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Attentats

La police française à l’offensive

La police française a multiplié les arrestations de terroristes-présumés, ou de complices, au cours de ces derniers jours, à Paris et en banlieue. Les enquêteurs semblent très satisfaits de certains coups de filet réalisés qui s'inscrivent dans le cadre d'une enquête qui dépassant inévitablement les frontières nationales et qui confirmerait le caractère multiforme de la chasse anti-terroriste.
Le dernier épisode en date a eu lieu mardi matin. Les policiers de la section anti-terroriste de la brigade criminelle et de la brigade anti gang ont opéré une série de perquisitions et d’interpellations sur sept objectifs, dont deux mosquées fréquentées principalement par des Pakistanais. Ces opérations interviennent dans le cadre de l’enquête sur la tentative d’attentat du Britannique Richard Reid contre l’avion d’American Airlines assurant la liaison Paris-Miami, le 22 décembre 2001. L’objectif de ce coup de filet serait de boucler définitivement l’enquête sur cette tentative, et les complicités dont son auteur aurait pu bénéficier, avant le jugement de Richard Reid, attendu pour le 30 janvier aux Etats-Unis. Parmi les personnes interpellées ce mardi, un imam a été placé en garde à vue.

La veille à l'aube, les fonctionnaires du contre-espionnage français avaient arrêté Slimane Khalfaoui, un Français d’origine algérienne, ainsi que cinq membres de sa famille et de son entourage. Selon les enquêteurs, à vingt-sept ans, Slimane Khalfaoui est déjà un combattant islamiste très aguerri et disposant d’un très riche carnet d’adresses. Les enquêteurs le recherchent dans le cadre du dossier sur les filières d’entraînement en Afghanistan. Selon eux, il s’est battu aux côtés des Taliban et en Bosnie, avec les quelques milliers de soldats étrangers des brigades islamiques. On lui prête des capacités «opérationnelles» ce qui, dans le jargon policier signifie qu’il est susceptible de préparer ou d’organiser un attentat, par opposition au capacités «logistiques» qui consistent à réunir les moyens matériels à l’exécution d’une mission (tels que la fourniture d’un hébergement, d’argent et de faux-papiers).

Selon les enquêteurs, on retrouve Slimane Khalfaoui à la croisée de plusieurs épisodes terroristes. Il est tout d’abord présenté comme un proche de Rabah Kadri, dit «Toufik», arrêté et inculpé par la justice britannique en compagnie de deux complices le 9 novembre. La presse britannique les soupçonne d’avoir projeté un attentat au gaz dans le métro de Londres. Les enquêteurs français précisent soulignent d’ailleurs que cette arrestation est le fruit d’une étroite collaboration entre les deux polices. Slimane Khalfaoui est aussi soupçonné d’avoir appartenu au «groupe de Francfort», démantelé en décembre 2000 alors qu’il s’apprêtait à commettre un attentat contre le marché et la cathédrale de Strasbourg lors des fêtes de Noël. Enfin, et surtout, les policiers français semblent convaincus qu’ils tiennent l’un des complices d’Ahmed Ressam, un Algérien de trente-quatre ans basé au Canada et arrêté à la frontière américaine le 14 décembre 1999 avec 59 kg d’explosifs dans le coffre de sa voiture. Les deux hommes, compagnons d’armes dans les camps afghans, préparaient un attentat contre l’aéroport de Los Angeles pour saluer la nouvelle année 2000.

La piste des assassins de Massoud

Ces interpellations avaient été précédées, vendredi 22 novembre, par l’arrestation de Redouane Daoud, près de la gare du Nord, à Paris. Ce jeune Algérien de vingt-cinq ans faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par la justice néerlandaise après son évasion en juin 2002 de la prison de Breda, dans le sud des Pays-Bas. Il y était incarcéré en compagnie de trois autres Algériens, présumés proches des islamistes radicaux algériens du Groupe salafiste pour la prédication et le combat. Les Néerlandais estiment que Redouane Daoud est un personnage important dans l’organigramme d’Al Qaïda au Pays-Bas. Les Hollandais affirment notamment avoir découvert lors d’une perquisition à son domicile la photo d’identité de l’un des membres du commando, le Tunisien Jawad, qui a assassiné le commandant Massoud, le 9 septembre 2001.

Cette arrestation, vendredi soir, est immédiatement suivie de quatre autres, en région parisienne, avec lesquelles Redouane Daoud venait de prendre contact. Elles sont soupçonnées d’appartenir à une cellule dont l’une des missions serait de fournir de la logistique : faux-papiers, argent, téléphones cellulaires. De plus, Redouane Daoud logeait chez eux.

Dans quelle mesures ces affaires ont-elles un lien direct les unes avec les autres ? Les enquêteurs doivent à présent s'employer à réunir auprès des suspects les informations qui permettraient d'établir des intersections entre les différents groupes en présence et, en tout cas, à «faire parler» le matériel saisi : téléphones cellulaires et ordinateurs. S’ils parviennent à transformer leurs convictions en preuves formelles, il se confirmerait alors qu'il s'agit bien de «gros poissons», et que le territoire européen est également le lieu d'une intense activité terroriste. En tout état de cause ces affaires démontrent un certain degré de spécialisation de la main d’œuvre et d’autonomie de la part des membres des réseaux qui témoignent d’une véritable maîtrise de la clandestinité. Une professionnalisation de l’activité en quelque sorte.



par Georges  Abou

Article publié le 26/11/2002