’industrie. Les employés de bureaux signalent eux aussi le fait de rester durablement dans une posture pénible.
On pourrait penser que la réduction du temps de travail vient compenser cette dégradation. Il n’en est rien: le temps global de travail a certes diminué, passant de 40 heures en 1984 à moins de 38 heures en 1998, mais cela s’est accompagné d’horaires plus irréguliers, moins prévisibles, parfois le samedi et dimanche ou de nuit, que les salariés présentent comme des contraintes supplémentaires. Notamment, n’être informés de ses jours de congés modulés que peu de temps à l’avance est mal perçu. Quant aux cadres et à ceux qui ont une qualification plus grande, leurs horaires de travail ont connu, en vingt ans, une augmentation sensible. A l’inverse, le temps partiel ou les journées de travail allongées non choisies se sont multipliés par exemple dans les métiers de la vente.
Plus intense, plus rapide
Outre le temps et les rythmes de travail, le contenu des tâches a également été affecté. Une plus grande autonomie est requise des travailleurs y compris parmi les non qualifiés ce qui est compris, bien souvent, comme une absence de consignes, source d’incertitude et d’angoisse. D’autant qu’avec l’extension de la production «zéro délai» les salariés travaillent de plus en plus dans l’urgence.
Travail plus intense, plus rapide, nécessitant toujours plus d’attention, tandis que les pauses se raréfient : autant d’éléments qui vont à l’encontre du souhait émis par les salariés d’un travail bien fait. L’enquête de l’Insee conclut cependant que le sens de la qualité des produits et des services rendus est une valeur largement partagée. D’où les craintes accrues de mal faire.
Il ne faut pas chercher plus loin le succès connu par la notion de «harcèlement moral» au travail promue par la psychiatre Marie-France Hirigoyen en 1998 dans un livre qui s’est vendu à 450 000 exemplaires en France et a été traduit dans 24 pays. Pour le sociologue Jean-Pierre Le Goff, dans une interview au magasine Alternatives économiques, «il faut prendre en compte les évolutions du management et de l’organisation du travail. Désormais chaque salarié a de beaucoup plus grandes responsabilités sur les épaules, il est moins protégé par les hiérarchies intermédiaires qu’auparavant. La performance doit être totale. Cela met terriblement à mal les subjectivités».
Les salariés sont de plus en plus nombreux à évoquer des efforts physiques importants et des risques accrus dans leur travail : porter des charges, rester longtemps dans une position inconfortable ou être exposé à des contaminations. Cela ne concerne pas que les ouvriers de l’industrie. Les employés de bureaux signalent eux aussi le fait de rester durablement dans une posture pénible.
On pourrait penser que la réduction du temps de travail vient compenser cette dégradation. Il n’en est rien: le temps global de travail a certes diminué, passant de 40 heures en 1984 à moins de 38 heures en 1998, mais cela s’est accompagné d’horaires plus irréguliers, moins prévisibles, parfois le samedi et dimanche ou de nuit, que les salariés présentent comme des contraintes supplémentaires. Notamment, n’être informés de ses jours de congés modulés que peu de temps à l’avance est mal perçu. Quant aux cadres et à ceux qui ont une qualification plus grande, leurs horaires de travail ont connu, en vingt ans, une augmentation sensible. A l’inverse, le temps partiel ou les journées de travail allongées non choisies se sont multipliés par exemple dans les métiers de la vente.
Plus intense, plus rapide
Outre le temps et les rythmes de travail, le contenu des tâches a également été affecté. Une plus grande autonomie est requise des travailleurs y compris parmi les non qualifiés ce qui est compris, bien souvent, comme une absence de consignes, source d’incertitude et d’angoisse. D’autant qu’avec l’extension de la production «zéro délai» les salariés travaillent de plus en plus dans l’urgence.
Travail plus intense, plus rapide, nécessitant toujours plus d’attention, tandis que les pauses se raréfient : autant d’éléments qui vont à l’encontre du souhait émis par les salariés d’un travail bien fait. L’enquête de l’Insee conclut cependant que le sens de la qualité des produits et des services rendus est une valeur largement partagée. D’où les craintes accrues de mal faire.
Il ne faut pas chercher plus loin le succès connu par la notion de «harcèlement moral» au travail promue par la psychiatre Marie-France Hirigoyen en 1998 dans un livre qui s’est vendu à 450 000 exemplaires en France et a été traduit dans 24 pays. Pour le sociologue Jean-Pierre Le Goff, dans une interview au magasine Alternatives économiques, «il faut prendre en compte les évolutions du management et de l’organisation du travail. Désormais chaque salarié a de beaucoup plus grandes responsabilités sur les épaules, il est moins protégé par les hiérarchies intermédiaires qu’auparavant. La performance doit être totale. Cela met terriblement à mal les subjectivités».
par Francine Quentin
Article publié le 14/11/2002