Monténégro
Un scrutin pour rien
Filip Vujanovic, le dauphin de Milo Djukanovic n’a pas réussi à s’imposer. Le taux de participation aux élections présidentielles de dimanche n’a été que de 46%, nettement en dessous de la barre des 50% des électeurs inscrits, indispensable pour valider le scrutin.
De notre correspondant dans les Balkans
Les élections balkaniques de ce long automne se suivent et se ressemblent. Après deux scrutins annulés en Serbie, le 13 octobre et le 8 décembre, le Monténégro, à son tour, n’a pas pu désigner son président. Filip Vujanovic, ancien Premier ministre, président du Parlement depuis les élections législatives d’octobre dernier, n’a pas réussi à prendre la succession de son mentor, Milo Djukanovic.
Les indépendantistes radicaux de l’Alliance libérale (LSCG) et les partis d’opposition pro-yougoslaves peuvent se féliciter du succès de leurs appels au boycott, mais la population a surtout exprimé sa lassitude face aux scrutins à répétition et à une classe politique qui se partage les postes dans un étroit cercle d’amis et d’associés, et ne cherche qu’à pérenniser son propre pouvoir.
Après leur large victoire d’octobre dernier, Milo Djukanovic et ses partisans ont sûrement gâché l’occasion de renouveler de la classe politique. Au lieu de l’équipe d’ouverture que beaucoup attendaient, le gouvernement proposé par Milo Djukanovic ne contient que les têtes trop connues qui règnent sur le Monténégro depuis une décennie. «Tous les membres de ce gouvernement sont parents, cousins, ou alliés», tonne ainsi un sympathisant de l’Alliance libérale.
«Le pays ne sort pas d’une culture de guerre civile larvée»
Officiellement, explique-t-on dans l’entourage de Milo Djukanovic, les experts indépendants sollicités auraient décliné l’offre d’entrer dans ce gouvernement. L’échec des élections pourrait cependant retarder la formation de ce gouvernement, car le petit Parti social-démocrate est de plus en plus critique à l’égard de son partenaire de coalition, le Parti démocratique des socialistes (DPS) de Milo Djukanovic.
Filip Vujanovic a essayé, mais sans succès, d’élargir sa base électorale aux secteurs les plus attachés à la Yougoslavie et au lien avec la Serbie. Deux jours avant les élections, il s’est ainsi rendu auprès du métropolite orthodoxe serbe du Monténégro, Mgr Amfilojihe, connu pour son virulent engagement nationaliste serbe.
Les secteurs les plus indépendantistes de l’opinion ne lui ont pas pardonné un tel geste, et ne comprennent pas l’engagement de Milo Djukanovic et de ses partisans en faveur de la nouvelle Union de Serbie et du Monténégro, censée remplacer la Fédération yougoslave.
L’échec des élections pose également de sérieuses questions sur la véritable nature de la démocratisation de la société. «Personne n’a encore intégré le concept d’alternance», explique un expert du Centre de monitoring des élections (CEMI) de Podgorica. «Les oppositions anticipent leur défaite en appelant au boycott, pour essayer d’ôter toute légitimité au scrutin. Du coup, ce sont les cassures de la société qui se trouvent renforcées. Au Monténégro, il est clair que le camp souverainiste est majoritaire et qu’il doit gouverner le pays. Cependant, ce camp souverainiste ne peut pas gouverner contre l’autre moitié du pays, qui demeure attachée au lien traditionnel avec la Serbie. Il faudrait que toutes les composantes de la scène politique acceptent véritablement les règles du jeu, ce qui veut dire que l’opposition et la majorité doivent s’accepter et se respecter. On est encore loin du compte. Avec les appels répétés au boycott, le pays ne sort pas d’une culture de guerre civile larvée, et les réformes restent au point mort».
D’après Filip Vujanovic, qui a reconnu dès la soirée de dimanche l’échec des élections, un nouveau scrutin pourrait être organisé dès le 12 janvier. En attendant, la crise institutionnelle continuera effectivement de bloquer les indispensables réformes économiques et politiques. «L’économie est en ruines, le pays ne produit rien, la moitié de la population est au chômage, mais au moins, avec des élections tous les mois, nous pouvons gagner un peu d’argent», concluent en riant des jeunes gens de Cetinje. Comme observateurs du CEMI, ils touchent 30 euros par journée électorale. Mais dimanche, aucun d’entre eux n’a voté.
Les élections balkaniques de ce long automne se suivent et se ressemblent. Après deux scrutins annulés en Serbie, le 13 octobre et le 8 décembre, le Monténégro, à son tour, n’a pas pu désigner son président. Filip Vujanovic, ancien Premier ministre, président du Parlement depuis les élections législatives d’octobre dernier, n’a pas réussi à prendre la succession de son mentor, Milo Djukanovic.
Les indépendantistes radicaux de l’Alliance libérale (LSCG) et les partis d’opposition pro-yougoslaves peuvent se féliciter du succès de leurs appels au boycott, mais la population a surtout exprimé sa lassitude face aux scrutins à répétition et à une classe politique qui se partage les postes dans un étroit cercle d’amis et d’associés, et ne cherche qu’à pérenniser son propre pouvoir.
Après leur large victoire d’octobre dernier, Milo Djukanovic et ses partisans ont sûrement gâché l’occasion de renouveler de la classe politique. Au lieu de l’équipe d’ouverture que beaucoup attendaient, le gouvernement proposé par Milo Djukanovic ne contient que les têtes trop connues qui règnent sur le Monténégro depuis une décennie. «Tous les membres de ce gouvernement sont parents, cousins, ou alliés», tonne ainsi un sympathisant de l’Alliance libérale.
«Le pays ne sort pas d’une culture de guerre civile larvée»
Officiellement, explique-t-on dans l’entourage de Milo Djukanovic, les experts indépendants sollicités auraient décliné l’offre d’entrer dans ce gouvernement. L’échec des élections pourrait cependant retarder la formation de ce gouvernement, car le petit Parti social-démocrate est de plus en plus critique à l’égard de son partenaire de coalition, le Parti démocratique des socialistes (DPS) de Milo Djukanovic.
Filip Vujanovic a essayé, mais sans succès, d’élargir sa base électorale aux secteurs les plus attachés à la Yougoslavie et au lien avec la Serbie. Deux jours avant les élections, il s’est ainsi rendu auprès du métropolite orthodoxe serbe du Monténégro, Mgr Amfilojihe, connu pour son virulent engagement nationaliste serbe.
Les secteurs les plus indépendantistes de l’opinion ne lui ont pas pardonné un tel geste, et ne comprennent pas l’engagement de Milo Djukanovic et de ses partisans en faveur de la nouvelle Union de Serbie et du Monténégro, censée remplacer la Fédération yougoslave.
L’échec des élections pose également de sérieuses questions sur la véritable nature de la démocratisation de la société. «Personne n’a encore intégré le concept d’alternance», explique un expert du Centre de monitoring des élections (CEMI) de Podgorica. «Les oppositions anticipent leur défaite en appelant au boycott, pour essayer d’ôter toute légitimité au scrutin. Du coup, ce sont les cassures de la société qui se trouvent renforcées. Au Monténégro, il est clair que le camp souverainiste est majoritaire et qu’il doit gouverner le pays. Cependant, ce camp souverainiste ne peut pas gouverner contre l’autre moitié du pays, qui demeure attachée au lien traditionnel avec la Serbie. Il faudrait que toutes les composantes de la scène politique acceptent véritablement les règles du jeu, ce qui veut dire que l’opposition et la majorité doivent s’accepter et se respecter. On est encore loin du compte. Avec les appels répétés au boycott, le pays ne sort pas d’une culture de guerre civile larvée, et les réformes restent au point mort».
D’après Filip Vujanovic, qui a reconnu dès la soirée de dimanche l’échec des élections, un nouveau scrutin pourrait être organisé dès le 12 janvier. En attendant, la crise institutionnelle continuera effectivement de bloquer les indispensables réformes économiques et politiques. «L’économie est en ruines, le pays ne produit rien, la moitié de la population est au chômage, mais au moins, avec des élections tous les mois, nous pouvons gagner un peu d’argent», concluent en riant des jeunes gens de Cetinje. Comme observateurs du CEMI, ils touchent 30 euros par journée électorale. Mais dimanche, aucun d’entre eux n’a voté.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 23/12/2002