Société
Tout, mais pas vieux
Les cinquantenaires et les sexagénaires ne sont plus des vieux. Ce sont des seniors. La création récente de cette nouvelle classe d’âge permet d’effacer les connotations péjoratives de l’appellation «troisième âge». Dans des sociétés où la part des plus de 60 ans augmente sans cesse, on en vient, paradoxalement, à vouer un culte à la jeunesse et aux valeurs qu’elle véhicule.
Bien vieillir, c’est en grande partie ne pas avoir l’air d’être vieux. Bon pied, bon œil, actif et indépendant, un retraité des années 2000 doit être apte à profiter de son temps libre. «Nous sommes condamnés à vivre plus vieux et toujours en meilleure santé», a expliqué Alain Parant, chercheur à l’Institut national d'Etudes démographiques (Ined) à l’occasion d’un colloque sur «la révolution de la longévité», organisé par l’Institut Servier.
Le «jeunisme» est de rigueur dans des sociétés où le nombre de personnes âgées augmente sans cesse. Toute la problématique tourne aujourd’hui autour des moyens à trouver pour «durer» le plus possible mais ne pas devenir vieux. Les progrès de la médecine ont permis de réaliser de nombreuses avancées et de réduire les méfaits de l’inéluctable vieillissement auquel chacun d’entre nous est soumis. Mais ils ont leur limite et, la moyenne d’âge de la population allant en augmentant, il arrive tôt ou tard un moment où le nombre des années fait sentir ses effets.
Après 85 ans, les incapacités fonctionnelles sont multipliées par deux. Et c’est là un des plus lourds tributs du corps à l’âge. La vie est ainsi maintenant partagée entre la période de l’autonomie et celle de l’incapacité, qui représente la véritable vieillesse. Avec son corollaire, «l’institutionnalisation», le placement dans une institution spécialisée pour la prise en charge des personnes âgées qui ne sont plus capables de rester chez elles ou nécessitent des soins particuliers. En France, le taux d’institutionnalisation est de 5 % pour les plus de 60 ans et de 12 à 15 % pour les plus de 80 ans. Dans les années à venir, ces chiffres risquent, bien sûr, d’augmenter et de peser encore plus sur les budgets nationaux. Surtout si l’ont tient compte de la «moindre cohabitation des générations» au sein d’une même famille qui conduit, selon Alain Parant, de plus en plus de personnes âgées à vivre seules.
Les vieux coûtent cher
Du coup, si les vieux sont de plus en plus nombreux, ils coûtent aussi de plus en plus cher et sont de plus en plus «stigmatisés». Comme l’explique Sylvie Fourtané, sociologue du Centre départemental d’information et de documentation gérontologique de la Haute-Vienne, «être vieux, c’est excluant». Il faut donc tout faire pour retarder cette échéance. Pour Janine Chanteur, professeur de philosophie à la Sorbonne, la tentation de l’exclusion vis-à-vis des vieux, surtout lorsqu’ils sont impotents et socialement inutiles, est une sorte de dégât collatéral des valeurs prônées par une société de consommation où la satisfaction des désirs individuels est l’objectif principal.
A l’époque du chacun-pour-soi, l’augmentation de la population âgée pose un autre problème politique et social majeur, celui du financement des retraites. Le principe de la «solidarité inter-génération» en vertu duquel les actifs d’aujourd’hui paient pour ceux d’hier, comme c’est le cas en France, n’a plus d’avenir. La progression de l’espérance de vie amène, en effet, inévitablement à reposer la question de la durée de la vie active. Les médecins comme les économistes s’interrogent, en effet, sur la pertinence de baisser l’âge de la retraite alors que l’on vit de plus en plus vieux. D’autant que, selon Stéphane Jacobzone, économiste à l’OCDE, «les pays où les taux de chômage sont les plus bas sont ceux où les personnes travaillent plus vieux». Ce ne serait donc pas en mettant les vieux à la retraite, alors qu’ils ont encore la capacité de travailler, que l’on réduirait le problème du chômage des jeunes.
La retraite le plus tôt possible n’est pas, non plus, forcément la bonne solution pour préserver la forme des seniors. En terme d’activité cérébrale notamment, les médecins estiment que la formule anglo-saxonne : «Use it or lose it» (utilisez-le ou perdez-le) est particulièrement adaptée. En arrêtant leur activité professionnelle, certains retraités renonceraient donc à une forme d’exercice intellectuel indispensable pour rester dans le coup. Ce constat amène Etienne-Emile Baulieu, professeur au Collège de France, à estimer qu’il peut être judicieux de «retarder l’âge de la retraite» pour ceux qui en ont «le désir» et «les possibilités». Histoire de ne pas rendre les seniors vieux avant l’âge.
Le «jeunisme» est de rigueur dans des sociétés où le nombre de personnes âgées augmente sans cesse. Toute la problématique tourne aujourd’hui autour des moyens à trouver pour «durer» le plus possible mais ne pas devenir vieux. Les progrès de la médecine ont permis de réaliser de nombreuses avancées et de réduire les méfaits de l’inéluctable vieillissement auquel chacun d’entre nous est soumis. Mais ils ont leur limite et, la moyenne d’âge de la population allant en augmentant, il arrive tôt ou tard un moment où le nombre des années fait sentir ses effets.
Après 85 ans, les incapacités fonctionnelles sont multipliées par deux. Et c’est là un des plus lourds tributs du corps à l’âge. La vie est ainsi maintenant partagée entre la période de l’autonomie et celle de l’incapacité, qui représente la véritable vieillesse. Avec son corollaire, «l’institutionnalisation», le placement dans une institution spécialisée pour la prise en charge des personnes âgées qui ne sont plus capables de rester chez elles ou nécessitent des soins particuliers. En France, le taux d’institutionnalisation est de 5 % pour les plus de 60 ans et de 12 à 15 % pour les plus de 80 ans. Dans les années à venir, ces chiffres risquent, bien sûr, d’augmenter et de peser encore plus sur les budgets nationaux. Surtout si l’ont tient compte de la «moindre cohabitation des générations» au sein d’une même famille qui conduit, selon Alain Parant, de plus en plus de personnes âgées à vivre seules.
Les vieux coûtent cher
Du coup, si les vieux sont de plus en plus nombreux, ils coûtent aussi de plus en plus cher et sont de plus en plus «stigmatisés». Comme l’explique Sylvie Fourtané, sociologue du Centre départemental d’information et de documentation gérontologique de la Haute-Vienne, «être vieux, c’est excluant». Il faut donc tout faire pour retarder cette échéance. Pour Janine Chanteur, professeur de philosophie à la Sorbonne, la tentation de l’exclusion vis-à-vis des vieux, surtout lorsqu’ils sont impotents et socialement inutiles, est une sorte de dégât collatéral des valeurs prônées par une société de consommation où la satisfaction des désirs individuels est l’objectif principal.
A l’époque du chacun-pour-soi, l’augmentation de la population âgée pose un autre problème politique et social majeur, celui du financement des retraites. Le principe de la «solidarité inter-génération» en vertu duquel les actifs d’aujourd’hui paient pour ceux d’hier, comme c’est le cas en France, n’a plus d’avenir. La progression de l’espérance de vie amène, en effet, inévitablement à reposer la question de la durée de la vie active. Les médecins comme les économistes s’interrogent, en effet, sur la pertinence de baisser l’âge de la retraite alors que l’on vit de plus en plus vieux. D’autant que, selon Stéphane Jacobzone, économiste à l’OCDE, «les pays où les taux de chômage sont les plus bas sont ceux où les personnes travaillent plus vieux». Ce ne serait donc pas en mettant les vieux à la retraite, alors qu’ils ont encore la capacité de travailler, que l’on réduirait le problème du chômage des jeunes.
La retraite le plus tôt possible n’est pas, non plus, forcément la bonne solution pour préserver la forme des seniors. En terme d’activité cérébrale notamment, les médecins estiment que la formule anglo-saxonne : «Use it or lose it» (utilisez-le ou perdez-le) est particulièrement adaptée. En arrêtant leur activité professionnelle, certains retraités renonceraient donc à une forme d’exercice intellectuel indispensable pour rester dans le coup. Ce constat amène Etienne-Emile Baulieu, professeur au Collège de France, à estimer qu’il peut être judicieux de «retarder l’âge de la retraite» pour ceux qui en ont «le désir» et «les possibilités». Histoire de ne pas rendre les seniors vieux avant l’âge.
par Valérie Gas
Article publié le 25/11/2002