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Etats-Unis

Les nouveaux visages du World Trade Center

Après avoir unanimement rejeté six plans proposés cet été pour remplacer le World Trade Center, les New-yorkais devront se prononcer sur les travaux de sept équipes qui proposent des projets plus modernes, plus ambitieux, qui ont en commun de vouloir restaurer la ligne d'horizon de Manhattan.
De notre correspondant à New York

Les neuf projets présentés cette semaine pour remplacer le World Trade Center ont surpris et séduit les New-yorkais. Instantanément, ils ont relégué aux oubliettes les premiers plans dévoilés cet été par la Lower Manhattan Development Corporation (LMDC), l'agence chargée de superviser la reconstruction du site des tours jumelles. Les six plans présentés à l'époque offraient une vision terne et banale, avec des immeubles de taille moyenne, essentiellement dédiés à des espaces de bureaux. Les New-yorkais avaient été consternés par ces projets dont aucun ne rendait au site sa portée symbolique et historique. Face à la révolte populaire, la ville a dû assouplir ses exigences en matières d'espaces commerciaux. Sept nouvelles équipes, comprenant les plus grands noms de la profession, ont été sélectionnées parmi 407 candidatures. Leurs travaux sont surprenants, modernes et novateurs.

Quatre d'entre eux proposent la construction d'édifices qui, s’ils étaient réalisés, deviendraient les plus hauts du monde. Au cours de plusieurs consultations, le public avait massivement fait savoir qu'il voulait rendre sa dignité au ciel de Manhattan, dans lequel les tours jumelles faisaient office de signature. Pour beaucoup d'Américains, il s'agit aussi de prouver que les terroristes n'ont pas gagné. Ces plans «reflètent vraiment ce que nous voulons montrer au monde», a assuré le gouverneur de New York George Pataki. Plusieurs questions sont inlassablement posées depuis les attentats du 11 septembre. Faut-il reconstruire aussi haut ? Les mouvements terroristes chercheraient-ils à abattre un nouveau symbole ? Qui voudrait travailler dans les nouveaux gratte-ciels ?

Les empruntes au sol des tours disparues seront préservées

Une exigence chère aux familles des victimes qui n'ont jamais retrouvé les corps de leur proche a également été respectée : les empreintes au sol des tours disparues seront préservées. La place faite aux commerces et aux bureaux a été réduite, conformément aussi aux vœux du public qui ne voulait pas que le World Trade Center redevienne un lieu dédié à l'argent. Chacun des projets prévoit par ailleurs une plateforme de transports urbains, un hôtel, un centre commercial, et un espace destiné à accueillir un mémorial (qui sera choisi plus tard, au terme d'un concours) pour les 2795 victimes qui ont péri dans les tours.

L'un des projets les plus remarqués est celui de l'architecte Daniel Libeskind, connu pour avoir réalisé le Musée Juif de Berlin. Il propose un «jardin vertical» enserré dans une flèche de verre et de métal s'élevant à 541 mètres de hauteur –un record mondial– et s'appuyant sur un immeuble voisin. «Un gratte-ciel s'élève au-dessus de ses prédécesseurs, réaffirmant la prééminence de la liberté et de la beauté, restaurant la hauteur spirituelle de la ville et créant une icône qui parle de notre vitalité face au danger et de notre optimisme au lendemain de la tragédie -la victoire de la vie» a commenté Daniel Libeskind en présentant ses plans. Un musée donnant sur un mémorial occuperait le centre du site, dans la fosse ouverte par l'effondrement des tours. Il prévoit aussi pour les promeneurs un «parc des héros» et un «coin de lumière» dans lequel les rayons du soleil s'engouffreraient chaque 11 septembre, entre 8h46, l'heure à laquelle le premier avion s'est abattu sur le World Trade Center; et 10h28, quand la deuxième tour s'est effondrée.

Flirtant avec les plus hauts sommets, le consortium international THINK propose deux structures géantes faites d'un entrelacs d'acier, un peu comme la tour Eiffel, mais reproduisant la silhouette des tours disparues. Ces nouvelles «tours de culture» abriteraient, comme en suspension, un amphithéâtre, un musée et un centre de conférence. Les deux tours émergeraient d'une fosse bordée de miroirs réfléchissant la lumière naturelle sur une plateforme de transports entre les deux structures. L'auteur du projet, Rafaël Vinoly, suggère que «la propriété du lieu ne relève pas simplement du domaine privé, mais pourrait réellement devenir habitée par les composants publics du projet».

Richard Meier, un autre poids lourd du concours, a élaboré un projet baptisé «Memorial Square», combinant plusieurs bâtiments d'environ 300 mètres de haut, reliés entre eux sur quatre niveaux, tels deux grillages géants disposés en angle droit. Sept espaces consacrés à la mémoire des victimes occupent la base des édifices, au sommet desquels se trouvent deux chapelles : une pour le public, une pour les familles des victimes. Un autre mémorial flotterait non loin de là, sur l'Hudson River. «Memorial Square aura une vie, une activité et un espace intérieur différents de tout ce qui existe à New York», a expliqué Richard Meier. «C'est un lieu de mémoire, mais il affirme aussi notre conviction que la lumière et la vie peuvent surgir d'une catastrophe», a-t-il ajouté.

United Architects, un groupe de jeunes architectes du monde entier, suggère un complexe futuriste de cinq immeubles se rejoignant vers le sommet pour former une «ville dans le ciel». L'idée d'une cité verticale est également développé par l'équipe SOM/SANAA qui offre un projet évolutif de neufs tours reliées entre elles dans les airs, et prévoyant, au milieux d'espaces privés, à divers étages, des jardins, des bibliothèques ou des musées. La firme londonienne Foster and Partners a pour sa part imaginé deux tours jumelles géantes enchevêtrées en une seule, à la manière de cristaux.
Le public a maintenant jusqu'à la fin du mois de janvier pour partager ses réflexions avec la Lower Manhattan Development Corporation et l'Autorité portuaire propriétaire du terrain qui rendront leur décision finale à cette date. Il semble toutefois qu'au lieu de choisir un des neufs projets, elles retiendront divers éléments issus de plusieurs des maquettes. Cette démarche fait craindre à certains que les éléments les plus innovants d'un point de vue architectural soient supprimés au profit de considérations économiques.

Retrouver ces images sur le site renewnyc.org



par Philippe  Bolopion

Article publié le 22/12/2002