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Congo démocratique

Le dialogue intercongolais, version marathon

Le président sud-africain, en ouvrant les pourparlers à Pretoria, a décidé de fixer au 23 novembre prochain la date-butoir pour aboutir à un accord.
De notre correspondante en Afrique du Sud

Addis-Abeba en octobre 2001, Sun City en février dernier et Pretoria en octobre… Après ces trois grandes étapes, le dialogue intercongolais devrait enfin déboucher sur du concret. Les négociations marathon qui se sont ouvertes le 15 novembre à Pretoria, la capitale administrative de l’Afrique du Sud, sont censées aboutir à un accord sur le partage du pouvoir tout au long d’une période de transition démocratique. Thabo Mbeki, le président sud-africain, a décidé de mettre la pression. Une date-butoir a été fixée au 23 novembre, pour des discussions d’une semaine qui ne pourront pas s’autoriser, comme les précédentes, la moindre prolongation.

Selon le calendrier idéal défini par l’Afrique du Sud, ces nouvelles rencontres devraient déboucher sur une grand-messe, dès décembre prochain, en présence du facilitateur du dialogue intercongolais, l’ancien président du Botswana Ketumile Masire, avant la mise en place, dès janvier, des nouvelles institutions. Ces espoirs, malheureusement, pourraient être déçus. Au lieu de la «distribution des responsabilités étatiques» évoquée par le médiateur des Nations unies, le Sénégalais Moustapha Niasse, les Congolais sont encore loin de voir les portefeuilles ministériels confiés à telle ou telle personnalité.

Deux missions pour le moins difficiles restent à accomplir. La première porte sur le détail des modalités de l’accord de principe trouvé en octobre dernier sur le partage du pouvoir exécutif, la seconde sur l’élaboration d’une nouvelle Constitution pour la période de transition. L’accord d’octobre dernier prévoit une présidence exercée par Joseph Kabila jusqu’à des élections dont la date n’a pas été fixée, aux côtés de quatre vice-présidents issus des principales forces en présence: le gouvernement de Joseph Kabila lui-même, les deux grandes rébellions armées, le Mouvement de libération congolais (MLC) de Jean-Pierre Bemba et le Ralliement congolais pour la démocratie (RCD) d’Adolphe Onusumba, ainsi que l’opposition dite «politique» parce que non armée.

Dénommée «un plus quatre», cette configuration n’est qu’un point de départ, confient les plus sceptiques. Et pour cause: le MLC de Jean-Pierre Bemba n’a accepté cette formule de partage qu’à… 9 conditions. Parmi ces dernières, l’extension du principe «un plus quatre» à tous les niveaux du pouvoir, notamment ministériel et provincial, pour mieux se construire une assise politique nationale avant les élections. Joseph Kabila, de son côté, refuserait toujours le partage du pouvoir au-delà des quatre vice-présidences… Aussi Thabo Mbeki a-t-il exhorté les Congolais à laisser les «exigences» au vestiaire afin de promouvoir un véritable «compromis».

La pression de l’Afrique du Sud

Ces nouveaux pourparlers devraient éviter le chaos rencontré précédemment, avec querelles protocolaires et même la rixe, en octobre dernier, qui avait vu les différentes tendances de la société civile en venir aux mains et s’envoyer à la figure les chaises de la résidence privée du président sud-africain… Cette fois, chacun est convoqué à tour de rôle par la double médiation exercée par l’envoyé spécial des Nations unies, l’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères Moustapha Niasse, et le ministre sud-africain des Collectivités locales, Sydney Mufamadi. Dimanche et lundi, déjà, Moustapha Niasse s’est entretenu séparément avec les huit forces en présence: le gouvernement de Kinshasa, le MLC, le RCD, trois petites formations armées, l’opposition politique et la société civile.

Comme les précédents, ces pourparlers ont été présentés comme ceux de la «dernière chance». Leur résultat dépendra en partie de la pression exercée par l’Afrique du Sud. Le leader sous-régional a déjà investi beaucoup de temps et d’énergie, en dehors des 10 millions de rands (1 million d’euros) annoncés, dans un processus de paix qu’il aimerait bien voir aboutir. En RDC, par ailleurs, la donne a changé. La publication, le 22 octobre dernier, d’un rapport des Nations unies sur le pillage des ressources naturelles de la RDC a fait l’effet d’une boule dans un jeu de quilles. Bien que très controversé, ce rapport a nommément accusé nombre de personnalités et intérêts constitués, parmi lesquels le MLC de Jean-Pierre Bemba et le gouvernement de Joseph Kabila, incitant ce dernier à faire tomber quelques têtes. L’affaiblissement de ces deux protagonistes, dans un conflit qui a fait 2 millions de morts depuis 1998, pourrait jouer comme un atout majeur en faveur de la paix.



par Sabine  Cessou

Article publié le 18/11/2002