Somalie
Les sportifs, messagers de la paix
Dix ans après l’opération «Redonner l’espoir» conduite par l’armée américaine en Somalie, les Somaliens n’ont toujours pas d’Etat, ni de gouvernement et ni d’administration sur lesquels se reposer. La seule instance somalienne reconnue par la communauté internationale est le Comité national olympique.
De notre envoyée spéciale en Somalie
«Bop». Un son doux et feutré, dont la régularité apparaît comme la marque d’élégance du jeu. Un son de vacances. Paisible, léger. La balle jaune rebondit. «Vlan!» Jiija frappe en coup droit, du haut de ses huit ans. La sûreté et la force de son geste dépassent son gabarit. Elle court sous les yeux admiratifs de sa sœur Muna, 11 ans –l’âge de la guerre-, qui attend, assise par terre, raquette de tennis sous le bras. L’aînée sait que sa cadette, qui a débuté ce sport avec elle, il y a trois ans, est plus offensive qu’elle sur les balles. Pour l’instant, Jiija s’échauffe «au mur». Il pleut des cordes sur Mogadiscio. Les deux sœurs s’entraînent à l’abri, dans les locaux de l’Olympic Fitness Club.
Comme son nom l’indique, le bâtiment appartient au comité national olympique. Il est ouvert aux licenciés et aux sportifs amateurs, contre un abonnement de 10 dollars par mois. Le club abrite un terrain utilisé pour le handball, le volley et le basket, et une salle d’appareils de musculation. Dans un coin, on projette une vidéo de cours de kick-boxing présenté par un ancien acteur américain. «Bientôt, nous allons installer un sauna» annonce le directeur de la salle. Les panneaux de publicité vantant les sociétés nationales de télécommunication, ne laissent pas de doute sur les financements.
Des îlots de paix dans un pays toujours en guerre
En dépit des conflits, du chaos et de l’anarchie qui règnent dans le pays depuis bientôt 10 ans, les Somaliens ont réussi à créer des îlots de paix et d’entente cordiale. Les activités sportives font partie de ces moments de grâce où, comme le constate Abdi Farah, du programme Sports pour la Paix,: «la seule division qui existe est celle qui sépare les spectateurs des joueurs».
Quinze fédérations nationales sont présentes au sein du comité olympique, seule instance somalienne reconnue par la communauté internationale. La liste s’étend du cyclisme à la natation ou au judo, en passant par des sports plus ancrés en terre somalienne comme le volley, le football (24 clubs), le basket (12 clubs) et l’athlétisme (10 clubs). «Beaucoup d’installations ont été détruites et pillées pendant la guerre, mais nous les confions aujourd’hui à des gardiens» Les anciennes infrastructures, comme le grand stade de la capitale, ou les courts de l’école militaire, sont utilisés régulièrement par les clubs. A défaut, les cyclistes et les coureurs à pied utilisent la route rectiligne, de 8 km, encore goudronnée, et pas trop défoncée, qui mène au village d’Afgoye «jusqu’au premier check point» explique en toute simplicité, Abdulahi Yahye Shilan, 22 ans, coureur de demi-fond. A priori, les miliciens ne prennent pas pour cible les athlètes. Quelquefois même, ils les protègent.
Les yeux brillants de fierté, «Barbar», ancien militaire de l’armée de Siad Barre, reconverti comme chef de milice, s’élance à l’assaut des dunes qui bordent l’aéroport international de Mogadiscio. Un lieu désormais abandonné aux sportifs et aux auto-écoles. Au sommet, l’équipe de football Elman, la meilleure de la région, et sa préférée, s’entraîne avec force ahanements. La période de Ramadan interdit les compétitions mais pas les exercices. Parmi les joueurs, des étudiants, «boursiers» de la fondation du même nom.
L’organisation caritative, créée, par les amis d’un jeune homme d’affaires, «Elman», militant pacifiste, engagé auprès des enfants des rues, et assassiné par les chefs de guerre en mars 1996, a très vite saisi que le sport, allié, quand c’est possible, à l’éducation, était un moyen d’empêcher les jeunes gens de rejoindre les rangs des milices, de dépasser les antagonismes et d’offrir un semblant de normalité à tout le monde.
Dans la même veine, le programme de l’Unesco, «Sports pour la Paix» a permis aux Somaliens de se retrouver sur et autour des terrains. Des compétitions de basket ont pu avoir lieu dans deux villes de province. Des courses à pied ont été organisées dans les rues de Mogadiscio. La dernière, le 26 juin dernier, a réuni 1.000 athlètes amateurs. Les quartiers étaient à la fête : «on a même vu ressurgir des policiers aux carrefours» s’étonne encore Philippe Gourdin, le coordinateur régional. «Le sport est un formidable vecteur pour changer les mentalités et retrouver des réflexes d’unité» assure le Français, qui travaille depuis 10 ans en Somalie. «nous nous battons pour que les femmes puissent également participer à ces rencontres». Cependant, sur ce plan-là, la partie n’est pas gagnée. A Mogadiscio, les femmes courraient enfermées dans le stade. «Pour des raisons de sécurité» dit-on officiellement. Raison plausible compte tenu de l’atmosphère violente, mais raison trop souvent entendue pour ne pas s’en défier. Au moins, elles courraient.
«Bop». Un son doux et feutré, dont la régularité apparaît comme la marque d’élégance du jeu. Un son de vacances. Paisible, léger. La balle jaune rebondit. «Vlan!» Jiija frappe en coup droit, du haut de ses huit ans. La sûreté et la force de son geste dépassent son gabarit. Elle court sous les yeux admiratifs de sa sœur Muna, 11 ans –l’âge de la guerre-, qui attend, assise par terre, raquette de tennis sous le bras. L’aînée sait que sa cadette, qui a débuté ce sport avec elle, il y a trois ans, est plus offensive qu’elle sur les balles. Pour l’instant, Jiija s’échauffe «au mur». Il pleut des cordes sur Mogadiscio. Les deux sœurs s’entraînent à l’abri, dans les locaux de l’Olympic Fitness Club.
Comme son nom l’indique, le bâtiment appartient au comité national olympique. Il est ouvert aux licenciés et aux sportifs amateurs, contre un abonnement de 10 dollars par mois. Le club abrite un terrain utilisé pour le handball, le volley et le basket, et une salle d’appareils de musculation. Dans un coin, on projette une vidéo de cours de kick-boxing présenté par un ancien acteur américain. «Bientôt, nous allons installer un sauna» annonce le directeur de la salle. Les panneaux de publicité vantant les sociétés nationales de télécommunication, ne laissent pas de doute sur les financements.
Des îlots de paix dans un pays toujours en guerre
En dépit des conflits, du chaos et de l’anarchie qui règnent dans le pays depuis bientôt 10 ans, les Somaliens ont réussi à créer des îlots de paix et d’entente cordiale. Les activités sportives font partie de ces moments de grâce où, comme le constate Abdi Farah, du programme Sports pour la Paix,: «la seule division qui existe est celle qui sépare les spectateurs des joueurs».
Quinze fédérations nationales sont présentes au sein du comité olympique, seule instance somalienne reconnue par la communauté internationale. La liste s’étend du cyclisme à la natation ou au judo, en passant par des sports plus ancrés en terre somalienne comme le volley, le football (24 clubs), le basket (12 clubs) et l’athlétisme (10 clubs). «Beaucoup d’installations ont été détruites et pillées pendant la guerre, mais nous les confions aujourd’hui à des gardiens» Les anciennes infrastructures, comme le grand stade de la capitale, ou les courts de l’école militaire, sont utilisés régulièrement par les clubs. A défaut, les cyclistes et les coureurs à pied utilisent la route rectiligne, de 8 km, encore goudronnée, et pas trop défoncée, qui mène au village d’Afgoye «jusqu’au premier check point» explique en toute simplicité, Abdulahi Yahye Shilan, 22 ans, coureur de demi-fond. A priori, les miliciens ne prennent pas pour cible les athlètes. Quelquefois même, ils les protègent.
Les yeux brillants de fierté, «Barbar», ancien militaire de l’armée de Siad Barre, reconverti comme chef de milice, s’élance à l’assaut des dunes qui bordent l’aéroport international de Mogadiscio. Un lieu désormais abandonné aux sportifs et aux auto-écoles. Au sommet, l’équipe de football Elman, la meilleure de la région, et sa préférée, s’entraîne avec force ahanements. La période de Ramadan interdit les compétitions mais pas les exercices. Parmi les joueurs, des étudiants, «boursiers» de la fondation du même nom.
L’organisation caritative, créée, par les amis d’un jeune homme d’affaires, «Elman», militant pacifiste, engagé auprès des enfants des rues, et assassiné par les chefs de guerre en mars 1996, a très vite saisi que le sport, allié, quand c’est possible, à l’éducation, était un moyen d’empêcher les jeunes gens de rejoindre les rangs des milices, de dépasser les antagonismes et d’offrir un semblant de normalité à tout le monde.
Dans la même veine, le programme de l’Unesco, «Sports pour la Paix» a permis aux Somaliens de se retrouver sur et autour des terrains. Des compétitions de basket ont pu avoir lieu dans deux villes de province. Des courses à pied ont été organisées dans les rues de Mogadiscio. La dernière, le 26 juin dernier, a réuni 1.000 athlètes amateurs. Les quartiers étaient à la fête : «on a même vu ressurgir des policiers aux carrefours» s’étonne encore Philippe Gourdin, le coordinateur régional. «Le sport est un formidable vecteur pour changer les mentalités et retrouver des réflexes d’unité» assure le Français, qui travaille depuis 10 ans en Somalie. «nous nous battons pour que les femmes puissent également participer à ces rencontres». Cependant, sur ce plan-là, la partie n’est pas gagnée. A Mogadiscio, les femmes courraient enfermées dans le stade. «Pour des raisons de sécurité» dit-on officiellement. Raison plausible compte tenu de l’atmosphère violente, mais raison trop souvent entendue pour ne pas s’en défier. Au moins, elles courraient.
par Marion Urban
Article publié le 13/12/2002