Argentine
Le maigre bilan d’un président de transition
Un an après l’accession au pouvoir d’Eduardo Duhalde, l’économie s’est stabilisé et semble même amorcer une reprise. Mais aucun des problèmes de fond à l’origine de la crise argentine, d’abord institutionnels et politiques, n’a reçu un début de solution.
De notre correspondant à Buenos Aires
Il y a tout juste un an, le 2 janvier 2002, Eduardo Duhalde était investi président de la République argentine. Elu la veille par le Congrès, il était la quatrième personnalité à occuper le poste depuis la chute de Fernando de la Rúa, le 20 décembre 2001, après deux jours de violentes manifestations. Dans un climat de grande confusion, ce baron du péronisme obtenait ainsi, à la faveur d’une crise sans précédent, ce que les électeurs lui avaient refusé en octobre 1999, quand le radical De la Rúa l’avait emporté haut la main. Non issu de la volonté populaire et contesté d’emblée par une opinion particulièrement critique à l’égard de l’ensemble de la classe politique, ce président de transition était alors accueilli avec scepticisme par beaucoup, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Argentine.
Aujourd’hui, certains n’hésitent pourtant pas à le présenter comme «le timonier inattendu d’une tempête inédite», ainsi que l’écrit l’un des plus grands quotidiens du pays, La Nación. La stabilisation de l’économie, depuis le milieu de l’année, l’amélioration des indicateurs de conjoncture, la relative tranquillité du marché des changes expliquent ce jugement relativement positif. De même que la conviction, partagée par nombre d’observateurs, qu’un accord sera bientôt signé avec le Fonds monétaire international (FMI).
A évaluer ainsi l’action de Duhalde, on oublierait cependant que le pays subit encore les conséquences des premières mesures de son gouvernement, à commencer par la dévaluation qui a mis fin à la parité fixe peso-dollar en place depuis 1991. «Une décision largement idéologique et très mal préparée, qui a appauvri une grande partie de la population sans apporter les bénéfices généralement attendus de ce genre d’opérations», explique par exemple Jean-Édouard de Rochebouët, président de la Chambre de Commerce franco-argentine (CCIFA). Le ministre de l’Économie Jorge Remes Lenicov, homme de confiance de Duhalde, pensait pouvoir empêcher l’effondrement du peso grâce à des crédits qu’il recevrait du FMI. Il n’en serait rien et le dollar devait rapidement atteindre 3,70 pesos. Dans le même temps, les principaux produits alimentaires devenaient inaccessibles pour les plus défavorisés : s’agissant de denrées exportables, leurs prix s’envolaient alors que les revenus n’augmentaient pas. Enfin, l’absence de crédit empêchait les secteurs autres que l’agriculture de tirer parti d’une compétitivité retrouvée sur les marchés extérieurs.
Une embellie économique
Le remplacement de Remes par Roberto Lavagna, fin avril, devait marquer un point d’inflexion. En lieu et place de l’échange forcé des dépôts bloqués que voulait imposer son prédécesseur, Lavagna engage une libéralisation progressive du corralito bancaire imposé par Domingo Cavallo, le dernier ministre de l’Économie de De la Rúa, pour faire face à la fuite des capitaux. Après avoir rétabli ainsi un début de confiance à l’intérieur, il cherche à donner un caractère plus réaliste à la négociation avec le FMI : tout en s’efforçant de remplir les conditions exigées par ce dernier, il ne demande plus d’argent frais, mais un simple rééchelonnement des dettes à payer d’ici juin 2003. Désormais techniquement prêt, l’accord porterait sur quelque 10 milliards de dollars et éviterait que l’Argentine, en défaut avec ses créanciers privés depuis fin décembre 2001, le soit également avec les institutions internationales. Il a reçu l’appui officiel du G7, ce qui devrait permettre de vaincre les dernières réticences de la direction du Fonds monétaire.
En fait de «timonier», Eduardo Duhalde semble surtout être le bénéficiaire d’une embellie économique qui reste à consolider et à laquelle il a peu contribué, sinon par l’entremise de son ministre Roberto Lavagna. Un redressement d’autant plus fragile d’ailleurs, qu’il peut encore être menacé par les ambiguïtés politiques du chef de l’Etat lui-même : après avoir fort opportunément avancé les élections, qui devaient initialement avoir lieu en octobre, à avril-mai, il pèse de tout son poids dans la campagne avec le souci principal d’écarter son grand rival au sein du parti péroniste, l’ancien président Carlos Menem.
Plus partisan qu’homme d’Etat, Duhalde rendra sans doute le pouvoir sans que les problèmes de fond à l’origine de la crise argentine, politiques et institutionnels avant d’être économiques et financiers, aient reçu un début de solution.
Il y a tout juste un an, le 2 janvier 2002, Eduardo Duhalde était investi président de la République argentine. Elu la veille par le Congrès, il était la quatrième personnalité à occuper le poste depuis la chute de Fernando de la Rúa, le 20 décembre 2001, après deux jours de violentes manifestations. Dans un climat de grande confusion, ce baron du péronisme obtenait ainsi, à la faveur d’une crise sans précédent, ce que les électeurs lui avaient refusé en octobre 1999, quand le radical De la Rúa l’avait emporté haut la main. Non issu de la volonté populaire et contesté d’emblée par une opinion particulièrement critique à l’égard de l’ensemble de la classe politique, ce président de transition était alors accueilli avec scepticisme par beaucoup, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Argentine.
Aujourd’hui, certains n’hésitent pourtant pas à le présenter comme «le timonier inattendu d’une tempête inédite», ainsi que l’écrit l’un des plus grands quotidiens du pays, La Nación. La stabilisation de l’économie, depuis le milieu de l’année, l’amélioration des indicateurs de conjoncture, la relative tranquillité du marché des changes expliquent ce jugement relativement positif. De même que la conviction, partagée par nombre d’observateurs, qu’un accord sera bientôt signé avec le Fonds monétaire international (FMI).
A évaluer ainsi l’action de Duhalde, on oublierait cependant que le pays subit encore les conséquences des premières mesures de son gouvernement, à commencer par la dévaluation qui a mis fin à la parité fixe peso-dollar en place depuis 1991. «Une décision largement idéologique et très mal préparée, qui a appauvri une grande partie de la population sans apporter les bénéfices généralement attendus de ce genre d’opérations», explique par exemple Jean-Édouard de Rochebouët, président de la Chambre de Commerce franco-argentine (CCIFA). Le ministre de l’Économie Jorge Remes Lenicov, homme de confiance de Duhalde, pensait pouvoir empêcher l’effondrement du peso grâce à des crédits qu’il recevrait du FMI. Il n’en serait rien et le dollar devait rapidement atteindre 3,70 pesos. Dans le même temps, les principaux produits alimentaires devenaient inaccessibles pour les plus défavorisés : s’agissant de denrées exportables, leurs prix s’envolaient alors que les revenus n’augmentaient pas. Enfin, l’absence de crédit empêchait les secteurs autres que l’agriculture de tirer parti d’une compétitivité retrouvée sur les marchés extérieurs.
Une embellie économique
Le remplacement de Remes par Roberto Lavagna, fin avril, devait marquer un point d’inflexion. En lieu et place de l’échange forcé des dépôts bloqués que voulait imposer son prédécesseur, Lavagna engage une libéralisation progressive du corralito bancaire imposé par Domingo Cavallo, le dernier ministre de l’Économie de De la Rúa, pour faire face à la fuite des capitaux. Après avoir rétabli ainsi un début de confiance à l’intérieur, il cherche à donner un caractère plus réaliste à la négociation avec le FMI : tout en s’efforçant de remplir les conditions exigées par ce dernier, il ne demande plus d’argent frais, mais un simple rééchelonnement des dettes à payer d’ici juin 2003. Désormais techniquement prêt, l’accord porterait sur quelque 10 milliards de dollars et éviterait que l’Argentine, en défaut avec ses créanciers privés depuis fin décembre 2001, le soit également avec les institutions internationales. Il a reçu l’appui officiel du G7, ce qui devrait permettre de vaincre les dernières réticences de la direction du Fonds monétaire.
En fait de «timonier», Eduardo Duhalde semble surtout être le bénéficiaire d’une embellie économique qui reste à consolider et à laquelle il a peu contribué, sinon par l’entremise de son ministre Roberto Lavagna. Un redressement d’autant plus fragile d’ailleurs, qu’il peut encore être menacé par les ambiguïtés politiques du chef de l’Etat lui-même : après avoir fort opportunément avancé les élections, qui devaient initialement avoir lieu en octobre, à avril-mai, il pèse de tout son poids dans la campagne avec le souci principal d’écarter son grand rival au sein du parti péroniste, l’ancien président Carlos Menem.
Plus partisan qu’homme d’Etat, Duhalde rendra sans doute le pouvoir sans que les problèmes de fond à l’origine de la crise argentine, politiques et institutionnels avant d’être économiques et financiers, aient reçu un début de solution.
par Jean-Louis Buchet
Article publié le 02/01/2003