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Congo démocratique

Les armes de Kadhafi

Une livraison d’armes libyennes à destinations des rebelles de Jean-Pierre Bemba dans le nord de la République démocratique du Congo témoigne de nouveaux rapports de forces qui se mettent en place dans la région et notamment en Centrafrique.
Le chef du Mouvement de libération du Congo (MLC), Jean-Pierre Bemba est au cœur d’une polémique entre la Libye et les autorités politiques de la République démocratique du Congo. Son mouvement rebelle aurait reçu des armes débarquées par avion en provenance de la Libye.

L’annonce de ces livraisons d’armes intervient quelques semaines seulement après l’intervention des troupes de Jean-Pierre Bemba en Centrafrique. Les hommes du MLC avait franchi le fleuve Oubangui pour venir prêter main forte au président centrafricain Ange-Félix Patassé alors menacé par une tentative de coup d’Etat conduite par son ancien chef d’état-major, le général Bozizé avec l’appui du Tchad.

Finalement les assaillants ont été repoussés au nord de Bangui par les détachements libyens et des renforts du MLC sollicités par le président Patassé. Les exactions commises par les rebelles congolais avaient défrayé la chronique. Pillage, vols, viols ont constitué le butin de guerre des soldats rebelles de Jean-Pierre Bemba, «mal payés» dit-on au sein de leurs corps au nord de la République démocratique du Congo. Ces mêmes soldats du MLC avaient déjà sauvé la mise au président Patassé en mai 2001, lorsque l’ancien président André Kolingba s’était mis en tête de le renverser. Les troupes libyennes étaient déjà là aussi.

Le renforcement de Jean-Pierre Bemba est vital pour le président centrafricain

Aujourd’hui la collusion entre Jean-Pierre Bemba et le colonel Kadhafi inquiète les autorités de Kinshasa. La Libye ne conteste pas l’envoi d’armes au MLC, via l’aéroport de Gbadolite dans le nord de la RDC, mais précise que les munitions sont à destination de Bangui, dont les autorités cherchent toujours à anéantir la rébellion qui occupe une bonne partie nord de la Centrafrique. Les opérations de reconquête sont conjointement menées par les forces armées centrafricaines épaulées par les rebelles de Jean-Pierre Bemba et des unités d’élite libyennes.

Le gouvernement congolais s’interroge sur la destination de la livraison alors que l’aéroport de Bangui n’est pas fermé et bien tenu par les forces centrafricaines et libyennes. Vital Kamere le ministre congolais délégué à la réconciliation considère cette opération comme une machination du MLC et de son chef pour faire échec aux négociations de paix inter-congolaises qui se tiennent actuellement à Pretoria en Afrique du sud.

En effet les délégués aux pourparlers inter-congolais se préparent à la signature d’un texte commun mais sans aborder sur le fond l’accord politique qui entérine le partage du pouvoir selon le principe du «1+ 4», c’est à dire un président de la République et quatre vices-présidents. Du côté gouvernemental congolais on se dit prêt pour un tel accord, qui maintient en place Joseph Kabila, l’actuel président. La période de transition de deux ans convainc toutes les parties mais les modalités de partage du pouvoir n’ont pas connu d’avancées sensibles. «Je crois que la médiation est à présent consciente qu’il n’y a eu aucun progrès dans la commission politique chargée de régler le partage du pouvoir» affirme le principal négociateur du MLC présent à Pretoria. Les médiateurs sud-africains et le l’émissaire du secrétaire général de l’ONU, Moustapha Niasse, croient en revanche en la bonne foi des uns et des autres et parlent d’une proposition de synthèse qui emporterait la faveur de tout le monde.

Les déclarations du MLC, à quelques jours d’un accord «historique», a suscité de vives réactions à Kinshasa. Le gouvernement de Joseph Kabila trouve dans la livraison des armes libyennes à Gbadolite, siège du MLC, un signe manifeste de sabotage du travail accompli. Selon Kinshasa, l’objectif visé par les rebelles du MLC est de contrôler l’essentiel du pouvoir en RDC et au pire conserver son autorité sur la partie du territoire congolais encore sous son contrôle. Dans une telle hypothèse l’ouverture sur Bangui est vitale pour le MLC. Comme c’est déjà le cas aujourd’hui. Commerce et trafics de tous genres, avec la complaisance de Bangui permettent à Jean-Pierre Bemba d’entretenir ses troupes et de maintenir une économie de guerre dans une région coupée du reste du pays.

Un renforcement du MLC est également vital pour le pouvoir en place à Bangui. Le président Patassé doit en effet faire face désormais à une coalition des principaux opposants centrafricains et des rebelles du général Bozize. Ils ont créé à Paris, le 7 décembre, une «coordination politico-militaire» dans laquelle on retrouve, François Bozizé, (ancien chef d’état-major), André Kolingba, (ancien président de la République), Jean-Paul Ngoupandé et Joseph Abessolo (anciens Premier ministres), Abel Goumba (opposant de longue date) et Rigobert Yombo (ancien président du patronat). L’alliance de toutes ces figures de l’opposition est vécue par les autorités de Bangui comme une véritable déclaration de guerre. Elles se méfient également des ralliements ethniques qui pourraient affaiblir et diviser l’armée. Le contre-poids désigné est alors le MLC qui bénéficie des relations particulières de Bangui avec la Libye selon le bon vieux principe «l’ami de mon ami est mon ami».



par Didier  Samson

Article publié le 13/12/2002