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Santé

SOS, vaccination en danger

L’accès à la vaccination est loin d’être équitablement réparti. Deux millions d’enfants des pays en développement meurent ainsi chaque année faute d’avoir pu bénéficier de l’un des vaccins disponibles pour les immuniser. De la même manière, la recherche vaccinale délaisse les maladies qui touchent les seuls pays du Sud, car ils ne représentent pas un marché suffisamment rentable. Dans le domaine de la vaccination comme dans tout ce qui concerne l’accès aux soins en général, les malades sont le plus souvent au Sud et les remèdes au Nord.
Il faut 25 dollars par personne et par an pour qu’un enfant puisse bénéficier d’une série de vaccinations de base. Mais dans la plupart des pays africains, l’enveloppe budgétaire dédiée à la santé en général ne dépasse pas six dollars annuels. Après l’élan donné dans les années 70 par le programme élargi de vaccination (PEV) qui a permis d’atteindre un taux de couverture vaccinale moyen de l’ordre de 73 % en 1990, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) note que la diminution de la mobilisation financière a eu pour effet de stopper les progrès. Pire, dans certains pays, on assiste même à des retours en arrière. En République centrafricaine, on est ainsi passé de 82% à 29% en l’espace de quelques années.

L’absence de financements adaptés explique en grande partie cette situation. Les pays donateurs délaissent la vaccination. Et malgré la création de l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI), un fonds destinés à mobiliser tous les partenaires publics et privés au profit de cette tâche dont la deuxième réunion se tient à Dakar, le 20 novembre, les ressources restent largement inférieures aux besoins. L’aide extérieure apportée aux pays en développement pour la vaccination représente 1,56 milliard de dollars par an. Avec 250 millions de plus, on pourrait, selon Daniel Tarantola, directeur du département vaccins à l’Organisation mondiale de la santé, vacciner dix millions d’enfants supplémentaires contre les six maladies les plus courantes, comme le tétanos ou la rougeole. Avec encore 100 millions, il serait alors possible de faire bénéficier ces mêmes enfants d’une immunisation contre l’hépatite B et l’Haemophilus influenzae b (HIB) responsable de pneumonies. Deux fléaux qui provoquent respectivement chaque année, dans les pays en développement, 520 000 et 450 000 décès.

Le meilleur rapport coût/efficacité

Cette inégalité se ressent aussi au niveau de la recherche et du développement de nouveaux vaccins. Les laboratoires ne s’intéressent que très peu aux souches des virus ou aux maladies spécifiques aux pays pauvres. Dans le cas de la méningite, par exemple, le vaccin efficace contre la souche C, qui a été utilisé à grande échelle en Grande-Bretagne, n’agit pas en Afrique car le germe à combattre est différent. Et cette maladie continue à faire des ravages sur le continent. De la même manière, aucun vaccin contre le paludisme, qui tue un million de personnes par an, n’est encore disponible. L’une des explications de ce phénomène vient de la répartition des budgets consacrés à la recherche. Dans le cas du sida, sur les 500 millions de dollars dépensés chaque année pour tenter de mettre au point un vaccin, seuls 40 millions sont destinés à des recherches spécifiques sur les souches africaines. Alors que plus de 90% des malades se trouvent sur le continent.

Cette situation est d’autant plus paradoxale que le vaccin est, selon Yves Bergevin, chef du programme santé de l’Unicef, «l’une des interventions de santé qui a le meilleur rapport coût/efficacité». Malgré tout, la vaccination reste trop chère. Une dose de vaccin contre la tuberculose coûte entre 5 et 11 centimes d’euros. Une dose contre la rougeole, 80 centimes. Et une vaccination complète nécessite parfois plusieurs injections. Sans même parler de la nécessité de disposer de personnel qualifié et du matériel nécessaire pour conserver les doses ou sécuriser les injections. Pour obtenir une diminution du prix, il faut donc augmenter le nombre de vaccins produits et encourager les laboratoires des pays du Sud, qui en ont la capacité (Inde, Chine, Brésil), à fabriquer eux-mêmes les vaccins qui ne sont plus protégés par des brevets. Ce qui n’est pas le cas actuellement. La production est, en effet, largement inférieure aux besoins car les prévisions dans ce domaine «ont été inférieures aux prévisions de la demande».

A tel point que le risque de carence est de plus en plus présent, aussi bien au Sud qu’au Nord. L’une des solutions pour inciter les laboratoires à relancer la fabrication de certains vaccins moins rentables mais aussi à engager des collaborations avec ceux du Sud pour leur permettre d’en produire, est de mettre en œuvre des procédures de financement pluriannuelles. Une manière d’adapter la production aux besoins, de rentabiliser les investissements… et de sauver des vies.



par Valérie  Gas

Article publié le 21/11/2002