Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Côte d''Ivoire

Objectif Paix

Le ministre français des Affaires étrangères a poursuivi auprès des rebelles, samedi à Bouaké, sa mission de négociations. Dominique de Villepin veut ramener les protagonistes de la crise autour du tapis vert, à Paris à la mi-janvier. L’accord issu de ces négociations obtiendrait la garantie des chefs d’Etat de la région et de l’ONU. Les premiers résultats obtenus, tant à Abidjan qu’à Bouaké, semblent prometteurs.




Jean Hélène fait le bilan de la mission de Dominique de Villepin en Côte d'Ivoire. Il répond aux questions de Frédéric Masson (5 janvier 2003, 6’10’’).
Bilan encourageant à l’issue de cette deuxième journée de travail pour le chef de la diplomatie française, engagé dans de difficiles négociations pour amener les belligérants à respecter le cessez-le-feu et les inciter à venir à Paris pour vider la querelle autour du tapis vert. Après Abidjan, Dominique de Villepin est arrivé en fin de matinée à Bouaké, le fief des rebelles du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI). Le ministre français devait accomplir dans la ville du Nord une mission difficile en raison du doute qui plane ici sur toute déclaration en provenance d’Abidjan et du soupçon qui pèse sur la neutralité des soldats français chargés de surveiller une trêve de plus en plus fragile et une ligne de démarcation à géométrie variable entre positions rebelles et gouvernementales.

Après deux heures de discussions, les deux délégations ont fait une brève apparition pour tenir une rapide conférence de presse. Si tous les malentendus ne sont pas entièrement dissipés, en tout cas le ministre français et le secrétaire général du mouvement rebelle sont apparemment tombés d’accord sur l’essentiel: le cessez-le-feu est toujours en vigueur et le MPCI accepte l’invitation à participer à des négociations, à Paris à la mi-janvier.

Dominique de Villepin a salué cet engagement et confirmé qu’un sommet de chefs d’Etat de la région, peut-être avec la participation du secrétaire générale de l’ONU, était aussi envisagé le 26 janvier dans la capitale française. Puis les deux délégations sont retournées discuter. Cet accord de principe, en effet, ne peut à lui seul combler le déficit de confiance que les rebelles entretiennent désormais à l’égard de la mission des soldats français dont ils réclamaient encore le départ au moment de l’arrivée à Bouaké du chef de la diplomatie française. Le secrétaire général du MPCI a annoncé que des discussions s’ouvriraient dans les prochains jours avec le chef d’état-major des forces françaises de l’opération Licorne «pour établir des mesures de confiance». Selon Dominique de Villepin, le MPCI s’est aussi engagé à inciter les deux autres mouvements rebelles (actifs dans l’Ouest du pays) à cesser les combats.

Les engagements de Gbagbo

Arrivé vendredi en début d’après-midi dans la capitale économique ivoirienne, Dominique de Villepin avait d’ores et déjà enregistré, en dépit d’une réception mouvementée, un accueil favorable pour ses propositions, tant de la part des autorités ivoiriennes que de la classe politique. Pourtant tout avait plutôt mal commencé après le premier entretien avec le président Laurent Gbagbo. A l’issue de la rencontre, en effet, le ministre français avait été pris à partie par des manifestants proches du pouvoir et hostiles à l’attitude de Paris dans le conflit. Un chahut orchestré, selon les témoins de la scène, par les éléments les plus radicaux du pouvoir ivoirien et que le président en personne fit cesser promptement, rendant ainsi à Dominique de Villepin sa disponibilité à poursuivre sa mission.

Prenant acte des menaces que font peser sur le processus de négociations les initiatives militaires intempestives, le président ivoirien a pris deux engagements importants, à l’issue de cette première journée de travail: d’une part il a annoncé un «cessez-le-feu total sur tous les fronts», d’autre part il a pris l’engagement de renvoyer, dés ce 4 janvier, tous les mercenaires qui combattent aux côtés de l’armée régulière et de ne plus faire voler les hélicoptères de combats récemment acquis, qui sont à l’origine du raid meurtrier sur Menakro, le 31 décembre.

Dominique de Villepin avait également convaincu ses interlocuteurs, et notamment les membres des différentes composantes de la classe politique ivoirienne, de la nécessité de se retrouver à la mi-janvier, mais à Paris cette fois. Une rencontre destinée à arrêter, une bonne fois pour toutes, les modalités d’un règlement de la crise. «Il faut que cette réunion soit suivie d’une réunion de tous les chefs d’Etat de la région, les chefs d’Etat africains concernés, sous l’égide des Nations unies», a expliqué le ministre, précisant qu’il inviterait les mouvements rebelles à «participer pleinement aux rencontres politiques». Le Front populaire ivoirien (FPI), parti du président, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), de l’ancien président Henri Konan Bédié, et le Rassemblement des républicains (RDR), du leader «nordiste» en exil Alassane Dramane Ouattara, ont donné leur accord.

Dominique de Villepin était attendu dans la soirée à Abidjan. Il devrait regagner Paris dimanche après trois jours en immersion dans le conflit ivoirien. En termes d’engagements pris, les résultats au soir du deuxième jour, sont loin d’être négligeables: réaffirmation du cessez-le-feu, départ des mercenaires, calendrier de négociations. Reste que la Côte d’Ivoire apparaît aujourd’hui comme un pays extrêmement fragile où personne ne peut garantir qu’une nouvelle provocation militaire n’anéantira pas le travail entamé.



par Georges  Abou

Article publié le 04/01/2003