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Congo démocratique

Zanga Mobutu rentre à Kinshasa

Après cinq années d’exil au Maroc et en France, l’un des fils de l’ancien dictateur congolais est arrivé mardi soir dans la capitale de la RDC. Au nom d’une réconciliation nationale qui fait déjà grincer beaucoup de dents, y compris au sein des mobutistes.
Le retour au bercail de Zanga Mobutu n’est pas une surprise. A l’aéroport de Ndjili il n’a été accueilli que par un responsable des «Jeunesses katangaises», par un représentant du gouvernement de Joseph Kabila. Mais il s’est néanmoins dit «heureux de revenir au pays et de revoir des têtes connues». Et pourtant, il fait figure d’étranger ou presque, aux yeux de nombreux Kinois, en raison de ses longs séjours en Europe, bien avant de suivre son père en exil, en 1997.

C’est aussi d’Europe qu’il avait signifié au nouveau président sa volonté de prendre sa place au sein du «dialogue inter-congolais» en cours, tout en soulignant qu’il souhaitait également rapatrier la dépouille de son père, enterré dans le carré chrétien du cimetière de Rabat, où il est décédé trois mois après avoir été chassé au pouvoir par Laurent-Désiré Kabila et ses alliés de l’époque (Rwanda et Ouganda).

Une «entente cordiale» qui sème le trouble chez les mobutistes

Visiblement, entre les deux héritiers les plus en vue de la RDC, une certaine entente a vu le jour, en dépit de la guerre ouverte que leurs pères se sont livrés près de quarante années durant. Joseph Kabila aurait à la fois «invité» Zanga Mobutu à rentrer au Congo et permis le retour de la dépouille de son père. Un geste qui ne peut sue favoriser la «réconciliation» prônée par le président Kabila comme la communauté internationale, mais qui fait néanmoins grincer des dents à Kinshasa comme ailleurs. Y compris à Gbadolite, l’ancienne «capitale» du «Mobutuland», située dans la province de l’Equateur, et qui est devenue depuis 1998 une sorte de «Bembaland».

C’est en effet Jean-Pierre Bemba, président du MLC, qui contrôle le nord-ouest de la RDC : une région autrefois privilégiée par l’ancien dictateur Mobutu, mais aujourd’hui laissée quelque peu à l’abandon, à l’image des palais présidentiels en ruine de Gbadolite, le «petit Versailles» de Mobutu. Jean-Pierre Bemba demeure le principal héritier du mobutisme et espère toujours occuper une place de choix - celle de premier ministre - à l’issue du «dialogue intercongolais».

Sur le papier, d’après les accords de Sun City, il aurait dû rejoindre dès l’été dernier la capitale congolaise, où séjourne depuis toujours son père (un richissime homme d’affaires, également patron des patrons du pays). Mais des «raisons de sécurité» l’ont officiellement empêché de rejoindre son poste, avant même que les autres «rebelles» ne signent à leur tour un accord-cadre avec Kinshasa. Mais si cela ne s’est pas fait, c’est d’abord parce que le leader des mobutistes, qui dispose d’une armée bien entraînée et bien équipée dans son « Bembaland » a demandé d’être doté d’une garde personnelle forte de 3 000 hommes, à Kinshasa. Ce que Joseph Kabila a probablement évité de prendre en compte, se limitant à faire savoir à Jean-Pierre Bemba qu’il pouvait rester à Gbadolite encore quelques mois. En attendant la fameuse «réconciliation» totale plus que jamais à l’ordre du jour.

En réalité, en favorisant le retour d’un certain nombre de mobutistes, de la famille du dictateur disparu voire de certains généraux de l’ancien régime, Joseph Kabila obtient un double résultat : d’un côté il peut continuer de remplacer convenablement des «amis de son père» auxquels il ne doit rien, et de l’autre il peut se permettre de couper quelque peu l’herbe sous les pieds d’autres mobutistes qui avaient entre temps rejoint les rangs des rebelles du nord-ouest aux côtés de Jean-Pierre Bemba. Ceci lui permet également de prendre quelques distances vis-à-vis de ce dernier, qui récemment s’est illustré en Centrafrique dans une défense à tout prix d’Ange-Félix Patassé, menacé par une énième rébellion, mais aussi dans de nouveaux massacres de civils centrafricains à Bangui.

Enfin, Joseph Kabila n’est pas sans savoir que la «réconciliation» en cours profite aussi à certains opportunistes, bien connus sur place, qui tentent de revenir sur le devant de la scène politique (et commerciale) congolaise. Tout récemment le jeune président congolais a profité d’un rapport dénonçant le pillage du pays par certains proches de son père pour les éloigner du pouvoir. Ce qui a été apprécié par de nombreux Congolais. Mais nombreux aussi ceux qui n’ont pas oublié que la « réconciliation» risque de profiter aussi à d’autres «pilleurs» : les mobutistes qui ont saigné le pays près de quarante années durant. A l’ombre de Mobutu Sese Seko.



par Elio  Comarin

Article publié le 27/11/2002