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Liban

La communauté internationale au chevet du Liban

Le Liban obtient plus de 4 milliards de dollars de crédits de la part de ces principaux bailleurs de fonds réunis samedi à l’occasion de la conférence Paris II. Autour de Jacques Chirac et du Premier ministre libanais Rafic Hariri, les représentants de 17 pays d’Europe, d’Amérique du Nord, du Golfe et d’institutions financières internationales, participaient à cette réunion au Palais de l'Elysée. Ces 4 milliards de dollars de crédit devraient aider le Premier ministre libanais pour le redressement de l'économie de son pays et éviter une crise financière.
De notre correspondant à Beyrouth

Jamais la situation économique au Liban n’aura atteint un point tellement critique. Malgré quelques modestes améliorations ces dernières semaines, la plupart des indicateurs ont viré au rouge depuis des mois. La dette publique a atteint 30 milliards de dollars, un chiffre colossal pour un pays de quatre millions d’habitants. Elle constitue environ 190% du Produit intérieur brut (PIB) et ses intérêts ont englouti cette année 3 milliards de dollars, soit près de la moitié des recettes de l’État. Le déficit budgétaire tourne aux alentours de 50% depuis des années, et la Banque centrale a dépensé, en l’espace de deux ans, 2,5 milliards de dollars pour soutenir la livre libanaise dont la dévaluation incontrôlée entraînerait une chute brutale du pouvoir d’achat et, par conséquent, une crise sociale aux répercussions imprévisibles. Par ailleurs, le gouvernement n’ose plus, depuis longtemps, communiquer les chiffres du chômage qui toucherait, selon la centrale syndicale, 25% de la population active.

L’équation est simple: le Liban ne peut plus surmonter sa crise par ses propres moyens et sans une aide extérieure, il pourrait se retrouver, dans quelques mois, dans une situation de cessation de paiement. L’Etat, incapable d’honorer ses engagements financiers, déclarerait alors sa faillite et le pays plongerait dans un désordre économique et financier semblable au scénario argentin.

Pour éviter l’effondrement, le Premier ministre libanais Rafic Hariri se démène depuis trois mois pour réunir une conférence de pays donateurs et d’institutions financières internationales, appelée Paris II. Paris I, qui s’était tenue en février 2001, n’avait abouti qu’à une déclaration de bonne intention de la part des participants qui n’avaient pas jugé bon de délier les cordons de la bourse.

Malgré l’urgence de la situation, Rafic Hariri, appuyé à fond par le président français Jacques Chirac, a dû affronter de nombreuses difficultés dans sa mission. Le principal obstacle est venu des États-Unis, déterminés à lier toute aide économique substantielle au Liban à des contraintes politiques. Sans jamais l’affirmer officiellement mais en le faisant clairement entendre aux responsables libanais, Washington a expliqué qu’un soutien tangible au Liban était tributaire de trois conditions: le désarmement du Hezbollah, le déploiement de l’armée libanaise à la frontière avec Israël et, enfin, le calme absolu à cette même frontière. Même si dans son for intérieur, Rafic Hariri était disposé à remplir ces conditions, il ne le pourrait pas, puisque la politique étrangère libanaise est gérée par le président de la République Émile Lahoud, en étroite collaboration avec la Syrie. Pour Damas, répondre favorablement aux demandes américaines entraînerait l’abandon de ses principales cartes au Proche-Orient.

Ambitions revues à la baisse

C’est dans ces circonstances particulièrement difficiles que Rafic Hariri a dû manœuvrer. Il lui a fallu deux visites en l’espace de deux semaines à Washington, dont un entretien, lundi, avec George Bush, pour convaincre l’Administration américaine de passer d’une attitude d’hostilité à l’égard de Paris II à une position de neutralité. Les États-Unis seront donc représentés lors de la conférence en la personne du secrétaire d’État adjoint William Burns. Cette participation sera cependant symbolique puisque l’Amérique ne déboursera pas un seul dollar.

La présence des États-Unis a, sans doute, encouragé d’autres pays, comme le Japon, ou institutions internationales, comme le Fonds monétaire international ainsi que la Banque mondiale, à faire acte de présence. En tout, 26 États et organismes internationaux et régionaux ont répondu à l’appel ce samedi. Bien que satisfait d’avoir pu réunir la conférence, Rafic Hariri a dû revoir ses ambitions à la baisse. Il y a deux mois, il espérait obtenir 7 milliards de dollars de prêts ou de garanties de prêts. Mais il a désenchanté après les entretiens qu’il a eus dans une dizaine de pays. Quoi qu’il en soit, cette somme de 4 milliards permettra au Liban d’éloigner le spectre de l’effondrement d’au moins un an, peut-être même deux, selon les plus optimistes.

Les responsables libanais, convaincus que la prospérité du pays est organiquement liée au règlement du conflit du Proche-Orient, espèrent que d’ici là, le langage de la raison aura pris le dessus sur celui de la violence.

Ecouter également : Franck Debié, directeur du centre de géostratégique de Normale-Sup, au micro de Maya Siblini.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 23/11/2002