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Côte d''Ivoire

Compaoré et Gbagbo: comme de vieux amis

Autrefois amis, mais aujourd’hui frères ennemis, les présidents Blaise Compaoré et Laurent Gbagbo, qui ne se parlaient plus notamment depuis le 19 septembre, date du déclenchement de la guerre civile en Côte d’Ivoire, ont accepté de s’engager dans un processus de désescalade. Ils se sont entretenus longuement mardi à Bamako sous les auspices du président malien Amadou Toumani Touré.
De notre envoyé spécial à Bamako

On s’attendait à une ambiance assez tendue à Bamako entre Blaise Compoaré et Laurent Gbagbo compte tenu des relations difficiles actuellement entre leurs deux pays. Il n’en a rien été. Du moins dans l’apparence. Avant et après leur rencontre sous l’arbitrage du président malien Amadou Toumani Touré, le président ivoirien est apparu très décontracté, souriant et distribuant ici et là des tapes amicales à ses homologues ou à d’autres officiels. Lui et Blaise Compaoré se sont même donnés l’accolade. Après près de cinq heures de discussion marquées par un déjeuner au palais, les trois présidents ont d’abord posé devant les photographes les mains ensemble. Ils ont tous embarqué (à trois) ensuite dans le même véhicule pour l’aéroport.

Dans le grand salon du palais présidentiel malien où ils ont longtemps attendu leurs chefs d’État, ministres, officiers et hauts fonctionnaires ivoiriens et burkinabé ont multiplié les discussions. C’est ainsi que l’on a vu le chef d’état-major général des armées de Côte d’Ivoire le général Mathias Doué s’entretenir longuement avec le ministre burkinabé de la défense le général Kouamé Lougué.

Les seules frictions visibles entre les délégations sont venues des agents de sécurité rapprochée des deux chefs d’Etat. Les gardes de corps de Laurent Gbagbo au nombre de 26 contre 8 côté burkinabé se sont plaint de la position des agents de sécurité de Compaoré, très rapprochée de la salle où avait lieu le huis-clos. La sécurité malienne a beau expliquer que c’est parce qu’en fait les appartements affectés au président Compaoré étaient situés tout près de la salle des huis-clos, il n’a pas été facile d’arbitrer. Et pendant quelques minutes, la tension est montée d’un cran entre les deux parties.

Communiqué à trois

La presse qui a attendu pendant des heures et qui espérait en savoir donc davantage sur les résultats de la rencontre sera déçue. Le médiateur ATT se refuse de dévoiler quoi que ce soit avant d’avoir rendu compte au général Gnassingbé Eyadéma, président du groupe de contact de la CEDEAO sur la Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo ne se montre pas non plus intéressé à lâcher quelque chose. Seul Blaise Compaoré accepte de commenter le sommet de Bamako, mais de façon brève. «Nous suivons de très près le processus de médiation entamé à Lomé. Et nous sommes ici pour enrichir les efforts qui sont faits à Lomé», déclare-t-il.

Pas donc de déclaration réelle à l’issue du sommet si ce n’est un communiqué conjoint signé par les trois présidents. Ce communiqué lu solennellement par le ministre malien des affaires étrangères Lansana Traoré indique que les chefs d’État des trois pays ont décidé «de prendre des mesures appropriées pour le renforcement de la cessation des hostilités.» Ils «ont reconnu la nécessité d’engager une réflexion approfondie pour des réformes politiques et institutionnelles visant à favoriser la réconciliation en Côte d’Ivoire.» Se référant aux violences et exactions perpétrées récemment contre les populations de la région en Côte d’ivoire, les chefs d’État «se sont engagés à prendre les mesures appropriées pour la protection des ressortissants de chaque pays sur le territoire de l’autre ainsi que la sauvegarde de leurs biens». Ils «ont lancé aux populations un appel à la retenue, à la modération et à l’apaisement afin de garantir le retour à une vie et à une cohabitation harmonieuses».

Depuis le 19 septembre, de nombreux Burkinabé mais aussi des maliens ont été chassés de leurs exploitations agricoles dans la région de Duékoué (ouest du pays) par des populations autochtones. Le Burkina tout comme le Mali ont déjà dénoncé «les différentes chasses aux étrangers» en Côte d’Ivoire.

De plus en plus décidé à trouver une issue pacifique à la guerre qui déchire son pays, le président Gbagbo qui fait face à l’émergence de nouveaux fronts rebelles dans son pays avait accepté tout de suite l’idée d’un face-face avec Compaoré. Mardi, après deux heures de discussion à trois, le chef de l’État malien les a laissés seuls pour un tête-à-tête qui a duré une heure. «On a débouché les canaux diplomatiques entre Ouagadougou et Abidjan qui ne se parlaient plus. C’est un grand pas qui peut faire avancer les négociations de Lomé», a déclaré un conseiller du président malien. Dans ses habits neufs de médiateur entre Compaoré et Gbagbo, ATT se rend ce mercredi matin à Lomé pour présenter les résultats de la réunion de Bamako au général Gnassingbé Eyadéma président du groupe de contact de la CEDEAO. Le chef de l’État malien devrait aller par la suite au Sénégal pour rendre compte au président Abdoulaye Wade. ATT qui entend se donner les moyens de faire appliquer les décisions politiques prises à Bamako, convoque dès lundi, les ministres de la défense et les chefs d’état-major des trois pays dans la capitale malienne pour discuter des questions proprement militaires.



par Alpha  Barry

Article publié le 04/12/2002