Côte d''Ivoire
La France s’engage, les rebelles menacent
Alors que tous les autres pays occidentaux ont demandé à leurs ressortissants de quitter la Côte d’Ivoire, la France a décidé mercredi soir de s’engager encore plus, militairement et politiquement, dans cette ancienne colonie en guerre depuis près de trois mois, pour «répondre à l’exigence de protection des ressortissants français et étrangers, de stabilité et de sécurisation du cessez-le-feu». Elle propose également d’accueillir un sommet des chefs d’Etat de la région et d'organiser une réunion des «représentants des forces politiques ivoiriennes». Ce qui a provoqué la colère du MPCI, qui demande désormais à la France d’abord «d’observer une totale neutralité» et ensuite de «se retirer du pays».
Face à l’aggravation de la situation, à l’échec de la négociation de la CEDEAO et aux mots d’ordre de «mobilisation générale» lancés par les loyalistes comme par les rebelles, le gouvernement français a décidé mercredi soir de bousculer quelque peu les événements, dans le but évident de sortir d’une guerre civile qui ne cesse de s’enliser et qui menace non seulement un pays aussi important que la Côte d’Ivoire, mais l’Afrique Occidentale, déjà aux prises avec des guerres civiles sans fin au Liberia et au Sierra Leone.
Pour cela, la France a décidé de renforcer sensiblement son dispositif militaire, en y envoyant d’autres troupes, essentiellement des unités d’élite de la Légion étrangère et de l’Infanterie de marine. Un geste qui vise à rassurer les quelque 20 000 Français ou bi-nationaux toujours présents en Côte d’Ivoire, mais aussi à peser davantage dans la confrontation en cours non seulement entre les belligérants, mais aussi entre pays voisins.
Paris a d’abord qualifié d’«inacceptables» les «atteintes à l’unité, à l’intégrité et la souveraineté de la Côte d’Ivoire ; ce qui s’adresse aux mutins responsables du déclenchement de la rébellion le 19 septembre dernier. Ensuite, «la France dénonce le recours à la force, les violences et les exactions, ainsi que toute ingérence extérieure», a dit le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. Des ingérences en provenance surtout du Burkina Faso et du Liberia.
«L’arrêt de la déstabilisation» a commencé
De source diplomatique on souligne que les renforts militaires annoncés à Paris seront importants, les responsables militaires estimant que les 1 200 soldats français présents actuellement ne suffisent plus pour remplir toutes leurs tâches, notamment depuis l’apparition dans le Grand Ouest de deux nouveaux mouvements rebelles. Selon le ministère français de la Défense, ces renforts se montent «à plusieurs centaines d’hommes dont les premiers éléments seront sur place dans moins de 72 heures», l’opération «Licorne» étant entrée dans "la phase d’arrêt de la déstabilisation progressive" de la Côte d’Ivoire. Le colonel Baptiste, porte-parole de l'état-major, a précisé que «cette fois-ci, c’est un pas de plus», et que les soldats français ont comme consigne «d’ouvrir le feu» sur toute personne mettant en danger leur vie ou celles des personnes dont ils assurent la protection, ainsi que sur toute personne les empêchant d’accomplir leur mission.
Un autre porte-parole de l’armée française, Ange-Antoine Leccia, avait déclaré dès mardi dernier que «les cinq bases prépositionnées en Afrique» pouvaient à tout moment «assurer rapidement des renforts». Toutes ces mesures militaires devraient être saluées par le gouvernement du président Laurent Gbagbo, qui doit faire face à plusieurs fronts rebelles et ne cesse de dénoncer les ingérences extérieures. La tâche principale de l’armée française ne changera pas : elle se cantonnera à «sécuriser et stabiliser» un cessez-le-feu de moins en moins respecté, mais elle sera toujours en mesure d’évacuer ceux qui le souhaitent. Toutefois, dans la déclaration de mercredi soir, le gouvernement français ajoute, à propos des «atteintes à l’unité», des «exactions» et des «ingérences extérieures» : «en liaison avec ses partenaires, (la France) ne manquera pas d’en tirer toutes les conclusions». Un avertissement qui semble viser à la fois les rebelles et leurs protecteurs.
Sur le plan diplomatique aussi la France tente de sortir de l’impasse actuelle, en proposant d’accueillir à Paris une conférence regroupant les chefs d’Etat de la région, et d’organiser parallèlement une rencontre des «représentants des forces politiques ivoiriennes». Ce que le MPCI - la branche politique de la rébellion du Nord - s’est dans un premier temps empressé de saluer, car participer à une telle rencontre se traduirait par une consécration internationale inespérée pour des militaires insurgés. Une euphorie qui a été de courte durée.
Le porte-parole du MPCI Guillaume Soro a en effet changé complètement de ton quelques heures plus tard, et demandé à la France d’observer «une totale neutralité» dans la crise en cours et même de «se retirer du pays». «Si la France se hasarde à vouloir s’impliquer d’une manière ou d’une autre» dans une crise qu’il a qualifiée «d’ivoiro-ivorienne», «elle aura toute l’Afrique de l’Ouest contre elle, et personne n’a le monopole de la menace». Guillaume Soro a fustigé la «mauvaise gestion de la crise» par Dominique de Villepin, estimant qu’elle allait aboutir « à un autre Rwanda».
En revanche, aucune réaction n’avait été enregistrée jeudi matin du côté du gouvernement du président Gbagbo, qui de son côté devait signer en compagnie de tous les partis ivoiriens un «document politique» qui devrait refléter les conclusions auxquelles ont abouti les négociations de Lomé, sous la direction de Gnassingbé Eyadéma. Des négociations plus que jamais moribondes et que les rebelles ont de nouveau abandonné, pour rentrer à Bouaké «consulter la base». Ce document comprend notamment une déclaration signée par les formations politiques qui demande au MPCI de «libérer les villes occupées» et de «procéder au désarmement de ses troupes» conformément aux accords signés à Accra au début de la crise. Ce que le MPCI a rejeté par avance : «Nous ne comprenons plus les démarches de la CEDEAO et de la médiation» dirigée par Eyadéma, a précisé Guillaume Soro. Ceci n’a toutefois pas empêché la CEDEAO d’annoncer qu’un sommet consacré à la Côte d’Ivoire aura lieu ce week-end à Lomé, et qu’il réunira les présidents Wade (Sénégal), Obasanjo (Nigéria) et Eyadéma (Togo).
Pour cela, la France a décidé de renforcer sensiblement son dispositif militaire, en y envoyant d’autres troupes, essentiellement des unités d’élite de la Légion étrangère et de l’Infanterie de marine. Un geste qui vise à rassurer les quelque 20 000 Français ou bi-nationaux toujours présents en Côte d’Ivoire, mais aussi à peser davantage dans la confrontation en cours non seulement entre les belligérants, mais aussi entre pays voisins.
Paris a d’abord qualifié d’«inacceptables» les «atteintes à l’unité, à l’intégrité et la souveraineté de la Côte d’Ivoire ; ce qui s’adresse aux mutins responsables du déclenchement de la rébellion le 19 septembre dernier. Ensuite, «la France dénonce le recours à la force, les violences et les exactions, ainsi que toute ingérence extérieure», a dit le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. Des ingérences en provenance surtout du Burkina Faso et du Liberia.
«L’arrêt de la déstabilisation» a commencé
De source diplomatique on souligne que les renforts militaires annoncés à Paris seront importants, les responsables militaires estimant que les 1 200 soldats français présents actuellement ne suffisent plus pour remplir toutes leurs tâches, notamment depuis l’apparition dans le Grand Ouest de deux nouveaux mouvements rebelles. Selon le ministère français de la Défense, ces renforts se montent «à plusieurs centaines d’hommes dont les premiers éléments seront sur place dans moins de 72 heures», l’opération «Licorne» étant entrée dans "la phase d’arrêt de la déstabilisation progressive" de la Côte d’Ivoire. Le colonel Baptiste, porte-parole de l'état-major, a précisé que «cette fois-ci, c’est un pas de plus», et que les soldats français ont comme consigne «d’ouvrir le feu» sur toute personne mettant en danger leur vie ou celles des personnes dont ils assurent la protection, ainsi que sur toute personne les empêchant d’accomplir leur mission.
Un autre porte-parole de l’armée française, Ange-Antoine Leccia, avait déclaré dès mardi dernier que «les cinq bases prépositionnées en Afrique» pouvaient à tout moment «assurer rapidement des renforts». Toutes ces mesures militaires devraient être saluées par le gouvernement du président Laurent Gbagbo, qui doit faire face à plusieurs fronts rebelles et ne cesse de dénoncer les ingérences extérieures. La tâche principale de l’armée française ne changera pas : elle se cantonnera à «sécuriser et stabiliser» un cessez-le-feu de moins en moins respecté, mais elle sera toujours en mesure d’évacuer ceux qui le souhaitent. Toutefois, dans la déclaration de mercredi soir, le gouvernement français ajoute, à propos des «atteintes à l’unité», des «exactions» et des «ingérences extérieures» : «en liaison avec ses partenaires, (la France) ne manquera pas d’en tirer toutes les conclusions». Un avertissement qui semble viser à la fois les rebelles et leurs protecteurs.
Sur le plan diplomatique aussi la France tente de sortir de l’impasse actuelle, en proposant d’accueillir à Paris une conférence regroupant les chefs d’Etat de la région, et d’organiser parallèlement une rencontre des «représentants des forces politiques ivoiriennes». Ce que le MPCI - la branche politique de la rébellion du Nord - s’est dans un premier temps empressé de saluer, car participer à une telle rencontre se traduirait par une consécration internationale inespérée pour des militaires insurgés. Une euphorie qui a été de courte durée.
Le porte-parole du MPCI Guillaume Soro a en effet changé complètement de ton quelques heures plus tard, et demandé à la France d’observer «une totale neutralité» dans la crise en cours et même de «se retirer du pays». «Si la France se hasarde à vouloir s’impliquer d’une manière ou d’une autre» dans une crise qu’il a qualifiée «d’ivoiro-ivorienne», «elle aura toute l’Afrique de l’Ouest contre elle, et personne n’a le monopole de la menace». Guillaume Soro a fustigé la «mauvaise gestion de la crise» par Dominique de Villepin, estimant qu’elle allait aboutir « à un autre Rwanda».
En revanche, aucune réaction n’avait été enregistrée jeudi matin du côté du gouvernement du président Gbagbo, qui de son côté devait signer en compagnie de tous les partis ivoiriens un «document politique» qui devrait refléter les conclusions auxquelles ont abouti les négociations de Lomé, sous la direction de Gnassingbé Eyadéma. Des négociations plus que jamais moribondes et que les rebelles ont de nouveau abandonné, pour rentrer à Bouaké «consulter la base». Ce document comprend notamment une déclaration signée par les formations politiques qui demande au MPCI de «libérer les villes occupées» et de «procéder au désarmement de ses troupes» conformément aux accords signés à Accra au début de la crise. Ce que le MPCI a rejeté par avance : «Nous ne comprenons plus les démarches de la CEDEAO et de la médiation» dirigée par Eyadéma, a précisé Guillaume Soro. Ceci n’a toutefois pas empêché la CEDEAO d’annoncer qu’un sommet consacré à la Côte d’Ivoire aura lieu ce week-end à Lomé, et qu’il réunira les présidents Wade (Sénégal), Obasanjo (Nigéria) et Eyadéma (Togo).
par Elio Comarin
Article publié le 12/12/2002