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Corse

L'affaire des paillotes en appel

L'ancien préfet de Corse, Bernard Bonnet revient, ce lundi, devant les juges dans l'affaire de deux restaurants de plage illégaux incendiés sur l'île de Beauté en 1999. Il sera assisté d'un nouvel avocat, Jacques Vergès, qui devrait plaider la relaxe et tenter de mettre en cause le Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin ainsi que son équipe.
Cette affaire avait ébranlé le gouvernement Jospin en 1999. Nommé quelques jours après l'assassinat - non encore élucidé - de Claude Erignac, abattu le 6 février 1998 à Ajaccio, Bernard Bonnet arrive sur l'île de Beauté pour, dit-il, «rétablir l'Etat de droit». Un Etat de droit qui va s'incarner rapidement par la démolition de constructions illégales de restaurants de plage, dites paillotes, sur le domaine public maritime. En première instance, le 11 janvier dernier, Bernard Bonnet, aujourd'hui préfet sans affectation, a été condamné à trois ans de prison dont un ferme ainsi qu'à trois ans de privation de ses droits civiques pour avoir commandité l'incendie des deux paillotes «Aria Marina» et «Chez Francis».

Il comparaît aujourd'hui et jusqu'au 29 novembre, ainsi que sept autres prévenus devant la cour d'appel de Bastia pour de nouveau s'expliquer sur les faits commis entre mars et avril 1999. Depuis toujours, Bernard Bonnet a assuré qu'il n'avait été qu'un fusible dans cette affaire, attribuant même l’organisation de cette opération à Matignon. Et, pour appuyer ses dires, il veut, cette fois-ci, faire citer l'ancien Premier ministre Lionel Jospin, plusieurs de ses conseillers dont son ancien directeur de cabinet Olivier Schrameck - aujourd'hui ambassadeur de France à Madrid - mais aussi le ministre de la Défense d’alors, Alain Richard.

Jacques Vergès, nouvel avocat de Bernard Bonnet

Au cours du premier procès, deux conseillers de Lionel Jospin à Matignon, Clotilde Valter et Alain Christnacht, ainsi que l’ancien ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, avaient déjà été entendus par le tribunal correctionnel. Des auditions qui, à l’époque, avaient nettement affaibli la thèse du préfet selon laquelle Matignon était à l’origine de l’affaire des paillotes afin d’obtenir son éviction et changer de politique en Corse, alors que s’ouvraient des négociations avec les indépendantistes. L’accusation avait alors considéré cette thèse comme étant un faux-fuyant peu crédible car les sept autres prévenus avaient désigné Bernard Bonnet comme l’unique organisateur de l’incendie des deux paillotes.

L’ex-préfet va aujourd’hui être défendu par le célèbre avocat, Jacques Vergès, qui va plaider la relaxe. Sa stratégie de défense va rejoindre celle qu’avait tentée son client, au début de l’année, lorsqu’il avait clamé à la barre avoir été victime d’une «opération barbouzarde» qui n’avait «qu’un objectif : éliminer celui qui gênait le système corse». Mais Bernard Bonnet va, de nouveau, être confronté à deux de ses plus proches collaborateurs de l’époque - son ex-directeur de cabinet Gérard Pardini et l’ancien chef de la Légion de gendarmerie Henri Mazères - qui ne l’avaient pas épargné. C'est la quatrième fois que Bernard Bonnet change d’avocat. Et, selon nos confrères de RTL, les frais d’avocat de l’ancien préfet pris en charge par le ministère de l’Intérieur, s’élèverait à près de 473 000 euros.

Pour mémoire, la paillote «Aria Marina» a été partiellement incendiée le 6 mars 1999, jour du premier tour des élections territoriales corses par le colonel Mazères et Bernard Pardini avec le briquet du préfet Bonnet, ont-ils expliqué devant le tribunal correctionnel d’Ajaccio, en janvier dernier. Quant au restaurant «Chez Francis», il est parti en fumée dans la nuit du 19 au 20 avril de la même année, après le passage du commando de cinq gendarmes qui a laissé de nombreux indices de leur passage : un radiotéléphone, un couteau…etc, qui devaient conduire les enquêteurs jusqu’à eux puis jusqu’au préfet, malgré une tentative de mensonge à la justice, assumée en première instance par le colonel Mazères.

Lucien Felli, avocat d’Yves Féraud, le propriétaire de la paillote «Chez Francis», espère que le procès en appel «ne tournera pas au show médiatique». «Il faut rester sur le fond du dossier, c’est-à-dire déterminer exactement ce qui s’est passé, qui a fait quoi et quel était l’objectif de l’opération», a-t-il déclaré, avant d’ajouter : «le procès d’Ajaccio a laissé certaines réponses en suspens».



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 18/11/2002