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Corée

Pyongyang réactive son programme nucléaire

La Corée du Nord a annoncé jeudi la reprise «immédiate» de son programme nucléaire, gelé depuis 1994 dans le cadre d’un accord avec les Etats-Unis visant, en échange d’une contre-partie technique et financière, à empêcher Pyongyang de se doter de l’arme atomique. Cette décision intervient au lendemain de l’arraisonnement d’une cargaison de missiles nord-coréens destinés au Yémen. Elle ravive la tension dans la région, Séoul exprimant notamment sa «grave préoccupation».
Lorsque la Corée du Nord avait accepté en 1994 de geler son programme nucléaire, ce n’était pas sans contre-partie. Pyongyang acceptait en effet de fermer ses deux centrales nucléaires ainsi que certaines de ses installations controversées mais à la seule condition qu’un consortium occidental finance deux réacteurs à eau et que les pays occidentaux s’engagent à lui fournir du fioul. Or cet approvisionnement, qui concernait 500 000 tonnes de pétrole par an, a brusquement été gelé le mois dernier par Washington et Tokyo en représailles à la poursuite présumée par la Corée du Nord de son programme nucléaire. Les Etats-Unis, avait, en effet, affirmé à l’époque que le régime de Pyongyang avait avoué à un émissaire américain poursuivre un programme d’enrichissement d’uranium à des fins militaire, ce qu’un média officiel nord-coréen s’était pourtant aussitôt empressé de démentir.

Aujourd’hui, la Corée du Nord, qui estime désormais caduc l’accord qu’elle a signé en 1994, justifie la reprise de son programme nucléaire en réponse aux sanctions de Washington et Tokyo. «Le gouvernement n’a pas d’autre choix que de lever le gel qui avait été mis en place à la condition que 500 000 tonnes de carburant lui soient fournies chaque année et de reprendre immédiatement l’activation et la construction des installations nucléaires nécessaires à la production d’électricité», a ainsi affirmé le ministère des Affaires étrangères nord-coréen dans un communiqué. Mais le régime de Pyongyang ne ferme pas définitivement la porte à la négociation puisqu’il offre de suspendre de nouveau son programme si l’administration américaine fait des concessions. «Il dépend entièrement des Etats-Unis que nous procédions au gel ou non de nos installations nucléaires», a ainsi précisé la diplomatie nord-coréenne, renvoyant la balle dans le camp américain. Le fait que cette annonce intervienne au lendemain de l’arraisonnement d’une cargaison de missiles nord-coréens destinés au Yémen tend à accréditer la thèse selon laquelle Pyongyang joue la carte du nucléaire pour forcer Washington à revenir à la table des négociations, estime de nombreux observateurs.

Grave préoccupation de Séoul

Dès l’annonce jeudi par Pyongyang de la reprise de son programme nucléaire, la Corée du Sud a réuni d’urgence son Conseil national de sécurité. «Nous exprimons nos profonds regrets et notre grave préoccupation au moment où la déclaration du ministère nord-coréen des Affaires étrangères risque de faire monter la tension dans la péninsule coréenne», a ainsi affirmé le Conseil qui a estimé plus que jamais nécessaire de trouver «une solution pacifique par le dialogue» à cette crise. Cet incident intervient en outre à une semaine exactement de l’élection présidentielle en Corée du Sud qui opposera un candidat de centre gauche, partisan d’une poursuite du dialogue avec Pyongyang, et un conservateur plus favorable à une ligne dure. Mais malgré ce brusque regain de tension dans la région, des représentants des deux Corées se sont réunis à Séoul, comme prévu, pour des pourparlers économiques.

Si les relations entre Washington et Pyongyang n’ont jamais été franchement bonnes, elles se sont brusquement détériorées au début de l’année lorsque George Bush a rangé la Corée du Nord, aux côtés de l’Irak et de l’Iran, parmi les Etats de «l’axe du mal», avides selon lui d’armes de destruction massive et soutenant le terrorisme international. Depuis, différentes personnalités américaines, dont le secrétaire d’Etat à la défense, ont à plusieurs reprises officiellement dénoncé la politique nord-coréenne, principale responsable, selon eux de la prolifération nucléaire. Plutôt discret jusqu’à présent face à ces accusations, le régime nord-coréen a réagi jeudi en mettant en avant la responsabilité américaine. «Les Etats-Unis ne peuvent pas échapper à leur responsabilité en foulant au pied la lettre et l’esprit de l’accord-cadre en nous désignant en tant qu’axe du mal et en tant que cible potentielle d’une attaque nucléaire préventive», a notamment indiqué le ministère des Affaires étrangères dans son communiqué. Une position qui n’est pas pour détendre l’atmosphère entre les deux pays.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 12/12/2002