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Côte d''Ivoire

La logique régionale contre la paix ?

Deux blessés, dont un grièvement, parmi les soldats français; l’un des représentants du parti du président qui claque la porte de Marcoussis; une CEDEAO minée par ses divisions: le succès de la table-ronde de Marcoussis est d’autant moins assuré qu’une impitoyable logique de division régionale se met en place.
A quarante-huit heures de l'échéance, il règne encore une grande incertitude sur l'issue des travaux de la table-ronde de Marcoussis. Mais la diplomatie française n’envisage pas qu’ils n’aboutissent pas d’ici vendredi soir, au moment où se rencontreront à Paris les présidents ivoiriens et français, à la veille de l’ouverture du sommet des chefs d’Etat de la région. En dépit des coups de gueule et des claquages de portes, malgré les nouveaux incidents armés sur le front ouest, «les travaux se poursuivent et nous sommes dans la phase la plus dense», déclarait ce mercredi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, qui se refuse toujours à lever le moindre voile sur la nature des discussions en cours. Tout juste comprend-on que, d’un point de vue formel, aucun accord n’a été enregistré, bien que sur certains points, tels que le code de la nationalité ou les conditions d’éligibilité à la fonction suprême, on serait proche du consensus.

Mais face à une affaire aussi complexe, dans laquelle chaque question examinée peut être modifiée en fonction du traitement des autres, jusqu’à la conclusion finale on ne peut préjuger de rien. Tout juste peut-on élaborer des hypothèses sur les dossier en suspens, ceux qui restent à traiter. Les mécanismes de sortie de crise, désarmement, cantonnement des troupes, modalités politiques sont aujourd’hui plus que jamais à au centre des débats et il reste très peu de temps pour conclure sur ces sujets particulièrement sensibles dans la mesure où ils réclament des concessions majeures de part et d’autre. Concessions politiques pour Abidjan; militaires et territoriales pour les rebelles.

Pas d’accord sans la CEDEAO

La «sortie» tonitruante du président de l’Assemblée nationale donne une indication relativement précise sur l’état d’esprit qui règne au sein de la délégation proche des autorités d’Abidjan qui ne consent toujours pas à une égalité de traitement entre toutes les parties. L’attaque, mardi après-midi, contre les soldats français postés à Duékoué montre d’autre part que les rebelles ne renonceront pas facilement à leurs armes. Quant à la CEDEAO, elle est peuplée de chefs d’Etat qui, à l’évidence et pour des raisons parfois obscures, n’ont pas tous la même vision du problème ivoirien. Sur la Côte d’Ivoire, il n’y aura pas de message commun délivré au nom de la sous-région lors du sommet de Paris, en fin de semaine. La communauté ouest-africaine, minée par ses divisions internes, fera de la figuration. A moins qu’elle n’entame son propre processus de Marcoussis.

Pourtant son soutien est indispensable à tout accord. Dans un pays où la part des étrangers est aussi importante, il est difficile d’imaginer qu’un accord sur l’ivoiritié ou la loi foncière puisse être conclu sans consensus régional. Paris pourra toujours se prévaloir du soutien de l’ONU, dont le secrétaire général viendra participer au sommet de Paris. Mais la France n’envisage pas l’organisation internationale comme une alternative, mais plutôt la boîte à outils avec laquelle on réparera la machine détraquée. Et à toutes fins utiles, le conseil de sécurité sera invité le 28 janvier à se pencher une nouvelle fois sur le cas ivoirien. Au fur et à mesure que le temps passe et que les problèmes défilent, c’est comme si les dossiers échappaient des mains des principaux intéressés. Si Marcoussis est la scène, c’est davantage le travail en coulisses qui domine aujourd’hui, reléguant les efforts les plus louables à une réunion protocolaire, une de plus.

Sur place, les quelques deux mille cinq cents soldats français, eux, ne font pas semblant de maintenir la trêve. C’est avec gravité que le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a rappelé chacun à ses responsabilités sur le terrain et, notamment, aux leaders à faire preuve d’autorité: «Toutes les parties signataires du cessez-le-feu doivent veiller à l’application effective de ce cessez-le-feu, et cela signifie deux choses: respecter le cessez-le-feu et aussi faire respecter le cessez-le-feu», a déclaré François Rivasseau.



par Georges  Abou

Article publié le 22/01/2003