Social
Patrons et salariés élisent leurs juges
Ce mercredi, 17 millions de salariés et d'employeurs élisent les conseillers prud'homaux, des professionnels non magistrats chargés de juger les litiges individuels dans le monde du travail.
Lorsqu’un salarié et son employeur sont en conflit, le tribunal compétent est le Conseil des prud’hommes. Il s’agit d’un tribunal spécialisé dans le règlement de tous les litiges individuels nés de l’application du Code du travail qui présente une particularité : tous les juges siégeant au Conseil des prud’hommes, y compris le président, sont élus par ceux-là même qu’ils seront éventuellement appelés à départager. Autrement dit, les employeurs et les salariés du secteur privé.
Les juristes font souvent la fine bouche devant ces juges amateurs. Un ouvrier spécialisé ou un petit entrepreneur peut-il maîtriser les 3 800 articles du Code du travail aussi bien qu’un magistrat professionnel, diplômé au terme de longues et difficiles études à l’École nationale de la magistrature ? Sur un plan technique, peut-être pas, mais le monde du travail, presque unanime, préfère cependant avoir affaire à des juges ayant une véritable connaissance de l’environnement des entreprises, rompus à la négociation et désireux de trouver une issue négociée, chaque fois que cela est possible.
Car les conseillers prud’homaux, juges bénévoles, sont des syndicalistes élu sur une liste présentée par leur organisation côté salarié, et des représentants des fédérations patronales côté employeurs. La justice prud’homale est l’un des exemples les plus réussis du « paritarisme » à la française, qui ne fonctionne pas toujours aussi harmonieusement dans d’autres secteurs de la vie sociale. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, si les juges du collège salarié ont une propension naturelle à défendre le plaignant salarié et les juges employeurs à prendre en compte les doléances patronales, au quotidien, on est loin d’une justice «collège contre collège» dans laquelle chaque juge se considérerait comme le représentant de son camp sans prendre en considération une affaire dans sa complexité.
C’est d’ailleurs pour être au plus près de la réalité de terrain que les conseils de prud’hommes, qui sont au nombre de 271 sur le territoire français et qui comptent 14 646 juges élus, sont répartis en cinq sections : agriculture, industrie, commerce, activités diverses, et encadrement.
L’enjeu de la représentativité syndicale
Sur les 171 000 affaires qu’ils ont eu à traiter en 2001, plus de la moitié concernaient des licenciements (près des deux tiers, en région parisienne). La plupart des autres cas concernent des contestations portant sur la rémunération ou sur des sanctions. La justice prud’homale présente des caractéristiques qui la distinguent de la justice «ordinaire»: un plaignant peut se passer d’avocat, ou se faire assister soit d’un syndicaliste, soit d’un salarié de la même branche d’activité, soit par son conjoint. La durée moyenne de traitement d’une affaire, en région parisienne, est de dix à douze mois.
Bien entendu, le jugement des prud’hommes n’est pas définitif et la partie qui s’estime lésée par la décision des magistrats prud’homaux peut faire appel. En région parisienne, près de 60 % des jugements sont frappés d’appel. En revanche, compte tenu des critiques émises contre ces «amateurs» par certains juristes patentés, il est frappant de voir que le pourcentage des décisions de première instance qui sont désavouées par les cours d’appel est sensiblement le même que pour les tribunaux d’instance dans lesquels ne siègent que des magistrats professionnels. Enfin, au sommet de l’édifice, la chambre sociale de la Cour de cassation a établi, au fil des ans, une jurisprudence sociale dont s’inspirent à leur tour les conseillers prud’homaux dans leurs jugements, tout comme des magistrats professionnels.
L’enjeu des élections prud’homales est donc important pour les salariés comme pour les chefs d’entreprise. Ces élections sont aussi un test de représentativité pour les centrales syndicales qui vont devoir franchir un premier examen: la participation électorale. Si les salariés sont attachés aux juridictions prud’homales, ils ne se déplacent cependant pas en masse pour voter. Certains syndicats accusent en outre des employeurs d’avoir été négligents dans l’inscription de leurs salariés sur les listes électorales.
Les cinq grandes centrales qui bénéficient d’une présomption de représentativité depuis un arrêté ministériel de 1966 (CGT, CFDT, CGC, CFTC, FO) vont donc se mesurer les unes aux autres. Mais, ensemble, elles doivent aussi faire face à la montée des syndicats autonomes et contestataires, comme le Groupe des 10-Solidaires, mené par les syndicats Sud.
Ecouter également :
Dimanche économie (reportage d'Annie Fave, 20 minutes)
Les juristes font souvent la fine bouche devant ces juges amateurs. Un ouvrier spécialisé ou un petit entrepreneur peut-il maîtriser les 3 800 articles du Code du travail aussi bien qu’un magistrat professionnel, diplômé au terme de longues et difficiles études à l’École nationale de la magistrature ? Sur un plan technique, peut-être pas, mais le monde du travail, presque unanime, préfère cependant avoir affaire à des juges ayant une véritable connaissance de l’environnement des entreprises, rompus à la négociation et désireux de trouver une issue négociée, chaque fois que cela est possible.
Car les conseillers prud’homaux, juges bénévoles, sont des syndicalistes élu sur une liste présentée par leur organisation côté salarié, et des représentants des fédérations patronales côté employeurs. La justice prud’homale est l’un des exemples les plus réussis du « paritarisme » à la française, qui ne fonctionne pas toujours aussi harmonieusement dans d’autres secteurs de la vie sociale. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, si les juges du collège salarié ont une propension naturelle à défendre le plaignant salarié et les juges employeurs à prendre en compte les doléances patronales, au quotidien, on est loin d’une justice «collège contre collège» dans laquelle chaque juge se considérerait comme le représentant de son camp sans prendre en considération une affaire dans sa complexité.
C’est d’ailleurs pour être au plus près de la réalité de terrain que les conseils de prud’hommes, qui sont au nombre de 271 sur le territoire français et qui comptent 14 646 juges élus, sont répartis en cinq sections : agriculture, industrie, commerce, activités diverses, et encadrement.
L’enjeu de la représentativité syndicale
Sur les 171 000 affaires qu’ils ont eu à traiter en 2001, plus de la moitié concernaient des licenciements (près des deux tiers, en région parisienne). La plupart des autres cas concernent des contestations portant sur la rémunération ou sur des sanctions. La justice prud’homale présente des caractéristiques qui la distinguent de la justice «ordinaire»: un plaignant peut se passer d’avocat, ou se faire assister soit d’un syndicaliste, soit d’un salarié de la même branche d’activité, soit par son conjoint. La durée moyenne de traitement d’une affaire, en région parisienne, est de dix à douze mois.
Bien entendu, le jugement des prud’hommes n’est pas définitif et la partie qui s’estime lésée par la décision des magistrats prud’homaux peut faire appel. En région parisienne, près de 60 % des jugements sont frappés d’appel. En revanche, compte tenu des critiques émises contre ces «amateurs» par certains juristes patentés, il est frappant de voir que le pourcentage des décisions de première instance qui sont désavouées par les cours d’appel est sensiblement le même que pour les tribunaux d’instance dans lesquels ne siègent que des magistrats professionnels. Enfin, au sommet de l’édifice, la chambre sociale de la Cour de cassation a établi, au fil des ans, une jurisprudence sociale dont s’inspirent à leur tour les conseillers prud’homaux dans leurs jugements, tout comme des magistrats professionnels.
L’enjeu des élections prud’homales est donc important pour les salariés comme pour les chefs d’entreprise. Ces élections sont aussi un test de représentativité pour les centrales syndicales qui vont devoir franchir un premier examen: la participation électorale. Si les salariés sont attachés aux juridictions prud’homales, ils ne se déplacent cependant pas en masse pour voter. Certains syndicats accusent en outre des employeurs d’avoir été négligents dans l’inscription de leurs salariés sur les listes électorales.
Les cinq grandes centrales qui bénéficient d’une présomption de représentativité depuis un arrêté ministériel de 1966 (CGT, CFDT, CGC, CFTC, FO) vont donc se mesurer les unes aux autres. Mais, ensemble, elles doivent aussi faire face à la montée des syndicats autonomes et contestataires, comme le Groupe des 10-Solidaires, mené par les syndicats Sud.
Ecouter également :
Dimanche économie (reportage d'Annie Fave, 20 minutes)
par Olivier Da Lage
Article publié le 10/12/2002