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Social

Un dossier à haut risque pour le gouvernement

Le gouvernement Raffarin ouvre un dossier particulièrement épineux, celui des retraites. Assurer, pour l'avenir, leur financement devient de plus en plus difficile, en raison de l'augmentation du nombre des retraités par rapport aux actifs. Les solutions ne sont pas légion et, en tout état de cause, elles seront douloureuses pour tous.
La question du financement des retraites des anciens salariés se pose dans tous les pays industrialisés. Mais, en France, elle prend un caractère politiquement brûlant. En 1995, le Premier ministre d’alors, Alain Juppé, avait tenté la réforme de la retraite du secteur public. Son audace avait entraîné une grève paralysant le pays pendant plusieurs semaines. Depuis, ce problème avait été prudemment enterré.

Mais la réalité finit toujours par s’imposer et, face aux projections dramatiques à l’horizon 2020, si aucune réforme n’est entreprise, Jacques Chirac a lancé le signal de l’ouverture des discussions avec les partenaires politiques et sociaux, dans son allocution du 31 décembre.

Le constat est simple : le vieillissement de la population française, déjà amorcé depuis plusieurs années, va connaître une aggravation avec l’arrivée à 60 ans des générations nombreuses de l’après deuxième guerre mondiale. Actuellement, le régime de retraite dit «par répartition» implique que les revenus de remplacement des retraités soient financés par les actifs. Or, le rapport entre les personnes de plus de 60 ans, âge théorique de la retraite, et celles de 20 à 59 ans, période d’activité professionnelle, aujourd’hui de trois pour un pourrait passer, selon un document de travail de l’Insee (Institut national de la statistique), à deux pour un en 2020 et 1,3 pour un en 2050.

Charge intolérable pour les actifs, d’autant plus que l’espérance de vie après 60 ans ne cesse d’augmenter et que, sous l’effet de l’amélioration des qualifications, la proportion de personnes touchant de fortes retraites va progresser. A cela s’ajoutent les femmes qui effectuent de plus en plus fréquemment des carrières professionnelles complètes.

Un emploi après 60 ans

Dès lors, comment garantir la solidité des régimes de retraites et le versement de montants satisfaisants ? La solution adoptée ailleurs des fonds de pension, ou retraite par capitalisation, a été jugée peu sociale et, qui plus est, dangereuse en période d’instabilité des marchés financiers. Pour l’heure, le système de retraite des salariés du privé permet, à partir de 60 ans, de bénéficier d’une retraite à taux plein, c’est-à-dire au maximum 50% du salaire d’activité, mais à condition d’avoir cotisé pendant 40 ans. Les salariés du public ne cotisent que 37,5 ans.

Déjà, des mesures ont été adoptées par le passé pour tenter de redresser l’équilibre des régimes de retraites. Depuis 10 ans leur montant n’est plus indexé sur l’augmentation des salaires des actifs mais sur la hausse des prix, moins favorable. De plus, depuis 1993, le nombre des années de cotisation a été rallongé de 37,5 ans à 40 ans et le salaire de référence qui sert au calcul du montant de la retraite prend désormais en compte 25 ans au lieu de 10, ce qui est, là encore, moins favorable au retraité.

La modification des règles de calcul des retraites est également la solution retenue par l’Allemagne ou le Royaume-Uni. En Espagne, on a allongé la durée de cotisation. Mais aux Etats-Unis et au Japon c’est l’âge de la retraite qui a été repoussé. Le gouvernement Raffarin s’est fixé pour objectifs de maintenir un haut niveau de retraite, d’en rester à un droit à la retraite à 60 ans. Mais avec une durée de cotisation de 40 ans et le prolongement de la durée des études ce droit devient à peu près inaccessible. C’est pourquoi il est envisagé de prendre en compte les années d’étude et d’apprentissage ou de recherche d’emploi. Les personnes qui exercent des travaux particulièrement pénibles ou dangereux pourraient partir plus tôt à la retraite.

En 2001, le Conseil d’orientation des retraites proposait, dans un rapport, d’augmenter les cotisations de retraite acquittées par les actifs et de reculer l’âge de départ à la retraite. Le patronat français, à l’instar de l’Union européenne qui préconise 63 ans en 2010, y est d’ores et déjà favorable. Mais l’opinion publique considère majoritairement ce droit comme un progrès social et semble peu disposée à y renoncer.

Surtout que conserver un emploi jusqu’à l’âge de la retraite est déjà difficile. En raison d’un chômage important, le recours aux pré-retraites a sensiblement réduit le nombre d’actifs de plus de 55 ans. Quant à ceux qui, faute d’avoir cotisé 40 ans ou par choix travaillent après 60 ans ils étaient 70% en 1970, 17% en 1983 et 17% depuis le milieu des années 90. Dans ce cas, reculer l’âge du droit à la retraite sans convaincre les employeurs de leur conserver un emploi après 55 ans relèverait du voeu pieux.



par Francine  Quentin

Article publié le 07/01/2003