Social
Le casse-tête de la représentativité syndicale
Une forte abstention a marqué les élections prud'homales qui n'ont pas modifié l'équilibre entre les grands syndicats, malgré une progression des petites listes. Le problème de la représentativité syndicale est à nouveau posé.
Avec une abstention proche de 66 %, en progression par rapport aux élections de 1997, on ne peut pas dire que les élections prud'homales aient été marquées par une forte mobilisation des salariés pour choisir leurs représentants. Même si l'on tient compte de nombreux problèmes d'organisation –la CGT et FO dénoncent, par exemple, la mauvaise volonté manifestée par certains employeurs pour inscrire leurs salariés sur les listes électorales– le taux de participation (32,7 %) est en régression par rapport au scrutin précédent (34,4) qui, déjà, n’était guère brillant.
L’analyse des résultats fait ressortir une stabilité globale de l’influence des confédérations syndicales, la CGT arrivant en tête avec 32,1 % (-0,9 %), la CFDT suivant avec 25,2 % (- 0,14 %) et FO troisième avec 18, 3 % (-1,7 %).
Derrière, les «petites listes» progressent en revanche de façon significative. La CFTC gagne plus de deux points, à 9,7 % et la CFE-CGC progresse de plus d'un point (7 %).
Viennent derrière les syndicats non confédérés qui effectuent une véritable percée : l’UNSA atteint 5 % (+ 4,3 %) et l’Union syndicale Groupe des Dix passe de 0,3 à 1,5 %.
Au delà du morcellement dont témoigne ce paysage syndical, la question posée est celle de la représentativité des syndicats. Pour le moment, depuis le décret du 31 mars 1966, seule les cinq confédérations (CGT, CFDT, CFTC, FO, CGC) sont bénéficient d’une «présomption de représentativité irréfragable» en vertu, notamment, de «leur attitude patriotique pendant l’Occupation». Les autres syndicats, notamment les syndicats autonomes de branche, doivent faire la démonstration de leur représentativité en la prouvant par leurs résultats électoraux, d’entreprise ou de branche, et, le cas échéant, en donnant la liste de leurs adhérents sur simple requête d’un juge, en cas de contestation de leur représentativité. Seuls, les syndicats représentatifs peuvent se présenter au premier tour des élections professionnels et la signature d’une seule confédération présumée représentative suffit à rendre valide un accord social dans une entreprise ou une branche, même si ce syndicat y est fortement minoritaire, voire non représenté.
Cette présomption de représentativité, souvent contestée par les petits syndicats, a longtemps été défendue bec et ongles par les cinq centrales, non seulement pour des raisons évidentes de monopole de représentation, mais aussi parce qu’elle leur permettait de lutter plus efficacement contre les différentes tentatives de mettre sur pied des syndicats «jaunes» soutenus en sous-main par les patrons, comme la CFT dans les années 60 et 70 chez Simca-Chrysler.
Dans les années 80, alors que grandissait la désaffection des salariés envers les grandes confédérations et que progressaient, d’une part l’abstention aux élections professionnelles, et d’autre part les scores des syndicats professionnels autonomes, le «club des cinq» s’est arc-bouté sur ce privilège et refusait obstinément d’ouvrir la discussion sur sa possible remise en cause.
Un tabou est levé
Mais en mai 2000, la secrétaire générale de la CFDT, Nicole Notat, a fait tomber le tabou en proposant de mettre fin à ce monopole afin de «renforcer la légitimité des syndicats dans un pays marqué par un faible taux de syndicalisation» (inférieur à 10 %, selon les statistique du Bureau international du travail). Elle proposait d’organiser des «élections de représentativité», distinctes des élections prud’homales, seul instrument de mesure national à l’heure actuelle, et que les accords de branche ou d’entreprise ne puissent être valablement signé que par un ou plusieurs syndicats qui, ensemble, représentent une majorité de salariés. La CGT emboîtait le pas, et il est significatif que le premier communiqué de la CGT, au lendemain du scrutin prud’homal, affirme que le résultat «confirme le besoin de nouvelles règles en matière de représentativité et de validation des accords négociés dans les entreprises, les branches et au plan interprofessionnel notamment, par l’instauration du principe de l’accord majoritaire».
La raison de ce revirement progressif des centrales syndicales est qu’elles sont les mieux placées pour mesurer la fragilité de leur représentativité dans le contexte actuel. Et, la rivalité intersyndicale aidant, il n’est souvent pas aisé d’être le seul signataire d’un accord aux résultats modestes, critiqué par les salariés. Les difficiles négociations des 35 heures ont appris, ou réappris, aux syndicats à aller à la rencontre de la base non-syndiquée pour obtenir son appui.
A l’approche des négociations cruciales qui vont s’ouvrir début 2003 sur les retraites, sous l’égide du ministre des Affaires sociales François Fillon, aucune organisation ne veut être celle qui devra, seule, apposer sa signature à des accords qui supposeront nécessairement de difficiles compromis.
L’analyse des résultats fait ressortir une stabilité globale de l’influence des confédérations syndicales, la CGT arrivant en tête avec 32,1 % (-0,9 %), la CFDT suivant avec 25,2 % (- 0,14 %) et FO troisième avec 18, 3 % (-1,7 %).
Derrière, les «petites listes» progressent en revanche de façon significative. La CFTC gagne plus de deux points, à 9,7 % et la CFE-CGC progresse de plus d'un point (7 %).
Viennent derrière les syndicats non confédérés qui effectuent une véritable percée : l’UNSA atteint 5 % (+ 4,3 %) et l’Union syndicale Groupe des Dix passe de 0,3 à 1,5 %.
Au delà du morcellement dont témoigne ce paysage syndical, la question posée est celle de la représentativité des syndicats. Pour le moment, depuis le décret du 31 mars 1966, seule les cinq confédérations (CGT, CFDT, CFTC, FO, CGC) sont bénéficient d’une «présomption de représentativité irréfragable» en vertu, notamment, de «leur attitude patriotique pendant l’Occupation». Les autres syndicats, notamment les syndicats autonomes de branche, doivent faire la démonstration de leur représentativité en la prouvant par leurs résultats électoraux, d’entreprise ou de branche, et, le cas échéant, en donnant la liste de leurs adhérents sur simple requête d’un juge, en cas de contestation de leur représentativité. Seuls, les syndicats représentatifs peuvent se présenter au premier tour des élections professionnels et la signature d’une seule confédération présumée représentative suffit à rendre valide un accord social dans une entreprise ou une branche, même si ce syndicat y est fortement minoritaire, voire non représenté.
Cette présomption de représentativité, souvent contestée par les petits syndicats, a longtemps été défendue bec et ongles par les cinq centrales, non seulement pour des raisons évidentes de monopole de représentation, mais aussi parce qu’elle leur permettait de lutter plus efficacement contre les différentes tentatives de mettre sur pied des syndicats «jaunes» soutenus en sous-main par les patrons, comme la CFT dans les années 60 et 70 chez Simca-Chrysler.
Dans les années 80, alors que grandissait la désaffection des salariés envers les grandes confédérations et que progressaient, d’une part l’abstention aux élections professionnelles, et d’autre part les scores des syndicats professionnels autonomes, le «club des cinq» s’est arc-bouté sur ce privilège et refusait obstinément d’ouvrir la discussion sur sa possible remise en cause.
Un tabou est levé
Mais en mai 2000, la secrétaire générale de la CFDT, Nicole Notat, a fait tomber le tabou en proposant de mettre fin à ce monopole afin de «renforcer la légitimité des syndicats dans un pays marqué par un faible taux de syndicalisation» (inférieur à 10 %, selon les statistique du Bureau international du travail). Elle proposait d’organiser des «élections de représentativité», distinctes des élections prud’homales, seul instrument de mesure national à l’heure actuelle, et que les accords de branche ou d’entreprise ne puissent être valablement signé que par un ou plusieurs syndicats qui, ensemble, représentent une majorité de salariés. La CGT emboîtait le pas, et il est significatif que le premier communiqué de la CGT, au lendemain du scrutin prud’homal, affirme que le résultat «confirme le besoin de nouvelles règles en matière de représentativité et de validation des accords négociés dans les entreprises, les branches et au plan interprofessionnel notamment, par l’instauration du principe de l’accord majoritaire».
La raison de ce revirement progressif des centrales syndicales est qu’elles sont les mieux placées pour mesurer la fragilité de leur représentativité dans le contexte actuel. Et, la rivalité intersyndicale aidant, il n’est souvent pas aisé d’être le seul signataire d’un accord aux résultats modestes, critiqué par les salariés. Les difficiles négociations des 35 heures ont appris, ou réappris, aux syndicats à aller à la rencontre de la base non-syndiquée pour obtenir son appui.
A l’approche des négociations cruciales qui vont s’ouvrir début 2003 sur les retraites, sous l’égide du ministre des Affaires sociales François Fillon, aucune organisation ne veut être celle qui devra, seule, apposer sa signature à des accords qui supposeront nécessairement de difficiles compromis.
par Olivier Da Lage
Article publié le 12/12/2002