Cuba
Des salles de classe à l’intérieur des musées
La restauration de la vieille Havane a débouché sur une expérience unique au monde. Pour cause de travaux, les écoles primaires du quartier ont été transférées dans les musées.
De notre correspondante à La Havane
Des somptueux palais coloniaux aux gracieuses arcades, des balcons ouvragés et patios andalous, le tout enfoui dans la cacophonie d’un quartier populaire de La Havane a de quoi étonner le voyageur. Mais quelle ne sera pas sa surprise lorsque, venu se réfugier dans la fraîcheur de la maison Simon Bolivar, il tombera nez à nez avec une centaine d’écoliers, à l’uniforme bien repassé. Les salles de classes à l’intérieur des musées, une invention cubaine qui a su lier l’utile à l’agréable.
L’aventure commence en 1995. Alors que le gouvernement cubain se lance dans la tâche herculéenne de la restauration de la vieille Havane, pour attirer un tourisme plus culturel que sexuel, un problème logistique survint: qu’allait-on faire des élèves dont les écoles se trouvaient au beau milieu des chantiers de restauration ? La solution surgit lors d’une réunion entre Eusébio Léal (le célèbre historien de La Havane chargé des travaux), l’union des parents d’élèves et les professeurs des écoles concernées. Les salles de classes seront transférées dans les seuls lieux en bon état: les musées du quartier. Tableaux noirs et pupitres furent donc installés au cœur même du patrimoine culturel cubain.
Tous les matins, après avoir chanté l’hymne national, les jeunes hôtes participent avec enthousiasme aux activités quotidiennes du musée: entretien, nettoyage et jardinage dans les cours ombragées sont à l’ordre du jour. Puis, en rang deux par deux et en silence, «parce que c’est un musée et qu’il y a des touristes» m’explique la petite Yamila, ils rejoignent leur salle de classe parmi les oeuvres d’art. Mais après les cours, la journée n’est pas finie... «Au début, on avait juste pensé au côté pratique de cette situation: trouver un endroit pour remplacer les écoles le temps des travaux. Mais très vite, on s’est aperçu que de vivre au jour le jour à l’intérieur des musées avait éveillé la curiosité des enfants. Non seulement ils voulaient tout savoir sur le musée dans lequel ils étaient, mais également sur celui où se trouvaient les autres enfants du quartier» explique Lourdes Olivera Alfonso, chargée des projets culturels liés à la jeunesse dans la vieille Havane.
Un animateur a donc été assigné à chaque «classe musée» et dorénavant, une partie de l’après-midi est consacrée aux activités culturelles. Concerts, expositions et conférences sont proposés au jeune public, mais l’activité qui remporte le plus grand succès est sans aucun doute «le zoo à l’école». Cette fois ci ce sont les oiseaux, singes et serpents qui sont de sortie pour faire un tour au musée. Mis à part le cadre magnifique, les nombreuses activités extra-scolaires qui leur sont proposées, les élèves profitent également des avantages de leur quartier devenu touristique. De nombreux touristes ou organisations humanitaires, séduits par la présence de ces jeunes écoliers à l’intérieur des musées, font dons de stylos, cahiers, médicaments ou vitamines. Mais le moment le plus attendu de la semaine est sans aucun doute le vendredi, lorsque arrivent les délicieuses glaces offertes par Eusébio Léal.
Une nouvelle approche de la restauration
Mais malheureusement, toutes les écoles cubaines n’ont pas cette chance. Même si Fidel Castro a ordonné la restauration de toutes les écoles de la capitale l’été dernier, celles de la vieille Havane, comme le quartier tout entier, fonctionnent de façon totalement autonomes et sur fonds propres. En 1995, lorsque la restauration du quartier historique de La Havane se met en route, Cuba est au bord du gouffre.
Depuis l’effondrement de l’URSS, les bateaux soviétiques chargés de pétrole et autres merveilles en échange de quelques tonnes de sucre cubain n’entrent plus dans le port de La Havane. Petit à petit la pénurie se généralise. Seule solution pour Cuba: s’ouvrir au tourisme. La restauration de la vieille Havane devient alors une priorité, et une entière liberté est donnée à Eusébio Léal pour trouver les fonds nécessaires. Hôtels et restaurants réservés aux touristes surgissent alors des décombres du vieux quartier, permettant l’auto-financement des travaux. Mais l’expérience des «classes-musées» a marqué un tournant dans la politique de restauration de la vieille Havane. Dorénavant elle devra se faire en harmonie et en intégrant la population qui y vit. Ainsi, pour chaque hôtel restauré, une bibliothèque, un jardin d’enfant ou un asile pour personnes âgées devra être crée.
Cette conception de la restauration d’un quartier, autant populaire qu’historique, a séduit plus d’un organisme international, et aujourd’hui la vieille Havane fait office de référence, attirant à la fois touristes et dons humanitaires, pour le bonheur de tous.
Des somptueux palais coloniaux aux gracieuses arcades, des balcons ouvragés et patios andalous, le tout enfoui dans la cacophonie d’un quartier populaire de La Havane a de quoi étonner le voyageur. Mais quelle ne sera pas sa surprise lorsque, venu se réfugier dans la fraîcheur de la maison Simon Bolivar, il tombera nez à nez avec une centaine d’écoliers, à l’uniforme bien repassé. Les salles de classes à l’intérieur des musées, une invention cubaine qui a su lier l’utile à l’agréable.
L’aventure commence en 1995. Alors que le gouvernement cubain se lance dans la tâche herculéenne de la restauration de la vieille Havane, pour attirer un tourisme plus culturel que sexuel, un problème logistique survint: qu’allait-on faire des élèves dont les écoles se trouvaient au beau milieu des chantiers de restauration ? La solution surgit lors d’une réunion entre Eusébio Léal (le célèbre historien de La Havane chargé des travaux), l’union des parents d’élèves et les professeurs des écoles concernées. Les salles de classes seront transférées dans les seuls lieux en bon état: les musées du quartier. Tableaux noirs et pupitres furent donc installés au cœur même du patrimoine culturel cubain.
Tous les matins, après avoir chanté l’hymne national, les jeunes hôtes participent avec enthousiasme aux activités quotidiennes du musée: entretien, nettoyage et jardinage dans les cours ombragées sont à l’ordre du jour. Puis, en rang deux par deux et en silence, «parce que c’est un musée et qu’il y a des touristes» m’explique la petite Yamila, ils rejoignent leur salle de classe parmi les oeuvres d’art. Mais après les cours, la journée n’est pas finie... «Au début, on avait juste pensé au côté pratique de cette situation: trouver un endroit pour remplacer les écoles le temps des travaux. Mais très vite, on s’est aperçu que de vivre au jour le jour à l’intérieur des musées avait éveillé la curiosité des enfants. Non seulement ils voulaient tout savoir sur le musée dans lequel ils étaient, mais également sur celui où se trouvaient les autres enfants du quartier» explique Lourdes Olivera Alfonso, chargée des projets culturels liés à la jeunesse dans la vieille Havane.
Un animateur a donc été assigné à chaque «classe musée» et dorénavant, une partie de l’après-midi est consacrée aux activités culturelles. Concerts, expositions et conférences sont proposés au jeune public, mais l’activité qui remporte le plus grand succès est sans aucun doute «le zoo à l’école». Cette fois ci ce sont les oiseaux, singes et serpents qui sont de sortie pour faire un tour au musée. Mis à part le cadre magnifique, les nombreuses activités extra-scolaires qui leur sont proposées, les élèves profitent également des avantages de leur quartier devenu touristique. De nombreux touristes ou organisations humanitaires, séduits par la présence de ces jeunes écoliers à l’intérieur des musées, font dons de stylos, cahiers, médicaments ou vitamines. Mais le moment le plus attendu de la semaine est sans aucun doute le vendredi, lorsque arrivent les délicieuses glaces offertes par Eusébio Léal.
Une nouvelle approche de la restauration
Mais malheureusement, toutes les écoles cubaines n’ont pas cette chance. Même si Fidel Castro a ordonné la restauration de toutes les écoles de la capitale l’été dernier, celles de la vieille Havane, comme le quartier tout entier, fonctionnent de façon totalement autonomes et sur fonds propres. En 1995, lorsque la restauration du quartier historique de La Havane se met en route, Cuba est au bord du gouffre.
Depuis l’effondrement de l’URSS, les bateaux soviétiques chargés de pétrole et autres merveilles en échange de quelques tonnes de sucre cubain n’entrent plus dans le port de La Havane. Petit à petit la pénurie se généralise. Seule solution pour Cuba: s’ouvrir au tourisme. La restauration de la vieille Havane devient alors une priorité, et une entière liberté est donnée à Eusébio Léal pour trouver les fonds nécessaires. Hôtels et restaurants réservés aux touristes surgissent alors des décombres du vieux quartier, permettant l’auto-financement des travaux. Mais l’expérience des «classes-musées» a marqué un tournant dans la politique de restauration de la vieille Havane. Dorénavant elle devra se faire en harmonie et en intégrant la population qui y vit. Ainsi, pour chaque hôtel restauré, une bibliothèque, un jardin d’enfant ou un asile pour personnes âgées devra être crée.
Cette conception de la restauration d’un quartier, autant populaire qu’historique, a séduit plus d’un organisme international, et aujourd’hui la vieille Havane fait office de référence, attirant à la fois touristes et dons humanitaires, pour le bonheur de tous.
par Karen DONADEL
Article publié le 02/12/2002