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Irak

Blix rappelle à l’ordre Bagdad

Au Conseil de sécurité, le chef des inspecteurs de l'ONU Hans Blix, et le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique Mohamed El Baradei ont répété qu'ils étaient mécontents de la déclaration des armements irakiens, jugée incomplète. Ils admettent toutefois n'avoir trouvé aucune trace d'armes de destruction massive en Irak.
De notre correspondant à New York (Nations unies)

L'Irak vient d'essuyer un rappel à l'ordre, mais pas encore une condamnation. Convoqué par le Conseil de sécurité des Nations unies, le chef des inspecteurs de l'ONU, Hans Blix, a indiqué sans détours que la déclarations des armements irakiens fournie par l'Irak le mois dernier était incomplète. Le document de 12 000 pages est selon lui «riche en volume, mais pauvre en informations nouvelles sur les questions d'armement». «La déclaration ne répond pas aux questions qui se posent depuis des années. Il est nécessaire que l'Irak adopte une attitude beaucoup plus active, car la patience du Conseil de sécurité n'est pas infinie», a prévenu Hans Blix sur RFI. Selon lui, l'Irak ne peut se contenter de nier avoir des armes de destruction massive. «L'Irak devra présenter des preuves solides» a-t-il affirmé, estimant que si le régime de Saddam Hussein détient encore des équipements prohibés, «l'Irak devrait les présenter puis les éliminer en notre présence. Il est encore temps».

Le chef des inspecteurs réclame notamment des informations sur ce que sont devenus les restes des obus chimiques utilisés contre l'Iran entre 1980 et 1988 et les stocks de produits chimiques et biologiques, et notamment d'anthrax, que l'Irak possédait avant le départ des inspecteurs en 1998. Autre motif de mécontentement : une liste des scientifiques irakiens ayant travaillé sur des programmes d'armement, réclamée par Hans Blix pour pouvoir interroger ces personnes, éventuellement à l'étranger si cela est nécessaire pour les protéger des représailles du régime. Les autorités irakiennes lui ont remis une liste de 117 personnes dans le secteur chimique, 120 dans le secteur biologique, et 156 spécialistes des missiles. Selon Hans Blix, cette liste est «inadéquate». «Elle ne comprend même pas un certain nombre de noms que nous avons dans les archives de l'Unscom (la précédente mission d'inspection, ndlr) et qui devraient y figurer». Le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Mohamed El Baradei, a également reproché à l'Irak son manque de coopération. «Nous n'avons pas pu procéder à des interviews en privé en Irak, et cela ne témoigne pas de la coopération active que nous recherchons», a-t-il dit.

Le scepticisme de la Maison Blanche

Hans Blix a toutefois répété qu'à l'heure actuelle, après deux mois de travail sur le terrain, son équipe d'inspecteurs n'avait trouvé aucun élément permettant de penser que l'Irak possède toujours des armes de destruction massive. «L'Irak nous a laissés entrer partout où nous avons voulu aller. C'est bien. Nous avons peu à peu étendu les inspections dans tout le pays que nous couvrons de mieux en mieux.» Mais pour les inspecteurs, cela est loin d'être suffisant. «L'absence de preuve flagrante et l'accès rapide dont nous avons pour l'instant bénéficié n'est pas une garantie que des stocks ou des activités interdites ne pourraient pas exister sur d'autres sites, que ce soit au niveau du sol, en sous-sol ou dans des unités mobiles», a prévenu Hans Blix.

A mots plus ou moins couverts, plusieurs pays ont demandé à Washington de fournir davantage de renseignements aux inspecteurs. Depuis le début, les Etats-Unis laissent entendre qu'ils détiennent des preuves accablantes contre l'Irak, tout en refusant de les montrer. Plusieurs pays du Conseil de sécurité, et notamment la France, craignent que ces preuves émergent un jour par surprise, pour discréditer le travail des inspecteurs et justifier une guerre immédiate. La résolution 1441 prévoit pourtant que toute preuve contre l'Irak doit être communiquée aux inspecteurs, pour vérification sur le terrain. Mercredi, Colin Powell a affirmé qu'il avait commencé à communiquer une partie seulement des éléments qu'il détient. «On obtient davantage d'informations sur la base desquelles nous pouvons mener des inspections, a confirmé Hans Blix. Cela commence, et c'est très utile pour le futur

De manière quasi-unanime, les membres du Conseil de sécurité ont émis le souhait que l'Irak coopère de manière beaucoup plus zélée. «Nous avons constaté avec satisfaction que les inspections sont conduites à un rythme soutenu, et sans incidents» a déclaré sur RFI le représentant de la France à l'ONU Jean-Marc de la Sablière. «L'Irak doit coopérer activement avec les inspecteurs, en fournissant des informations complémentaires pour répondre aux questions non résolues et pour lever les incertitudes» a-t-il prévenu. Tout en allant dans le même sens, l'ambassadeur allemand, Gunter Pleuger qui siège depuis le début du mois au Conseil de sécurité, a estimé qu'il n'y avait «pas d'élements de nature à justifier une action armée». Son homologue espagnol, lui aussi nouveau venu au Conseil semblait davantage aligné sur la position britannique, qui est de donner une chance au processus d'inspection tout en prévenant que «l'heure tourne».

Sans surprise, l'ambassadeur américain auprès des Nations Unies, John Negroponte, a réitéré la position de son pays, déjà énoncée fin décembre au grand déplaisir des européens. Evoquant «un effort délibéré pour tromper» le monde entier, il a assuré que les questions laissées sans réponse dans la déclaration des armements irakiens constituaient «une nouvelle violation patente» des résolutions de l'ONU. A elle seule, cette qualification juridique pourrait être suffisante pour justifier une guerre. La Maison Blanche n'a pas caché son scepticisme : «Nous tenons pour un fait acquis qu'il y a des armes là-bas» a affirmé le porte-parole de George Bush, Ari Fleischer. «Même si les inspecteurs n'ont constaté aucun flagrant délit, ils disent que cette éventualité ne peut être écartée. Le coeur du problème est que l'Irak est très fort dès qu'il s'agit de dissimuler des choses» a-t-il ajouté. Pour tenter d'obtenir des réponses à leurs questions et obtenir des listes complètes de scientifiques, Mohamed el Baradei et Hans Blix se rendront à Bagdad les 19 et 20 janvier prochains. Le 27 janvier, les deux hommes doivent revenir devant le Conseil de sécurité pour livrer cette fois leur première évaluation du processus d'inspection.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 10/01/2003