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Côte d''Ivoire

L'embarras de la France

A Paris, les derniers événements en provenance de la sous-région provoquent une certaine inquiétude. Alors que la France réunit les acteurs de la crise ivoirienne, le caractère régionale du conflit se révèle dans toute son ampleur.
Le changement de ton était perceptible mardi au ministère des Affaires étrangères. Afin de protéger les participants à la table ronde de Marcoussis contre toute déclaration intempestive de nature à nuire à la poursuite des discussions, depuis le début du huis clos, c'est le quai d'Orsay qui assure la communication avec les journalistes, lors de points de presse quotidiens. Sans jamais rien révéler de fondamental, le porte-parole était jusque-là parvenu à traduire l'ambiance des travaux, indiquant notamment les points sur lesquels planchaient les participants.

Mardi l'exercice prit une toute autre tournure. Si, en effet, on devait mesurer par l'absence de réponses aux questions des journalistes les difficultés rencontrées par les négociateurs, on pourrait imaginer que la table-ronde traverse une crise. Ou, du moins, qu'elle franchit une étape difficile. En tout cas, qu’il s’agisse des discussions de Marcoussis ou des conséquences sur le processus des dernières informations en provenance de la sous-région, l’essentiel du message de la diplomatie française tient dans la formule bien connue du registre de la langue de bois : «pas de commentaires», ni sur l’ambiance, ni sur le programme des discussions, ni sur les perspectives à court terme et, bien sûr, les risques que font peser sur une issue négociée les derniers événements ouest-africains.

Au cours de ces derniers jours nombre d’éléments sont venus parasiter le dossier. Sur le front ouest, le démon de l’internationalisation du conflit est désormais de notoriété publique. La présence de jeunes anglophones en armes, venant du Liberia et aguerris par ces dix dernières années de crises libérienne, sierra-leonaise, guinéenne, et aujourd’hui ivoirienne, est avérée. Selon différentes sources, l’ancien numéro deux de l’ex-mouvement rebelle sierra-leonais RUF, serait dans la région. On se souvient notamment de Sam Bockarie, ami du président libérien Charles Taylor, comme de l’un des promoteurs de la politique de terreur dans laquelle a été plongée son pays à la fin de la décennie 90.

Paris ne peut rien sans ses partenaires africains

Sur le front diplomatique, les nouvelles ne sont guère rassurantes. Paris attendait de la Cedeao qu’elle prenne le relais de l’initiative et qu’elle accompagne la négociation jusqu’à l’application des décisions. Or en annonçant qu’elle ne sera pas en mesure de s’exprimer lors de la conférence des chefs d’Etat, samedi et dimanche à Paris, la communauté sous-régionale semble aujourd’hui, au minimum, davantage préoccupée par le formalisme et le protocole que par la recherche d’une vraie solution à la crise. A moins que l’affaire ivoirienne ne soit une nouvelle bonne occasion de régler ses comptes internes. Voire de manifester une querelle de souveraineté nord-sud (entre la France et le Nigeria, par exemple) sur un dossier intérieur strictement ouest-africain.

Enfin les déclarations du président burkinabé publiée mardi matin par Le Parisien et invitant son homologue ivoirien à s’en aller et lui prédisant une comparution devant un tribunal pénal international n’est évidemment pas de nature à restaurer un climat de confiance entre voisins.

Du coup, c’est la paix qui souffre. L’action diplomatique française reposait sur un certain nombre d’outils : la présence militaire, indispensable à la mise en œuvre des décisions politiques, la Cedeao, prolongement de l’action diplomatique initiée par Paris, l’ONU, dont on attend notamment qu’elle fournisse l’assistance technique lorsque les décisions seront enfin adoptées et la conférence à venir des chefs d’Etat. Sans préjuger de la tenue de cette dernière dans de bonnes conditions de représentation, avec la manifestation d’une véritable volonté d’aboutir, à l’heure qu’il est le relais sous-régional montre des signes de faiblesses très préjudiciables. Et l’inquiétude montrée aujourd’hui par le parrain français montre à l’évidence qu’il ne suffira pas aux acteurs de la crise ivoirienne de s’entendre. Encore faudra-t-il que l’Afrique de l’Ouest les soutiennent.



par Georges  Abou

Article publié le 21/01/2003