Cameroun
Bakassi : bonne volonté à Genève
Les présidents Biya et Obasanjo se sont rencontrés le 15 novembre à Genève, sous l'égide du Secrétaire général de l'Onu, pour évoquer le sort de la presqu'île de Bakassi, sur laquelle la Cour internationale de justice (Cij) de La Haye a reconnu la souveraineté du Cameroun. La rencontre en terre helvétique était d'autant plus attendue que, depuis le prononcé du verdict, le Nigéria donnait des signes de contestation.
De notre correspondant à Yaoundé
On prend les mêmes et on recommence. On change de scène. Mais l'affaire des frontières maritime et terrestre, qui alimentent un différend entre le Cameroun et le Nigéria, n'est donc pas prête de se clore. Et cela, en dépit du verdict, réputé non susceptible de recours, rendu par la Cour internationale de justice, le 10 octobre, et qui, pour l'essentiel, reconnait la souveraineté du Cameroun sur la presqu'île de Bakassi, riche en ressources halieutique et pétrolière.
Ce verdict, les chefs d'Etat des deux pays s'étaient déjà engagés à l'accepter, lors d'une rencontre à Saint-Cloud, en banlieue parisienne, le 5 septembre, devant le président français Jacques Chirac et Koffi Annan, le secrétaire général des Nations Unies. C'est ce dernier qui a convié à Genève, ce 15 novembre, Paul Biya du Cameroun et son homologue Olesugun Obasanjo du Nigéria, dans l'optique de l'application du verdict de la Cij. Au final, des résultats qui confirment l'option de l'apaisement entre les deux pays. Yaoundé et Abuja ont ainsi convenu d'éviter le recours à la force, de réactiver le fonctionnement de la grande commission mixte des deux pays en vue de la mise en œuvre de l'arrêt de la Cij. Les experts et officiels des deux pays devraient se rencontrer à Yaoundé le 1er décembre prochain, après le rendez-vous d'Abuja, fin septembre, qui avait marqué le réveil de cette instance de concertation jusqu'alors en veilleuse depuis une décennie.
Le Secrétaire général de l'Onu, quant à lui, a annoncé qu'il désignerait un représentant personnel qui suivrait l'ensemble du processus de mise en œuvre du verdict de la Cij. Autant dire que le Cameroun est très satisfait des «résolutions» de Genève. Ses autorités, fortes des faits et du droit, avaient placé le voyage du chef de l'Etat sous le signe de la recherche des modalités d'application de cette décision de justice. Et, surtout, au cours de cette «tripartite» on a notamment pu apprendre qu'aucune des parties n'avait formellement remis en cause le verdict de la Cour internationale de justice. Plus qu'un détail, cet élément du dossier cristallisait déjà bien des angoisses, les deux protagonistes ayant, depuis le 10 octobre, développé des attitudes différentes.
Période d’ambiguïté
Le Cameroun, bénéficiaire du processus, a naturellement joué à fond la carte de l'apaisement et poursuivi sa ligne, autour du respect de la décision de justice, conformément aux engagements pris en terre française. Une attitude décryptée par des spécialistes locaux. «Cette attitude tient compte de plusieurs facteurs: le rapport de force sur le terrain; la nécessité de faire digérer la décision par la société nigériane chauffée à blanc. Et deux autres variables importantes, la nécessité pour le pays de ne pas davantage fragiliser la position du président Obasanjo, le moins mauvais interlocuteur du Cameroun, dans son pays à quelques mois de l'élection présidentielle, d'une part; et l'importance des intérêts des puissances tutélaires, Etats-Unis et France, de part et d'autre de Bakassi», explique Alain Didier Olinga, enseignant à l'Institut des relations internationales du Cameroun à Yaoundé.
Dans le même temps, après de longues semaines de déclarations de la part d’officiels nigérians tendant à rejeter le verdict de la Cij, la position d'Abuja a finalement été rendue publique le 23 octobre. Un communiqué officiel sanctionnant une réunion du gouvernement, signé du ministre des Transports et parlant de la zone de Bakassi, indiquait qu’«en tant que Nation régie par la loi, nous continuerons à exercer notre juridiction sur ces zones en accord avec la Constitution». Avant de poursuivre: «A aucun prix, le Nigéria n'abandonnera son peuple et ses intérêts. Pour le Nigéria, ce n'est pas une question de pétrole ou de ressources naturelles sur les terres ou eaux territoriales, il s'agit du bien-être et de la santé de son peuple sur ses terres». Du coup, beaucoup avaient cru comprendre que le Nigéria se rebiffait par rapport aux engagements pris par le président Obasanjo lors de la rencontre du 5 septembre. «tripartite» de Genève.
Reste la suite du feuilleton. Si elle est encore plus ou moins insondable, les spécialistes en dressent déjà quelques perspectives. «Ce qui est sûr, c'est que c'est le processus diplomatique et politique qui va se poursuivre comme on l'a vu avec les rencontres de Saint-Cloud et Genève. Plus on va avancer dans le processus, moins on parlera de l'arrêt de la Cij lui-même. Il deviendra un énoncé autour duquel va se nouer l'action diplomatique. Par ailleurs, avec la désignation d'un représentant spécial du secrétaire général de l'Onu, on peut envisager la mise sur pied d'une force pour superviser la démilitarisation de la zone de Bakassi, qui va évoluer vers un régime international de fait», prédit Alain Didier Olinga. En espérant que la force ne l'emportera pas sur la diplomatie et le droit, comme convenu à Genève.
On prend les mêmes et on recommence. On change de scène. Mais l'affaire des frontières maritime et terrestre, qui alimentent un différend entre le Cameroun et le Nigéria, n'est donc pas prête de se clore. Et cela, en dépit du verdict, réputé non susceptible de recours, rendu par la Cour internationale de justice, le 10 octobre, et qui, pour l'essentiel, reconnait la souveraineté du Cameroun sur la presqu'île de Bakassi, riche en ressources halieutique et pétrolière.
Ce verdict, les chefs d'Etat des deux pays s'étaient déjà engagés à l'accepter, lors d'une rencontre à Saint-Cloud, en banlieue parisienne, le 5 septembre, devant le président français Jacques Chirac et Koffi Annan, le secrétaire général des Nations Unies. C'est ce dernier qui a convié à Genève, ce 15 novembre, Paul Biya du Cameroun et son homologue Olesugun Obasanjo du Nigéria, dans l'optique de l'application du verdict de la Cij. Au final, des résultats qui confirment l'option de l'apaisement entre les deux pays. Yaoundé et Abuja ont ainsi convenu d'éviter le recours à la force, de réactiver le fonctionnement de la grande commission mixte des deux pays en vue de la mise en œuvre de l'arrêt de la Cij. Les experts et officiels des deux pays devraient se rencontrer à Yaoundé le 1er décembre prochain, après le rendez-vous d'Abuja, fin septembre, qui avait marqué le réveil de cette instance de concertation jusqu'alors en veilleuse depuis une décennie.
Le Secrétaire général de l'Onu, quant à lui, a annoncé qu'il désignerait un représentant personnel qui suivrait l'ensemble du processus de mise en œuvre du verdict de la Cij. Autant dire que le Cameroun est très satisfait des «résolutions» de Genève. Ses autorités, fortes des faits et du droit, avaient placé le voyage du chef de l'Etat sous le signe de la recherche des modalités d'application de cette décision de justice. Et, surtout, au cours de cette «tripartite» on a notamment pu apprendre qu'aucune des parties n'avait formellement remis en cause le verdict de la Cour internationale de justice. Plus qu'un détail, cet élément du dossier cristallisait déjà bien des angoisses, les deux protagonistes ayant, depuis le 10 octobre, développé des attitudes différentes.
Période d’ambiguïté
Le Cameroun, bénéficiaire du processus, a naturellement joué à fond la carte de l'apaisement et poursuivi sa ligne, autour du respect de la décision de justice, conformément aux engagements pris en terre française. Une attitude décryptée par des spécialistes locaux. «Cette attitude tient compte de plusieurs facteurs: le rapport de force sur le terrain; la nécessité de faire digérer la décision par la société nigériane chauffée à blanc. Et deux autres variables importantes, la nécessité pour le pays de ne pas davantage fragiliser la position du président Obasanjo, le moins mauvais interlocuteur du Cameroun, dans son pays à quelques mois de l'élection présidentielle, d'une part; et l'importance des intérêts des puissances tutélaires, Etats-Unis et France, de part et d'autre de Bakassi», explique Alain Didier Olinga, enseignant à l'Institut des relations internationales du Cameroun à Yaoundé.
Dans le même temps, après de longues semaines de déclarations de la part d’officiels nigérians tendant à rejeter le verdict de la Cij, la position d'Abuja a finalement été rendue publique le 23 octobre. Un communiqué officiel sanctionnant une réunion du gouvernement, signé du ministre des Transports et parlant de la zone de Bakassi, indiquait qu’«en tant que Nation régie par la loi, nous continuerons à exercer notre juridiction sur ces zones en accord avec la Constitution». Avant de poursuivre: «A aucun prix, le Nigéria n'abandonnera son peuple et ses intérêts. Pour le Nigéria, ce n'est pas une question de pétrole ou de ressources naturelles sur les terres ou eaux territoriales, il s'agit du bien-être et de la santé de son peuple sur ses terres». Du coup, beaucoup avaient cru comprendre que le Nigéria se rebiffait par rapport aux engagements pris par le président Obasanjo lors de la rencontre du 5 septembre. «tripartite» de Genève.
Reste la suite du feuilleton. Si elle est encore plus ou moins insondable, les spécialistes en dressent déjà quelques perspectives. «Ce qui est sûr, c'est que c'est le processus diplomatique et politique qui va se poursuivre comme on l'a vu avec les rencontres de Saint-Cloud et Genève. Plus on va avancer dans le processus, moins on parlera de l'arrêt de la Cij lui-même. Il deviendra un énoncé autour duquel va se nouer l'action diplomatique. Par ailleurs, avec la désignation d'un représentant spécial du secrétaire général de l'Onu, on peut envisager la mise sur pied d'une force pour superviser la démilitarisation de la zone de Bakassi, qui va évoluer vers un régime international de fait», prédit Alain Didier Olinga. En espérant que la force ne l'emportera pas sur la diplomatie et le droit, comme convenu à Genève.
par Valentin Zinga
Article publié le 17/11/2002