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Corée

Washington menace Pyongyang mais veut négocier

La décision de Pyongyang de démanteler les dispositifs de surveillance nucléaires de l’ONU et sa détermination à remettre en marche un des ses réacteurs nucléaires préoccupent la communauté internationale. Washington, agacé par ce nouveau «front» au moment où l’Irak requiert toute son attention, a intensifié sa pression diplomatique pour tenter d’amener le régime nord-coréen à revenir sur ses décisions de reprendre son programme militaire nucléaire. Pyongyang fait pour l’instant la sourde oreille, une façon, estiment certains analystes, de faire monter les enchères et forcer l’administration américaine à lui octroyer une aide conséquente contre le gel de ses activités prohibées.
La Maison blanche, qui continue à privilégier la voie du dialogue pour désamorcer la crise nord-coréenne, n’en demeure pas moins ferme envers le régime de Pyongyang, voire parfois même menaçante. Les autorités américaines ont ainsi affirmé qu’il était hors de question de reprendre le dialogue ou de faire des concessions à un pays qui a violé ses engagements envers la communauté internationale. «Nous ne céderons pas au chantage», a notamment affirmé un porte-parole du département d’Etat. Pour Philipp Reeker, «la communauté internationale n’engagera pas de dialogue en réponse à des menaces ou des engagements rompus». Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a pour sa part mis en garde Pyongyang contre la tentation de croire que l’attention portée par Washington à l’Irak le mettait en position de faiblesse vis-à-vis de la Corée du Nord. Les forces américaines, sont, selon lui, parfaitement «capables de mener deux conflits régionaux». «Nous sommes en mesure de remporter le premier de façon décisive (allusion au régime de Bagdad) et de battre l’adversaire rapidement dans l’autre», a-t-il affirmé, menaçant.

Mais les Etats-Unis ne cherchent toutefois pas l’affrontement avec la Corée du Nord et multiplient les déclarations sur la nécessité de trouver une solution politique à la crise. Dans cette optique, le président Bush vient de décider de dépêcher un représentant spécial à Séoul dès le début de l’année pour des entretiens avec le président Roh Moo-Hyun, nouvellement élu et partisan, comme son prédécesseur, d’une politique de dialogue avec Pyongyang. Mais sourde aux critiques de la communauté internationale, la Corée du nord poursuit consciencieusement son objectif de relance de son programme nucléaire. Un haut responsable sud-coréen a ainsi assuré que, après avoir démantelé les équipements de surveillance de l'ONU, le régime de Pyongyang a commencé à remettre en état son réacteur nucléaire de cinq mégawatts sur le site de Yongbyon, situé à une centaine de kilomètres de la capitale nord-coréenne. La prochaine étape consiste à recharger le réacteur avec des barres de combustible nucléaire, et selon les spécialistes, la question la plus importante est de savoir si la Corée du Nord va extraire les barres de combustible irradié et les retraiter afin d'en retirer du plutonium militaire. Pyongyang affirme que non et justifie la relance de son programme nucléaire par la nécessité de produire de l’électricité.

Une source de revenus importante

Les autorités nord-coréennes, peu habituées à communiquer, ont en outre adopté un discours de plus en plus guerrier vis-à-vis de Washington, dénonçant «l’arrogance des faucons américains» et promettant notamment de «lutter contre les impérialistes et les classes ennemies». Le ministre de la Défense a même exhorté tous les soldats et les civils à devenir des bombes humaines contre les Etats-Unis. «Tous les officiers et les hommes de KPA (Armée du peuple coréen) doivent se préparer à devenir des bombes humaines et des combattants prêts à se faire sauter afin de défendre le siège de la révolution», a-t-il notamment affirmé. Face à ce ton belliqueux, l’administration américaine ne semble disposer que de deux options. La première consiste à maintenir la Corée du Nord dans son isolement dans l’espoir de la voir capituler sans concessions. Ce qui ne convient pas à son voisin du Sud qui prône la poursuite du dialogue. La seconde reviendrait à imposer au régime de Pyongyang un nouvel accord dans lequel, en échange de garanties sur sa sécurité et sa souveraineté et d’une aide matérielle notamment alimentaire, il accepterait de renoncer à son programme nucléaire.

Car si les experts ne savent que très peu de choses sur le potentiel nucléaire nord-coréen, ils sont en revanche tous catégoriques pour convenir que le programme d’armes de destruction massive du régime de Pyongyang constitue son arme de survie. Dans un pays à l’économie en ruine –les seuls produits à l’exportation sont le tabac et la soie–, il lui permet en effet de soutirer à la communauté internationale une aide économique et humanitaire importantes. Les autorités nord-coréennes qui ont signé un accord en 1994 pour geler leur programme nucléaire, en échange de la fourniture de 500 000 litres de pétrole et de la construction de deux réacteurs à eau, n’en ont pas moins poursuivi le développement et la production de missiles balistiques. Une bonne affaire quand on sait que le prix de ces missiles est évalué à un million de dollars pièce et que les clients ne manquent pas. Un cargo nord-coréen avait d’ailleurs été arraisonné il y a quelques semaines avec à son bord une quinzaine de Scud destinés au Yémen.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 25/12/2002