Côte d''Ivoire
«<i>Mission complexe</i>»
Le conflit a pris un nouveau tournant qui rend encore plus complexe la mission des militaires français. Ils interviennent aussi dans l’Ouest du pays, où la situation n’est pas stabilisée, selon des modalités qu’ils adaptent en fonction de l’évolution sur le terrain.
Une intense activité militaire est en cours dans l’ouest du pays, depuis l’ouverture d’un second front à l’initiative des deux nouveaux mouvements rebelles, le Mouvement populaire ivorien du Grand-Ouest (MPIGO) et le Mouvement pour la justice et la paix (MJP). Selon les témoignages recueillis par les envoyés spéciaux de la presse internationale, la situation y est encore très tendue. La contre-offensive de l'armée gouvernementale pour reprendre la ville de Man, par exemple, n'autorise toujours pas le déplacement sans escorte des journalistes. Des centaines de personnes continuent de quitter la région en direction du Sud en emportant avec elles le minimum. D'autres franchissent la frontière libérienne, au rythme de quatre cents par jour depuis vendredi, déclare le Haut commissariat des Nations-unies pour les réfugiés (HCR).
Dans cette zone d'accueil des réfugiés de la guerre civile du Liberia, ces déplacements de populations fragilisées et leur installation à la hâte, sans structure adéquat, en font des proies faciles pour des mouvements rebelles en recherche de bases-arrières. Le scénario a déjà été écrit une première fois dans la région des Grands Lacs. Le HCR est d’autant plus inquiet que les combats paralysent l’activité de ses équipes, pour le moment. En attendant, faute de mieux, le Haut commissaire lance un appel à l’aide internationale et demande à «tous les gouvernements des pays de la région à garantir le libre passage des réfugiés et des civils qui fuient la violence».
Car c’est en effet toute cette partie frontalière ivoiro-libéro-guinéenne qui est déstabilisée par l’ouverture de ce nouveau chapitre militaire de la guerre civile en Côte d’Ivoire. Un segment particulièrement sensible en raison de la perméabilité des frontières, des conflits larvés qui continuent de déchirer des voisins incapables d’assumer pleinement leur souveraineté territoriale, d’une présence massive d’armes individuelles entre les mains de groupes informels, et d’un relief accidenté, propice à l’infiltration et à l’embuscade. Ce tronçon, qui épouse si bien le tracé des frontières, s’étend de Touba au Nord à Toulepleu au Sud, en passant par Danané. Man, pour laquelle on se bat, en est une sorte de capitale régionale.
Pas de cessez le feu sur le front ouest
L’ouverture du front ouest a indiscutablement projeté le conflit dans une nouvelle dimension. Indépendamment de la question politique qu’elle soulève, cette évolution pose cruellement la question de la survie territoriale de la Côte d’Ivoire, où deux fiefs rebelles sont maintenant installés. Enfin presque. Car la vivacité de la réaction militaire gouvernementale à la conquête des villes de l’Ouest par ces deux nouveaux mouvements montre une volonté manifeste de ne pas laisser pourrir la situation. Encore faut-il que les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) démontrent leur capacité à le faire. En tout cas les soldats français, comme aux premiers jours de la crise, ont réagi promptement.
Au lendemain de l’annonce de la conquête de Man par la rébellion, ils ont accompli l’un des deux volets de leur mission en Côte d’Ivoire en évacuant les membres de la communauté étrangère de la ville. Au prix du premier accrochage meurtrier sur le terrain, car aucun cessez le feu n’a été conclu avec cette fraction de la rébellion et aucun accord ne prévoit donc l’échange d’agents de liaisons. Ce défaut de communication s’est révélé lors de l’opération d’évacuation menée mardi à Touba. Partis prendre en charge quatre-vingts expatriés, les soldats français sont rentrés à Daloa avec vingt-sept personnes : vingt-deux Ivoiriens, quatre Français et un Mauricien. «Il y a eu une erreur de décompte», a indiqué un officier français.
D’autre part le second volet de la mission des soldats français, qui consiste à surveiller le cessez le feu conclu avec les nordistes du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), le 17 octobre, ne peut pas s’appliquer dans ce cas de figure. Ce qui signifie que toute intervention dans cette région s’effectue hors du cadre fixé par les belligérants. «Notre mission (…) devient de plus en plus complexe», reconnaissait mardi le porte-parole de l’armée française dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien. Le contrôle de la trêve consiste en fait à constater l’absence de combats sur la «ligne de non franchissement».
Or dans l’Ouest, où cette ligne n’existe pas, les soldats français n’en sont pas pour autant l’arme au pied, comme l’ont montré les derniers épisodes. Ils adaptent leur dispositif et leurs positions en fonction de l’évolution de la situation, remplissant l’une ou l’autre partie de leur mission au gré des fluctuations du terrain et manifestant ainsi une puissante présence permanente de nature évidemment dissuasive. Pour le moment, car l’avenir n’incite pas à l’optimisme. En dépit de leur professionnalisme les troupes françaises sont bien seules. Elles disposent d’une certaine légitimité régionale, mais Paris n’a pas choisi de travailler sous la bannière de l’ONU. Et le contingent ouest-africain censé relever ses hommes tarde à arriver. La CEDEAO avait pris la décision d’envoyer une force de paix sur place dès sa première réunion consacrée à la crise, le 29 septembre. Samedi, le prochain sommet sous-régional devrait fournir quelques précisions à cet égard.
Dans cette zone d'accueil des réfugiés de la guerre civile du Liberia, ces déplacements de populations fragilisées et leur installation à la hâte, sans structure adéquat, en font des proies faciles pour des mouvements rebelles en recherche de bases-arrières. Le scénario a déjà été écrit une première fois dans la région des Grands Lacs. Le HCR est d’autant plus inquiet que les combats paralysent l’activité de ses équipes, pour le moment. En attendant, faute de mieux, le Haut commissaire lance un appel à l’aide internationale et demande à «tous les gouvernements des pays de la région à garantir le libre passage des réfugiés et des civils qui fuient la violence».
Car c’est en effet toute cette partie frontalière ivoiro-libéro-guinéenne qui est déstabilisée par l’ouverture de ce nouveau chapitre militaire de la guerre civile en Côte d’Ivoire. Un segment particulièrement sensible en raison de la perméabilité des frontières, des conflits larvés qui continuent de déchirer des voisins incapables d’assumer pleinement leur souveraineté territoriale, d’une présence massive d’armes individuelles entre les mains de groupes informels, et d’un relief accidenté, propice à l’infiltration et à l’embuscade. Ce tronçon, qui épouse si bien le tracé des frontières, s’étend de Touba au Nord à Toulepleu au Sud, en passant par Danané. Man, pour laquelle on se bat, en est une sorte de capitale régionale.
Pas de cessez le feu sur le front ouest
L’ouverture du front ouest a indiscutablement projeté le conflit dans une nouvelle dimension. Indépendamment de la question politique qu’elle soulève, cette évolution pose cruellement la question de la survie territoriale de la Côte d’Ivoire, où deux fiefs rebelles sont maintenant installés. Enfin presque. Car la vivacité de la réaction militaire gouvernementale à la conquête des villes de l’Ouest par ces deux nouveaux mouvements montre une volonté manifeste de ne pas laisser pourrir la situation. Encore faut-il que les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) démontrent leur capacité à le faire. En tout cas les soldats français, comme aux premiers jours de la crise, ont réagi promptement.
Au lendemain de l’annonce de la conquête de Man par la rébellion, ils ont accompli l’un des deux volets de leur mission en Côte d’Ivoire en évacuant les membres de la communauté étrangère de la ville. Au prix du premier accrochage meurtrier sur le terrain, car aucun cessez le feu n’a été conclu avec cette fraction de la rébellion et aucun accord ne prévoit donc l’échange d’agents de liaisons. Ce défaut de communication s’est révélé lors de l’opération d’évacuation menée mardi à Touba. Partis prendre en charge quatre-vingts expatriés, les soldats français sont rentrés à Daloa avec vingt-sept personnes : vingt-deux Ivoiriens, quatre Français et un Mauricien. «Il y a eu une erreur de décompte», a indiqué un officier français.
D’autre part le second volet de la mission des soldats français, qui consiste à surveiller le cessez le feu conclu avec les nordistes du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), le 17 octobre, ne peut pas s’appliquer dans ce cas de figure. Ce qui signifie que toute intervention dans cette région s’effectue hors du cadre fixé par les belligérants. «Notre mission (…) devient de plus en plus complexe», reconnaissait mardi le porte-parole de l’armée française dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien. Le contrôle de la trêve consiste en fait à constater l’absence de combats sur la «ligne de non franchissement».
Or dans l’Ouest, où cette ligne n’existe pas, les soldats français n’en sont pas pour autant l’arme au pied, comme l’ont montré les derniers épisodes. Ils adaptent leur dispositif et leurs positions en fonction de l’évolution de la situation, remplissant l’une ou l’autre partie de leur mission au gré des fluctuations du terrain et manifestant ainsi une puissante présence permanente de nature évidemment dissuasive. Pour le moment, car l’avenir n’incite pas à l’optimisme. En dépit de leur professionnalisme les troupes françaises sont bien seules. Elles disposent d’une certaine légitimité régionale, mais Paris n’a pas choisi de travailler sous la bannière de l’ONU. Et le contingent ouest-africain censé relever ses hommes tarde à arriver. La CEDEAO avait pris la décision d’envoyer une force de paix sur place dès sa première réunion consacrée à la crise, le 29 septembre. Samedi, le prochain sommet sous-régional devrait fournir quelques précisions à cet égard.
par Georges Abou
Article publié le 04/12/2002