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Côte d''Ivoire

Marcoussis, capitale ivoirienne

Les Ivoiriens se retrouvent à Marcoussis en région parisienne pour tenter de faire ce qu’ils n’ont réussi ni dans leur pays, ni au Sénégal, ni au Ghana, ni au Togo. La France offre un cadre isolé et protégé, celui du Centre national du rugby, pour les frères ennemis. C’est l’épreuve de la dernière chance.
Depuis le début de la crise en Côte d’Ivoire, toutes les réunions et médiations ont abouti à des échecs. Les tentatives de rapprochement des différentes positions se heurtent à la rigidité des thèses défendues par les uns et les autres. Au nom de la légalité, le régime du président Gbagbo a longtemps posé des préalables à toutes discussions avec ceux qu’ils qualifiaient «d’assaillants». Mais l’organisation des rebelles et la scission du pays en deux parties distinctes ont fait évoluer les esprits. Aux premières heures des négociations, la diplomatie sénégalaise, au nom de la CEDEAO, recherchait des solutions de compromis, ce qui offrait une certaine écoute aux revendications des rebelles. Cette forme de reconnaissance déplait profondément au pouvoir d’Abidjan qui mise sur l’asphyxie du mouvement rebelle et l’interposition des forces françaises à Bouaké et Duékoué pour obtenir la désintégration du mouvement rebelle. Mais ce plan est contrarié par l’adhésion des populations des zones occupées aux thèses prônées par les rebelles.

Elles n’ont rien à envier au discours nationaliste qui fait que certaines ethnies de la Côte d’Ivoire plus ivoiriennes que d’autres. A ce jeu, les populations du nord se sont senti exclues du tissu social et les rebelles demandent aujourd’hui une révision de la constitution du pays et un meilleur partage du pouvoir. Cela passe inévitablement par l’organisation d’élections anticipées. Le gouvernement ivoirien s’y oppose. En revanche, il ne trouve aucune objection à s’engager dans une voie d’amnistie générale. Mais cette amnistie a un relent de pardon accordé aux brebis égarées que les rebelles n’acceptent pas. Ils réclament des discussions, qui sans en prendre réellement le chemin s’apparentent à une refondation de la république de Côte d’Ivoire.

Le partage des richesses

Cette ligne défendue par le MPCI a trouvé un écho auprès de deux nouveaux mouvements rebelles nés dans l’ouest du pays, le MPIGO et le MJP. Ils amplifient les revendications et spécifient les prétentions, ce qui a pour particularité de décupler les problèmes à résoudre. La naissance des deux mouvements rebelles et les revendications du MPIGO, qui ne se réfère qu’au Grand Ouest, font surgir un problème pourtant récurrent en Afrique, le partage des richesses du pays.

Laurent Gbagbo, qui avait anticipé ce malaise dans la société ivoirienne, a imposé à ses amis politiques du FPI (Front populaire ivoirien) l’idée d’un gouvernement d’union nationale. Mais l’expérience n’a pas désamorcé la bombe des revendications identitaires. Il réitère cette formule auprès de ces mandataires pour la réunion de Marcoussis. Il a le souci de défendre son régime, mal élu, mais élu quand même. Il cite en exemple les différents épisodes de l’élection du président des Etats-Unis, George Bush, et pourtant «personne n’a pris les armes pour le contester», précise-t-il. A Marcoussis, c’est la légalité qui restera la ligne politique défendue par le pouvoir. Il a réuni autour de ses idées l’ancien parti unique le PDCI dont l’ancien Henri Konan Bédié conduit personnellement la délégation en France. Le Rassemblement des républicains d’Alassane Ouattara, dans une posture délicate, parce qu’il participe au gouvernement, a néanmoins des thèses qui rejoignent celles défendues par les rebelles du MPCI.

Isolées à Marcoussis, les différentes composantes de la vie politique ivoirienne seront contraintes et forcées de trouver une issue de sortie qui sauve le pays. Isolées, elles n’auront pas forcément le même discours consensuel d’Abidjan pour les unes, et les mêmes revendications identitaires pour les autres. A Marcoussis tout est donc possible. L’échec n’est pas permis, sinon la Côte d’Ivoire deviendra un exemple pour les autres pays africains où tous ces problèmes existent aussi. Cette crainte justifie également l’implication de la France pour faciliter les négociations inter-ivoiriennes et préserver ses autres anciennes colonies des démons ivoiriens.



par Didier  Samson

Article publié le 14/01/2003