Politique française
Pas de réforme profonde du statut du chef de l’Etat
Le 5 juillet dernier, Jacques Chirac a lui-même nommé une commission de douze membres, présidée par Pierre Avril, spécialiste de droit constitutionnel, pour réfléchir et ensuite proposer plusieurs modifications sur le statut pénal du chef de l’Etat. Cette commission a rendu son rapport aujourd’hui.
L’installation de cette commission correspondait en fait à une promesse faite pendant la campagne présidentielle 2002 de Jacques Chirac, mis en cause dans plusieurs affaires judiciaires mais placé à l’époque comme aujourd’hui d’ailleurs puisqu’il a été réélu, à l’abri de toute poursuite pendant la durée de son mandat électoral. Il s’agissait de réunir les «plus grands constitutionnalistes» pour qu’ils proposent «d’adapter les dispositions de la Constitution qui semblent contestées ici ou là», avait alors déclaré Jacques Chirac. Faut-il modifier le statut pénal du chef de l’Etat, peut-on le faire et comment ? C’est à toutes ces questions que devait répondre la commission présidée par Pierre Avril et qui a rendu son rapport, ce jeudi.
La commission propose de renforcer la protection pénale du chef de l’Etat et confirme tout d’abord son impunité tout en proposant néanmoins deux limites : une destitution possible en cas de «manquements graves» aux devoirs de la fonction, et une permission de reprendre les poursuites à la fin du mandat de celui-ci. S’agissant de la destitution du chef de l’Etat -uniquement sur des problèmes survenus dans l’exercice de ses fonctions-, l’article 68 de la Constitution prévoit aujourd’hui que le président n’est responsable qu’en cas de «haute trahison», et qu’il est mis en accusation par l’Assemblée nationale et le Sénat et jugé par la Haute Cour de justice composée de parlementaires. La proposition formulée par la commission des «Sages» permettrait au Parlement de «destituer un président pour le juger en toute sérénité dans le cas de manquements à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat». Une situation qui rapprocherait la France de la procédure d’«empeachment» déjà utilisée aux Etats-Unis dans l’affaire du Monica Levinsky, par exemple.
Clivage gauche-droite
Concernant la limitation de la protection dont jouit le président français, dès la fin de son mandat, il redeviendrait un citoyen comme tout les autres et les procédures à son encontre pourraient reprendre un mois après la cessation de ses fonctions. Mais pour que les propositions de cette commission soient suivies, il faut une réforme de la Constitution qui nécessite, pour être adoptée et entérinée, une majorité des deux tiers des voix des deux chambres du Parlement réunies en Congrès ou bien un référendum. L’immunité actuelle du chef de l’Etat a été instituée en janvier 1999 par le Conseil constitutionnel et par la Cour de cassation en octobre 2001, à la suite d’une mise en cause judiciaire de Jacques Chirac dans la gestion de la mairie de Paris lorsqu’il en était le maire de 1977 à 1995. Cependant, depuis 1998, trois juges d’instruction ont rendu des ordonnances évoquant son éventuelle responsabilité dans les emplois présumés fictifs de la Ville de Paris, le financement présumé occulte du RPR par les HLM de la capitale, les marchés publics du Conseil région d’Ile-de-France et les voyages payés en espèces. Plusieurs magistrats instructeurs dont l’ancien juge de Créteil, Eric Halphen, avaient convoqué, en vain, Jacques Chirac, comme témoin en 2001.
A la veille de la publication de ce rapport, Arnaud Montebourg, député socialiste de Saône-et-Loire, a déclaré dans les couloirs de l’Assemblée nationale que cette commission avait fabriqué «un bouclier en béton armé» au président actuel «pour qu’il soit tranquille jusqu’à la fin de ses jours à l’Elysée», avant d’ajouter : «nous n’avons aucune surprise à découvrir que ceux qui sont prétendument sages ont proposé finalement d’en finir avec les affaires qui visent Jacques Chirac». Quant au député Vert de Gironde, Noël Mamère, il a, résigné, affirmé : «le scénario était déjà écrit. La fin du film, c’est encore une protection pour le président de la République. J’espère que les Français ne seront pas dupes de ce nouvel artifice. Le président de la République s’accorde à lui-même l’impunité totale. C’est grave pour la démocratie».
A droite, le son de cloche est tout à fait différent. Ainsi Pascal Clément, président UMP de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, a estimé sur i.télévision qu’on ne pouvait pas «traiter le chef de l’Etat comme un citoyen comme les autres (…) Sinon, nous n’aurions plus de chef de l’Etat au bout de quelques mois d’exercice pour une raison ou pour une autre».
Lire également :
Une commission pour rien ?
(L’éditorial politique de Geneviève Goëtzinger)
La commission propose de renforcer la protection pénale du chef de l’Etat et confirme tout d’abord son impunité tout en proposant néanmoins deux limites : une destitution possible en cas de «manquements graves» aux devoirs de la fonction, et une permission de reprendre les poursuites à la fin du mandat de celui-ci. S’agissant de la destitution du chef de l’Etat -uniquement sur des problèmes survenus dans l’exercice de ses fonctions-, l’article 68 de la Constitution prévoit aujourd’hui que le président n’est responsable qu’en cas de «haute trahison», et qu’il est mis en accusation par l’Assemblée nationale et le Sénat et jugé par la Haute Cour de justice composée de parlementaires. La proposition formulée par la commission des «Sages» permettrait au Parlement de «destituer un président pour le juger en toute sérénité dans le cas de manquements à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat». Une situation qui rapprocherait la France de la procédure d’«empeachment» déjà utilisée aux Etats-Unis dans l’affaire du Monica Levinsky, par exemple.
Clivage gauche-droite
Concernant la limitation de la protection dont jouit le président français, dès la fin de son mandat, il redeviendrait un citoyen comme tout les autres et les procédures à son encontre pourraient reprendre un mois après la cessation de ses fonctions. Mais pour que les propositions de cette commission soient suivies, il faut une réforme de la Constitution qui nécessite, pour être adoptée et entérinée, une majorité des deux tiers des voix des deux chambres du Parlement réunies en Congrès ou bien un référendum. L’immunité actuelle du chef de l’Etat a été instituée en janvier 1999 par le Conseil constitutionnel et par la Cour de cassation en octobre 2001, à la suite d’une mise en cause judiciaire de Jacques Chirac dans la gestion de la mairie de Paris lorsqu’il en était le maire de 1977 à 1995. Cependant, depuis 1998, trois juges d’instruction ont rendu des ordonnances évoquant son éventuelle responsabilité dans les emplois présumés fictifs de la Ville de Paris, le financement présumé occulte du RPR par les HLM de la capitale, les marchés publics du Conseil région d’Ile-de-France et les voyages payés en espèces. Plusieurs magistrats instructeurs dont l’ancien juge de Créteil, Eric Halphen, avaient convoqué, en vain, Jacques Chirac, comme témoin en 2001.
A la veille de la publication de ce rapport, Arnaud Montebourg, député socialiste de Saône-et-Loire, a déclaré dans les couloirs de l’Assemblée nationale que cette commission avait fabriqué «un bouclier en béton armé» au président actuel «pour qu’il soit tranquille jusqu’à la fin de ses jours à l’Elysée», avant d’ajouter : «nous n’avons aucune surprise à découvrir que ceux qui sont prétendument sages ont proposé finalement d’en finir avec les affaires qui visent Jacques Chirac». Quant au député Vert de Gironde, Noël Mamère, il a, résigné, affirmé : «le scénario était déjà écrit. La fin du film, c’est encore une protection pour le président de la République. J’espère que les Français ne seront pas dupes de ce nouvel artifice. Le président de la République s’accorde à lui-même l’impunité totale. C’est grave pour la démocratie».
A droite, le son de cloche est tout à fait différent. Ainsi Pascal Clément, président UMP de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, a estimé sur i.télévision qu’on ne pouvait pas «traiter le chef de l’Etat comme un citoyen comme les autres (…) Sinon, nous n’aurions plus de chef de l’Etat au bout de quelques mois d’exercice pour une raison ou pour une autre».
Lire également :
Une commission pour rien ?
(L’éditorial politique de Geneviève Goëtzinger)
par Clarisse Vernhes
Article publié le 12/12/2002