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Cuba

Le prix Sakharov décerné au dissident cubain Oswaldo Payá

Oswaldo Payá président du Mouvement chrétien de libération, parti d’opposition illégal, reçoit ce mardi le prix Sakharov, décerné par l’Union européenne aux défenseurs des droits de l’homme.
De notre correspondante à La Havane

Plus personne n’y croyait! Ce n’est que 24 heures à peine avant le décollage de son avion qu’Oswaldo Payá a finalement reçu le permis de sortie du territoire. À 50 ans, et malgré de nombreuses invitations, c’est la première fois que le président du Mouvement chrétien de libération, est autorisé à quitter Cuba pour se rendre à une réunion internationale. La médiation d’une délégation de parlementaires européens, venus la semaine dernière à La Havane a certainement aidé à ce qu’Oswaldo Payá puisse être aujourd’hui présent à Strasbourg pour recevoir le prix Sakharov.

Issu d’une famille catholique, communauté longtemps persécuté par la révolution castriste, Oswaldo Payá a assumé très jeune ses idées contestataires. Il n’avait que 16 ans lorsqu’il organisa un débat au sein de son lycée pour protester contre l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’armée soviétique en 1968. Son engagement lui vaudra trois ans de camp de rééducation. C’est dans ces fameux camps que les autorités cubaines emprisonnèrent pendant des années les opposants au régime mais aussi les rockeurs, homosexuels, ou tout individu considéré comme non conforme à la morale révolutionnaire. Mais trois ans de travaux forcés ne l’auront pas découragé, bien au contraire.

Quelques années plus tard il fondera le Mouvement chrétien de libération, parti politique contraint à l’illégalité. Surveillé 24 heures sur 24 par la sécurité d’État, il sera plusieurs fois victime d’acte de répudiation. Ce type de répression, orchestré par la police politique, consiste à envoyer un groupe de voisins et membres du Parti pour insulter, jeter des œufs et parfois même frapper le dissident. Il y a à peine une semaine, la maison d’Oswaldo Payá a été recouverte de graffitis insultants, sous le regard impassible d’un agent de la sécurité d’État, posté en permanence devant sa résidence.

La Constitution au service de l’opposition

En 1998 le Mouvement chrétien de libération rend public le projet Varéla, campagne destinée à recueillir 10 000 signatures afin de réclamer un référendum sur l’avenir politique du pays. C’est dans la propre constitution cubaine qu’Oswaldo Payá a trouvé la faille du régime totalitaire. La loi cubaine prévoit en effet la possibilité d’un changement constitutionnel à condition qu’une pétition soit soutenue par au moins 10 000 citoyens. Le référendum proposé par le projet Varéla porterait sur cinq points : liberté d’expression et d’association, amnistie pour les prisonniers politiques n’ayant pas participé à des actions violentes, autorisation pour les Cubains de former leur propre entreprise et surtout l’organisation d’élections libres.

Il aura fallu quatre ans pour rassembler autant de signatures, dans un pays où la peur et l’endoctrinement quotidien rendent difficile la contestation politique. Mais Oswaldo Payá a finalement réussi. En mai dernier, 11 020 signatures ont été déposées devant l’Assemblée nationale populaire. Même si aujourd’hui rien n’a changé sur l’île, Oswaldo Payá, suivi de la majorité de la dissidence cubaine, continue à rassembler des signatures dans l’espoir d’une transition démocratique pacifique.



par Karen  DONADEL

Article publié le 17/12/2002