Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Irak

Bagdad minimise la découverte de têtes chimiques

Les inspecteurs ont mis la main jeudi, dans un entrepôt du sud de l’Irak, sur des têtes chimiques sur lesquelles ils refusent pour l’instant de se prononcer avant que ne soient effectuées des analyses approfondies. Cette prudence est affichée par la plupart des capitales occidentales. Bagdad affirme pour sa part que ces têtes chimiques n’ont aucun lien avec des armes de destruction massive prohibées et évoque une machination destinée à compromettre la rencontre prévue en fin de semaine avec les chefs des inspecteurs de l’ONU, Hans Blix et Mohamed el-Baradeï. Quoiqu’il en soit cette découverte accentue la pression sur les autorités de Bagdad à dix jours de la présentation au Conseil de sécurité du rapport sur le désarmement irakien.
C’est en des termes laconiques que la mission des inspecteurs de l’ONU a annoncé jeudi à Bagdad la découverte de «onze têtes chimiques de 122 mm et une douzième qui doit encore être évaluée». Aucune précision n’a été donnée sur la signification d’une telle découverte qui constitue un précédent puisque c’est la première fois que les experts affirment avoir découvert quelque chose en Irak depuis le début de leurs travaux d’inspection le 27 novembre dernier. Le porte-parole de la mission onusienne a toutefois souligné que «les têtes étaient en excellent état et étaient semblables à celles importées par l’Irak à la fin des années 80».

A Bagdad, les autorités irakiennes ont minimisé la découverte des inspecteurs. Le général Hossam Mohamed Amin a ainsi démenti qu’il s’agisse d’armes de destruction massive. Il a en outre affirmé que les roquettes trouvées et leurs têtes n’étaient «ni chimiques ni biologiques». «Ce sont seulement des roquettes d’artilleries importées en 1986», a-t-il également déclaré, précisant que «pour cette raison elles sont périmées et ne peuvent plus être utilisées». Toujours selon lui, ces têtes «périmées depuis au moins sept ans», ont déjà été déclarées en 1996 à la précédente mission de l’ONU et figurent également dans la nouvelle déclaration de Bagdad sur ses programmes d’armes de destruction massive remise au Conseil de sécurité de l’ONU le 7 décembre dernier. Une affirmation que semble toutefois mettre en doute le chef des inspecteurs, Hans Blix, qui a déclaré à Paris qu’il n’était pas certain que ces ogives figurent bien sur la liste fournie par l’Irak.

Mise à part cette déclaration de Hans Blix, les inspecteurs ont préféré joué la prudence. Un porte-parole de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) a ainsi jugé prématuré de décider de l’importance à accorder à cette découverte. «C’est une question extrêmement technique», a-t-il souligné en précisant qu’il était impossible de «trancher sur ce genre de sujet au premier coup d’œil». Cette prudence est largement partagée par la plupart des capitales occidentales puisque même Londres, pourtant fidèle allié de Washington, a affirmé qu’il ne voulait «pas se presser pour porter un jugement». Seuls les Etats-Unis ont pour l’instant qualifié de «troublante et sérieuse» la découverte des inspecteurs, précisant notamment qu’elles ne figuraient par sur la liste remise par Bagad.

Bagdad dénonce «un acte tendancieux»

Déterminante ou non, la découverte de ces têtes chimiques intervient alors que Hans Blix et Mohamed el-Baradeï sont attendus dimanche à Bagdad pour des entretiens de haut niveau avec les autorités irakiennes. Les deux hommes, qui ont affirmé à plusieurs reprises que la déclaration de Bagdad contenait des «omissions», doivent profiter de cette opportunité pour réclamer une coopération «plus active» de la part des Irakiens, visiblement très soucieux de poursuivre la collaboration avec l’ONU. Et c’est sans doute la raison pour laquelle le général Amine, qui a qualifié de «très étrange» le communiqué annonçant la découverte des têtes chimiques, a dénoncé «un acte tendancieux et monté de toutes pièces» visant notamment à compromettre les discussions avec les chefs des inspecteurs. «Nous souhaitons que les inspecteurs nous interrogent d’abord sur leur découverte car ce que nous disons, c’est la vérité», a en outre ajouté le responsable irakien, qui a nié l’existence de toute crise avec l’ONU.

De son côté le chef des inspecteurs, Hans Blix, n’a pas caché son inquiétude. «La situation est très tendue, très dangereuse», a-t-il estimé, plaidant pour un plus grand engagement de Bagdad aux côtés des experts. Il a souhaité que la date du 27 janvier à laquelle il doit remettre, avec Mohamed el-Baradeï, son rapport au Conseil de sécurité ne soit pas une date butoir. Selon lui, les inspecteurs ont besoin de plus de temps pour finaliser leur évaluation. Hans Blix devrait notamment suggérer aux Irakiens trois gestes qui pourraient éloigner le spectre de la guerre. Il a en effet estimé qu’en donnant accès aux inspecteurs à leurs archives et à leurs budgets et en leur permettant de parler librement aux gens, les autorités de Bagdad pourraient éviter une rapide dégradation de la situation.

Démentant la rumeur persistante sur son exil, Saddam Hussein a par ailleurs assuré vendredi, à l’occasion d’un discours marquant le douzième anniversaire de la guerre du Golfe, que «Bagdad, son peuple comme ses dirigeants, est bien décidé à pousser les Mongols de l’ère moderne à se suicider sous ses murs». Il faisait référence aux Etats-Unis, comparés aux Mongols qui sous la conduite de Houlagou avaient conquis et mis à sac Bagdad au XIIIème siècle.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 17/01/2003