Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Côte d''Ivoire

Le «who’s who» de Marcoussis

L’ancien ministre gaulliste Pierre Mazeaud, le président quelque peu inattendu de cette réunion qui s’ouvre à Paris mais se poursuit à Marcoussis, sera entouré d’au moins trois «coordonnateurs»: il devrait s’agir du Dr Mohammed Ibn Chambas, secrétaire général de la CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), de l’ancien ministre mauritanien Ahmed ould Abdallah, représentant personnel du secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, et d’un envoyé spécial de l’UA (Union Africaine).
Le président et ses «coordonnateurs» siégeront en face de deux groupes de représentants ivoiriens : celui des partis politiques (FPI, PDCI, RDR, UDPCI, PIT, MFA et UDCY) et celui des trois groupes de rebelles (MPCI, MPIGO et MJP).

Cependant, chez les partis politiques comme du côté des rebelles, le niveau de représentation n’est pas le même, en raison du poids différent de chaque mouvement: les délégations des quatre principaux partis (FPI, PDCI, RDR et UDPCI) et du principal mouvement rebelle (MPCI) compteront cinq membres; celles de deux autres groupes rebelles (MPIGO et MJP) en compteront deux, et celles des trois autres partis politiques (PIT, MFA et UDCY) un seulement.

1 - Les partis politiques (Abidjan)


FPI: Pascal Affi N’guessan
L’actuel Premier ministre, conduira la délégation du parti au pouvoir, le FPI (Front populaire ivoirien), dont il est le président depuis octobre 2000, lorsque son fondateur, Laurent Gbagbo, a été élu président de la République. Agé de 51 ans, marié et père de sept enfants, N’guessan est originaire de Bongouanou et ingénieur en télécommunications de formation. Depuis 1990 il est membre de la direction du FPI, dont il est devenu le secrétaire général -et numéro deux- en 2000, lorsqu’il a assumé la direction de la campagne électorale de Laurent Gbagbo. L’assassinat d’Emile Boga Doudou (ministre de l’Intérieur), le 19 septembre 2002 et la mise à l’écart de Lyda Kouassi (Défense) ont beaucoup affaibli ce parti, déjà soumis aux pressions constantes des extrémistes ultra-nationalistes.

Avec 96 députés le FPI ne dispose pas de la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

PDCI: Henri Konan Bédié (HKB)
Ancien chef de l’Etat, chassé du pouvoir lors du «putsch de Noël» 1999 par une junte militaire dirigée par le général Gueï et deux généraux proches d’Alassane Ouattara (Palenfo et Coulibaly), HKB représente l’ancien parti unique du pays, créé par feu Houphouët-Boigny, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, dont il est le président et à l’ombre duquel il a fait toute sa carrière politique, depuis l’âge de 26 ans, lorsqu’il a été nommé ambassadeur à Washington.

Véritable fils spirituel du premier président ivoirien, HKB est né officiellement dans le village de Dadiékro (centre), et est issu d’une famille de planteurs de cacao. Après avoir été ministre de l’Economie - et avoir connu une courte mise à l’écart en raison d’un scandale financier - il est devenu en 1980 le dauphin constitutionnel d’Houphouët-Boigny. Lors de la mort de celui-ci, en décembre 1993, ce petit homme rond, également père de quatre enfants, a automatiquement pris la succession, en dépit de l’opposition du Premier ministre de l’époque: Alassane Ouattara. En 1995 il a été élu président, à l’issue d’un scrutin boycotté par les principaux partis d’opposition. Père de «l’ivoirité», il s’est constamment heurté à l’hostilité de Ouattara et de Gbagbo. Son régime s’est écroulé en moins de vingt-quatre heures, lors de la mutinerie (vite devenue putsch) de Noël 1999. Après avoir été longtemps en exil à Paris, il est rentré en Côte d’Ivoire, pour retrouver -non sans difficulté- la présidence d’un parti profondément divisé, et qui avait en partie rallié le nouveau régime dirigé par le général Robert Gueï.

Parti unique jusqu’en 1990, il compte actuellement 98 députés, et a noué une alliance avec le FPI au sein du gouvernement.

RDR: Alassane Dramane Ouattara (ADO)
Ancien Premier ministre sous Houphouët-Boigny, ADO est depuis décembre 2002 en exil en France, après avoir été longtemps réfugié à l’intérieur de la résidence de l’ambassadeur de France à Abidjan, à partir du déclenchement de la rébellion du 19 septembre que de nombreuses partisans de Gbagbo lui impute.

Né en 1942 à Dimbokro, il a accompli la majorité de sa scolarité au Burkina - comme d’autres ressortissants du Nord. Haut fonctionnaire international, il a effectué l’essentiel de sa carrière en dehors de la Côte d’Ivoire, avant d’être choisi comme premier ministre par Houphouët-Boigny, de 1990 à 1993. Après avoir rallié le RDR (un mouvement de renovateurs issu du PDCI), il en est vite devenu le président après la disparition du fondateur.

A l’issue du putsch de Noël 1999, deux de ses partisans -les généraux Palenfo et Coulibaly- sont devenus les adjoints de Robert Gueï, jusqu’à la rupture intervenue quelques mois plus tard, lorsque Gueï a voulu se porter lui-même candidat pour la présidentielle de 2000. A cette occasion la candidature d’ADO aux présidentielles comme aux législatives a été rejetée par la Cour suprême pour cause de «nationalité douteuse». Pour avoir boycotté ces scrutins, le RDR n’est actuellement pas représenté au Parlement, mais il a montré lors des municipales qu’il représente, comme le PDCI et le FPI, environ 30% de l’électorat ivoirien.

Depuis les années 90 les partisans de «l’ivoirité» l’accusent d’être d’origine burkinabè. En 2002 il a obtenu un document officiel prouvant sa nationalité ivoirienne. Quant aux partisans de Gbagbo, il le soupçonnent ouvertement d’avoir favorisé la rébellion du 19 septembre. Marié à une Française très connue à Abidjan, et autrefois proche du président Houphouët-Boigny, ADO a deux enfants d’un premier mariage.

Ces derniers mois, l'apparition du MPCI et l'absence d'ADO ont beaucoup affaibli le RDR, un parti de plus en plus tiraillé entre sa participation (formelle) au gouvernement et des sympathies pour la rébellion nordiste, dirigée pour l'essentiel par des anciens partisans du RDR.

UDPCI: Paul Yao Akoto
Créé par feu le général Robert Gueï, l’ex-chef de la junte assassiné le 19 septembre dernier par un commando de la gendarmerie, l’Union pour la démocratie et la paix est elle aussi issue du PDCI. Son leader actuel, Paul Yao Akoto, est né en 1938 à Sakassou (centre) et a été trente années durant membre du bureau politique du PDCI et ministre de l’Education de 1971 à 1983. Marié et père de six enfants, Paul Yao Akoto a été le premier ambassadeur ivoirien en Afrique du sud, après la fin de l’apartheid.

Il est difficile d’évaluer le poids exact de l’UDPCI, surtout en dehors du Grand Ouest, d’où était originaire le général Gueï.

PIT, MFA et UDCY: trois petits partis représentés à l’Assemblée
Le Parti ivoirien du Travail (PIT) du Professeur Francis Wodié est connu depuis longtemps pour ses prises de position clairement à gauche - voire gauchistes - et pour l’aide appréciable qu’il a apporté au FPI et à son leader Laurent Gbagbo. Le MFA (Mouvement des forces d’Avenir) d’Anaky Kobenan et l’UDCY (Union démocratique citoyenne) de Mel Théodore (ancien maire de Cocody) ont pour leur part accepté volontiers de participer à la rencontre de Marcoussis, tout en regrettant de n’être représentés que par une seule personne: leurs présidents respectifs.

2 - Les rebelles (Bouaké)

MPCI: Guillaume Soro
Le plus important des mouvements rebelles n’a été créé que bien après le déclenchement de la rébellion, alors qu’on s’interrogeait sur l’identité réelle des «parrains» politiques et militaires d’une rébellion qui ne voulait pas s’afficher. Le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire a été mis sur pied par les sous-officiers qui ont vite occupé les principales villes du nord, à partir du 19 septembre, pour se doter d’une aile politique capable de dialoguer avec les partis politiques existants. L’ancien leader étudiant Guillaume Soro a été nommé secrétaire général et, plus tard, Louis Dacoury-Tabley (autrefois dirigeant du FPI) coordinateur aux relations extérieures.

Quant aux véritables leaders militaires de cette rébellion, seuls Chérif Ousmane (sergent) et Tuo Fozié (adjudant) ont accepté de s’afficher; tandis que deux autres, les colonels Michel Gueu et Soumaïla Bakayoko, ont été annoncés comme faisant eux aussi partie de la rébellion. De son côté le fameux colonel IB (alias Ibrahima Koulibaly), toujours en exil à Ouagadougou, a affiché ses sympathies pour les rebelles, mais n’a toujours pas accepté de quitter le Burkina pour le Nord ivoirien.

Enfin, deux généraux, Palenfo et Koulibaly, tous deux proches des sous-officiers en rébellion comme de l'ancien premier ministre Alassane Ouattara, n’ont toujours pas refait surface, depuis qu’ils ont quitté le pays, à la suite d’un procès retentissant qui n’a pas permis de comprendre tous les dessous de la rupture intervenu en 2000 entre Robert Gueï et les deux généraux nordistes.

Guillaume Soro est né en 1972 et a été souvent arrêté pour subversion lorsqu’il dirigeait la toute puissante FESCI (Fédération estudiantine de Côte d’Ivoire). Il a été surnommé «Che» en raison de ses prises de position très à gauche. Mais il a fait ses premiers pas en politiques au sein du RDR d’ADO, en acceptant d’être colistier d’Henriette Diabaté, la secrétaire générale du parti.

MPIGO: Félix Doh
Le Mouvement populaire du Grand Ouest -le deuxième mouvement rebelle- est apparu le 28 novembre 2002, lors de la prise de Danané, une petite ville du Grand Ouest frontalière avec le Libéria. Il s’agit d’un mouvement regroupant essentiellement des anciens proches de l’ex-chef de la junte Robert Gueï, qui désirent ouvertement venger son assassinat aux premières heures de la révolte. Ces rebelles sont essentiellement des membres -comme Gueï- de l’ethnie Yakouba et bénéficient de l’aide de rebelles venant du Liberia, eux aussi des Yakouba. Le MPIGO a connu plusieurs accrochages avec l’armée française, notamment lors de l’attaque contre la ville de Duékoué, carrefour stratégique pour le contrôle de la fameuse «boucle du cacao», dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur au monde. Il est représenté à la rencontre de Marcoussis par le sergent Félix Doh.

MJP: Gaspard Déli
Le Mouvement pour la justice et la paix s’est fait connaître lui aussi le 28 novembre dernier, en revendiquant la prise de l’importante ville de Man. Il compterait 250 combattants - dont une cinquantaine de dozos (chasseurs traditionnels). Comme le MPIGO, il n’a pas voulu participer aux négociations de Lomé, mais a signé un cessez-le-feu d’abord avec l’armée française (le 8 janvier) et quatre jours plus tard, à Lomé, avec l’armée gouvernementale. Il est représenté par le commandant Gaspard Déli.

Des absents de taille

Enfin, quatre présidents africains ne figureront pas parmi les participants de cette rencontre:

le Sénégalais Abdoulaye Wade, qui n’a jamais caché ses vues, souvent tranchées et tranchantes, sur la Côte d’Ivoire et ses dirigeants, mais qui est aussi à l’origine du premier cessez-le-feu;
le Togolais Gnassingbé Eyadéma, qui est parvenu à sauver les apparences, avec les négociations interminables de Lomé qui ont abouti à un cessez-le-feu formel entre tous les belligérants sans toutefois accoucher de la paix;
le Burkinabé Blaise Compaoré, qui, après avoir été impliqué dans les longues guerres du Liberia et du Sierra Leone, a une nouvelle fois permis aux rebelles ivoiriens de se réfugier dans son pays, avant de prendre le chemin de Bouaké;
le Libérien Charles Taylor, ancien rebelle aidé par la Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny, de Bédié et du général Robert Gueï à prendre le pouvoir à Monrovia, à l’occasion d’une guerre civile atroce, qui menace aujourd’hui la Côte d’Ivoire même.



par Elio  Comarin

Article publié le 14/01/2003