Côte d''Ivoire
Une guerre civile de plus en plus étendue
La guerre civile ivoirienne ne cesse de s’étendre, alors que les négociations de Lomé sont dans l’impasse et que l’arrivée de la force tampon de la CEDEAO demeure suspendue à un accord politique plus qu’hypothétique entre rebelles et loyalistes qui se renvoient mutuellement la responsabilité des charniers mis à jour dernièrement. Ce qui complique encore davantage la tâche de l’armée française, qui risque de mécontenter les uns comme les autres.
Après le nord et l’ouest, l’est ivoirien. Pour la première fois depuis le 19 septembre, des rebelles, appartenant vraisemblablement au MPCI basé à Bouaké, ont lancé dimanche une attaque contre les forces gouvernementales dans le nord-est, à Kotouba, une petite localité située entre Bondoukou et Bouna, près de la frontière ghanéenne. Selon la télévision ivoirienne, il s’agit d’une «attaque menée massivement aux mortiers et aux lance-roquettes» qui a été «contenue puis repoussée par les forces régulières» mais qui constitue «une violation flagrante du cessez-le-feu» conclu le17 octobre dernier. En revanche, pour le porte-parole de l’armée française, «il s’agit d’un incident localisé, qui a été réglé».
Cette attaque intervient au moment où, dans le Grand Ouest, les combats semblent suspendus depuis dimanche 8 décembre, sans que l’on puisse déterminer avec exactitude qui contrôle les différentes villes concernées. La «capitale» régionale, Man, semble toutefois revenue entre les mains des forces loyalistes, à l’issue d’une semaine de combats très violents qui ont probablement faits des centaines de victimes. L’offensive lancée par les FANCI (Forces armées nationales) pour déloger des rebelles se réclamant de deux nouveaux mouvements (le MPIGO et le MJP) a sans doute été très meurtrière mais ne semble pas terminée.
L’état-major ivoirien est pour sa part convaincu que derrière les différents sigles utilisés par les rebelles du Nord et de l’Ouest - et désormais de l’Est - se cache le même mouvement. Car, certaines attaques - notamment celle contre Touba - venaient visiblement du Nord et, surtout, des moyens de transports saisis aux rebelles qui ont occupé la ville de Man étaient immatriculés ‘MPCI’. De plus, selon des ressortissants étrangers évacués de Man et de Danané, des «rebelles du Nord» ont rejoint ceux du MPIGO et MJP après la prise de Man. Pour cela «les forces de défense et de sécurité se réservent le droit d’étendre, à tout moment, leur offensive à l’ensemble des fronts», a averti le porte-parole des FANCI, le lieutenant-colonel Jules Yao Yao. Tandis que le ministre de la défense Bertin Kadet, après avoir appelé les jeunes Ivoiriens à la mobilisation générale, a déclaré : «le peuple de Côte d’Ivoire utilisera tous les moyens en sa possession afin de venir à bout des agresseurs et libérer le pays». Autant dire que l’heure n’est vraiment pas à la négociation.
Deux charniers très disputés
La découverte de deux charniers a quant à elle confirmé que cette guerre civile n’épargne personne. Des témoignages recueillis par l’Agence MISNA confirment la violence des affrontements et des règlements de compte à Bouaké, la deuxième ville du pays devenue la «capitale» des rebelles du MPCI. Dès le début de la révolte les mutinés ont pris pour cible les casernes et les édifices occupés par les forces de police et les autres «corps habillés». Toutes ces victimes auraient été ensevelies dans une fosse commune, près de Bouaké. Selon un témoin «qui a pu fuir à l’ignoble massacre» et qui a «directement participé aux opérations de sépulture organisées par les rebelles», «les morts seraient au moins 86, inhumés dans un cimetière clandestin improvisé».
Ce témoignage confirme les informations ayant circulé à Abidjan, notamment à la suite de la «bataille de Bouaké» du 6-7 novembre dernier, qui faisaient état de nombreuses disparitions de membres de forces de l’ordre qui avaient été pourchassés jusque dans leurs maisons. On comprend mieux, aujourd’hui, pourquoi, selon l’ONU, près de 200 000 personnes originaires du Sud ont alors fui Bouaké, une ville d’environ 600 000 personnes, pour se diriger, le plus souvent à pied, en direction de Yamoussoukro.
Alors que le charnier de Bouaké semble être imputable aux rebelles, celui de Monoko-Zohi continue de faire l’objet d’une âpre polémique entre loyalistes et rebelles. Cette localité faisant elle aussi partie de la zone sous contrôle du MPCI. Selon des habitants de ce village, les victimes seraient toutes de sexe masculin et pour la plupart étrangères : burkinabés, maliennes ou nigériennes. Elles auraient été tuées le 29 décembre dernier par des «hommes en treillis» appartenant à l’armée ivoirienne «aidés par certains villageois».
Selon le chef des Burkinabé de Monoko-Zohi, 120 personnes ont été tuées dans ce village situé à la lisière de la «boucle du cacao» de l’Ouest ivoirien, où beaucoup d’immigrés ouest-africains s’étaient établis pour travailler dans les plantations. «Les hommes étaient en tenue vert olive, et étaient arrivés avec huit camions et un char. Quelques jeunes du village les guidaient et leur disaient de tuer les gens», a raconté un témoin indirect, avant de préciser que «les loyalistes ont pris des jeunes et leur ont dit de creuser pour mettre les corps dans un grand trou».
Les forces gouvernementales ont nié toute responsabilité dans cette tuerie, et rappelé que leur incursion de fin novembre dans cette région avait été effectuée par hélicoptère, et n’avait comporté aucune intervention au sol.
De son côté le gouvernement français a «exigé» que «la lumière soit faite» sur toutes les exactions commises. «Chacun doit prendre ses responsabilité, en Côte d’Ivoire comme dans la région», a déclaré ce lundi Dominique de Villepin. Pour le chef de la diplomatie française, l'action de la France repose sur trois principes : «Un appui aux autorités démocratiquement et légitimement élues ; la volonté de préserver l’intégrité et la souveraineté de la Côte d’Ivoire ; un soutien à tous les efforts de médiation régionale». Pour le ministre français «il n’y a pas de solution militaire durable à ce type de conflit».
Ceci n’a pas empêché un quotidien proche du pouvoir, Notre Voie, de lancer ce lundi de nouvelles accusations contre les soldats français, accusés d’être «des éclaireurs des rebelles». Quant aux rebelles, ils ont déclaré: "Les troupes du MPCI sont en état d'alerte et prêtes à reprendre l'offensive au cas où rien n'est clarifié sur le charnier (de Monoko-Zohi). Nos forces sont en prêtes sur tous les fronts. J'espère que la France ne jouera pas un mauvais jeu".
Cette attaque intervient au moment où, dans le Grand Ouest, les combats semblent suspendus depuis dimanche 8 décembre, sans que l’on puisse déterminer avec exactitude qui contrôle les différentes villes concernées. La «capitale» régionale, Man, semble toutefois revenue entre les mains des forces loyalistes, à l’issue d’une semaine de combats très violents qui ont probablement faits des centaines de victimes. L’offensive lancée par les FANCI (Forces armées nationales) pour déloger des rebelles se réclamant de deux nouveaux mouvements (le MPIGO et le MJP) a sans doute été très meurtrière mais ne semble pas terminée.
L’état-major ivoirien est pour sa part convaincu que derrière les différents sigles utilisés par les rebelles du Nord et de l’Ouest - et désormais de l’Est - se cache le même mouvement. Car, certaines attaques - notamment celle contre Touba - venaient visiblement du Nord et, surtout, des moyens de transports saisis aux rebelles qui ont occupé la ville de Man étaient immatriculés ‘MPCI’. De plus, selon des ressortissants étrangers évacués de Man et de Danané, des «rebelles du Nord» ont rejoint ceux du MPIGO et MJP après la prise de Man. Pour cela «les forces de défense et de sécurité se réservent le droit d’étendre, à tout moment, leur offensive à l’ensemble des fronts», a averti le porte-parole des FANCI, le lieutenant-colonel Jules Yao Yao. Tandis que le ministre de la défense Bertin Kadet, après avoir appelé les jeunes Ivoiriens à la mobilisation générale, a déclaré : «le peuple de Côte d’Ivoire utilisera tous les moyens en sa possession afin de venir à bout des agresseurs et libérer le pays». Autant dire que l’heure n’est vraiment pas à la négociation.
Deux charniers très disputés
La découverte de deux charniers a quant à elle confirmé que cette guerre civile n’épargne personne. Des témoignages recueillis par l’Agence MISNA confirment la violence des affrontements et des règlements de compte à Bouaké, la deuxième ville du pays devenue la «capitale» des rebelles du MPCI. Dès le début de la révolte les mutinés ont pris pour cible les casernes et les édifices occupés par les forces de police et les autres «corps habillés». Toutes ces victimes auraient été ensevelies dans une fosse commune, près de Bouaké. Selon un témoin «qui a pu fuir à l’ignoble massacre» et qui a «directement participé aux opérations de sépulture organisées par les rebelles», «les morts seraient au moins 86, inhumés dans un cimetière clandestin improvisé».
Ce témoignage confirme les informations ayant circulé à Abidjan, notamment à la suite de la «bataille de Bouaké» du 6-7 novembre dernier, qui faisaient état de nombreuses disparitions de membres de forces de l’ordre qui avaient été pourchassés jusque dans leurs maisons. On comprend mieux, aujourd’hui, pourquoi, selon l’ONU, près de 200 000 personnes originaires du Sud ont alors fui Bouaké, une ville d’environ 600 000 personnes, pour se diriger, le plus souvent à pied, en direction de Yamoussoukro.
Alors que le charnier de Bouaké semble être imputable aux rebelles, celui de Monoko-Zohi continue de faire l’objet d’une âpre polémique entre loyalistes et rebelles. Cette localité faisant elle aussi partie de la zone sous contrôle du MPCI. Selon des habitants de ce village, les victimes seraient toutes de sexe masculin et pour la plupart étrangères : burkinabés, maliennes ou nigériennes. Elles auraient été tuées le 29 décembre dernier par des «hommes en treillis» appartenant à l’armée ivoirienne «aidés par certains villageois».
Selon le chef des Burkinabé de Monoko-Zohi, 120 personnes ont été tuées dans ce village situé à la lisière de la «boucle du cacao» de l’Ouest ivoirien, où beaucoup d’immigrés ouest-africains s’étaient établis pour travailler dans les plantations. «Les hommes étaient en tenue vert olive, et étaient arrivés avec huit camions et un char. Quelques jeunes du village les guidaient et leur disaient de tuer les gens», a raconté un témoin indirect, avant de préciser que «les loyalistes ont pris des jeunes et leur ont dit de creuser pour mettre les corps dans un grand trou».
Les forces gouvernementales ont nié toute responsabilité dans cette tuerie, et rappelé que leur incursion de fin novembre dans cette région avait été effectuée par hélicoptère, et n’avait comporté aucune intervention au sol.
De son côté le gouvernement français a «exigé» que «la lumière soit faite» sur toutes les exactions commises. «Chacun doit prendre ses responsabilité, en Côte d’Ivoire comme dans la région», a déclaré ce lundi Dominique de Villepin. Pour le chef de la diplomatie française, l'action de la France repose sur trois principes : «Un appui aux autorités démocratiquement et légitimement élues ; la volonté de préserver l’intégrité et la souveraineté de la Côte d’Ivoire ; un soutien à tous les efforts de médiation régionale». Pour le ministre français «il n’y a pas de solution militaire durable à ce type de conflit».
Ceci n’a pas empêché un quotidien proche du pouvoir, Notre Voie, de lancer ce lundi de nouvelles accusations contre les soldats français, accusés d’être «des éclaireurs des rebelles». Quant aux rebelles, ils ont déclaré: "Les troupes du MPCI sont en état d'alerte et prêtes à reprendre l'offensive au cas où rien n'est clarifié sur le charnier (de Monoko-Zohi). Nos forces sont en prêtes sur tous les fronts. J'espère que la France ne jouera pas un mauvais jeu".
par Elio Comarin
Article publié le 09/12/2002