Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Irak

Les inspecteurs attendent «les preuves» de Washington

Les experts en désarmement des Nations unies, qui doivent présenter ce jeudi devant le Conseil de sécurité une «évaluation intérimaire» de la déclaration de Bagdad sur ses programmes d’armes de destruction massive, ont réclamé une plus grande coopération de la part des Etats-Unis qui affirment détenir des preuves de la duplicité de l’Irak. L’Egyptien Mohamed el-Baradeï qui dirige l’Agence internationale pour l’énergie atomique, estime en effet que les inspecteurs ont besoin d’encore quelques mois pour conclure leur enquête en Irak. Washington, qui semble sourd aux préoccupations des experts sur place, continue de masser des hommes dans la région et intensifie ses préparatifs en vue d’une guerre contre le régime de Bagdad.
Dès le mois de décembre et au lendemain de la remise par Bagdad de sa déclaration sur ses programmes d’armes de destruction massive, Hans Blix dénonçait le manque de coopération de Washington et Londres qui n’avaient pourtant eu de cesse d’accuser l’Irak de violation patente de la résolution 1441 de l’ONU. Le chef de la Cocovinu, l’agence onusienne chargée du contrôle des armes chimiques, biologiques et des missiles, invitait alors les deux alliés à apporter les preuves de leurs accusations. Aujourd’hui c’est au tour de son collègue de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), l’Egyptien Mohamed el-Baradeï, de monter au créneau. Les Américains «partagent avec nous des informations mais je crois que nous avons besoin de davantage de précisions», a-t-il ainsi déclaré en soulignant que Washington n’avait pour l’instant fourni que des données à «caractère général» alors que les inspecteurs ont besoin d’informations «plus spécifiques pour pouvoir agir». Invoquant la protection de leurs sources, les Etats-Unis se sont en effet toujours montré très réticents à fournir aux experts les informations détenues par leurs services de renseignement pour identifier les programmes d’armement irakiens qu’ils estiment suspects.

Annonçant déjà la tonalité que devrait prendre «l’estimation préliminaire» que doivent présenter jeudi les experts devant le Conseil de sécurité, Mohamed el-Baradeï a pour la première fois déclaré, que depuis le début de leurs recherches il y a sept semaines, les inspecteurs n’avaient pas le moindre indice montrant que le régime de Bagdad avait tenté de relancer son programme nucléaire. «Il est encore trop tôt pour livrer des conclusions», a-t-il notamment déclaré. «Je peux dire que nous faisons des progrès et que nous n’avons pour l’instant pas encore vu de preuves que les Irakiens ont lancé leur programme nucléaire clandestin», a-t-il également précisé. Les experts de l’AIEA ont ainsi pu constater notamment que les différents complexes, qui avaient permis dans le passé aux scientifiques irakiens de produire de l’uranium enrichi et qui avait été placés sous scellés par l’ancienne mission onusienne, n’avaient pas été rouverts. Et à en croire certaines sources à l’ONU, ces experts auraient déjà visité les sites évoqués par Washington et Londres sans toutefois trouver le moindre indice prouvant la relance d’un quelconque programme d’armement. C’est dans ce contexte que Mohamed el-Baradeï a estimé que les inspecteurs avaient encore besoin de quelque mois pour conclure leur enquête en Irak.

Bagdad poursuit sa coopération avec l’ONU

La France, qui préside actuellement le Conseil de sécurité de l’ONU, a d’autre part souhaité que «tous les moyens» et que «toutes les informations» soient fournies aux inspecteurs de l’ONU. Dans une lettre envoyée mercredi aux autres membres du Conseil, le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, a en effet estimé que Hans Blix et Mohamed el-Baradeï doivent avoir «tous les moyens pour que leur travail soit pleinement efficace». Il a également insisté sur la nécessité pour l’Irak de faire preuve d’une «coopération active pour dissiper toutes les zones d’ombre».

Malgré l’offensive verbale de Saddam Hussein et de son très proche collaborateur, le vice-Premier ministre Tarek Aziz, accusant les inspecteurs de l’ONU d’espionnage au profit des Etats-Unis, les autorités irakiennes poursuivent sur le terrain leur coopération avec les experts. Le porte-parole de la mission onusienne, Hiro Ueki, a ainsi affirmé qu’aucun changement dans l’attitude des Irakiens n’avait été perçu. Il a également indiqué que les Nations unies n’avaient pour l’instant reçu aucune protestation formelle de la part de Bagdad sur leurs activités. «Tout ce que je peux dire, a-t-il tenu a précisé, c’est que nos inspecteurs ne sont pas des espions, ce sont des employés des Nations unies et à ce titre ils travaillent en tant que fonctionnaires internationaux et non pas pour leur gouvernement». Il a en outre rappelé les assurances données à ce sujet par Hans Blix qui avait affirmé à maintes reprises que «quiconque sera trouvé en train de travailler pour son gouvernement sera exclu de la mission».

Cette bonne coopération des autorités de Bagdad devrait figurer en bonne place dans «l’estimation préliminaire» que doivent présenter jeudi Hans Blix et Mohamed el-Baradeï devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Elle ne constitue toutefois pas une raison suffisante pour empêcher Washington et Londres d’intensifier leurs préparatifs militaires et leur mobilisation dans la région. Les deux alliés ont beau affirmé que «la guerre n’est pas inévitable», ils se préparent activement à renverser le régime de Saddam Hussein. Et le chef d’état-major interarmées américain, Richard Myers, peut toujours justifier que l’envoi dans le Golfe des troupes américaines n’est destiné qu’«à fournir autant de souplesse que possible au président Bush» pour sa prise de décision, personne n’est dupe sur l’imminence d’une offensive militaire.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 08/01/2003