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Zimbabwe

Robert Mugabe dément tout projet de départ

Des articles de la presse britannique évoquent un départ en douceur de Robert Mugabe, qui serait orchestré par l’Afrique du Sud. Harare dément, pas Pretoria.
De notre correspondante à Johannesbourg

Robert Mugabe l’a lui-même dit et répété: il ne partira pas. «Ce serait absolument contre-révolutionnaire et idiot de ma part de me retirer», a-t-il déclaré le 14 janvier, réagissant aux gros titres de la presse britannique sur son éventuelle retraite anticipée. Après les révélations faites lundi par The Times, le parti au pouvoir au Zimbabwe a démenti toute négociation avec l’opposition en vue de la formation, pour deux ans, d’un gouvernement d’unité nationale. Ce «plan secret», dévoilé par Morgan Tsvangirai, le leader du Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition), aurait été assorti d’un exil tranquille pour Robert Mugabe.

Au pouvoir depuis 22 ans, réélu pour cinq ans en mars dernier lors d’une élection entachée de nombreuses irrégularités, le président zimbabwéen aurait été assuré de ne pas avoir à répondre devant la justice internationale des violations des droits de l’Homme dont son régime s’est rendu coupable.

«Je suis né au Zimbabwe, j’ai grandi au Zimbabwe, je me suis battu pour le Zimbabwe, je suis au Zimabwe, je mourrai au Zimbabwe et serai enterré dans ma terre, et nulle part ailleurs», a martelé Robert Mugabe, en visite en Zambie. Morgan Tsvangirai, pour sa part, affirme avoir été approché avant Noël par deux des plus hautes personnalités politiques du pays, le général Vitalis Zvinavashe, chef d’état-major des armées, et Emmerson Mnangagwa, le président de l’Assemblée nationale. L’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF) a nié tout pourparler, et jusqu’à l’existence de luttes internes pour la succession à Robert Mugabe, âgé de 78 ans. La Malaisie, le pays où un exil du chef de l’Etat zimbabwéen aurait été envisagé, n’a pas fait de commentaires. En Afrique du Sud, un porte-parole du gouvernement a dit «ne rien savoir» d’une négociation qui serait soutenue par Londres et Pretoria.

Le refus catégorique de Robert Mugabe

La Grande-Bretagne prendrait-elle ses «désirs pour des réalités», comme l’affirment les autorités zimbabwéennes ? De source proche du ministère sud-africain des Affaires étrangères, la «diplomatie tranquille» adoptée par Thabo Mbeki à l’égard de Robert Mugabe n’a eu d’autre but que de convaincre le «vieux crocodile» de se retirer. En novembre dernier, à Pretoria, certains annonçaient même comme «imminent» un dénouement heureux, après de longs mois de tractations et d’influence exercée par Pretoria.

Le scénario privilégié par l’Afrique du Sud aurait vu Robert Mugabe céder la place à un successeur issu des rangs de son parti, susceptible de reprendre l’économie en main sans forcément partager le pouvoir avec l’opposition. Le nom d’Emmerson Mnangagwa, numéro trois dans la hiérarchie de la Zanu-PF, est le plus cité par les dirigeants du Congrès national africain (ANC). Après un discours aux accents anti-colonialistes, à la tribune du congrès de l’ANC, à Stellenbosch, en décembre dernier, Emmerson Mnangagwa avait d’ailleurs été ovationné par la moitié de la salle…

Manifestement, le principal obstacle à cette transition en douceur tient au refus catégorique de Robert Mugabe de quitter le pouvoir. En mai dernier, les efforts de l’Afrique du Sud et du Nigeria pour que l’opposition et le pouvoir nouent le dialogue au Zimbabwe avaient échoué, le MDC ayant porté plainte devant les tribunaux contre la fraude électorale lors de la dernière présidentielle. Morgan Tsvangirai, il y a deux mois encore, s’en tenait à sa revendication principale: la tenue de nouvelles élections.

Aussi le mystère reste-t-il entier autour des raisons qui ont poussé le chef de l’opposition à faire des déclarations sur la retraite de Robert Mugabe. Ces derniers mois, il est vrai, Morgan Tsvangirai a multiplié les gaffes médiatiques. Il a traité de «charognards de l’âge de pierre» les milliers de sans-terres qui ont bénéficié de la redistribution des fermes détenues par des Blancs. Puis dénoncé un complot de l’Afrique du Sud et de la Grande-Bretagne pour «neutraliser» son parti. Fin décembre, interrogé par la presse britannique, il s’est opposé aux matches prévus au Zimbabwe dans le cadre de la coupe du monde de cricket, à l’étonnement de sa propre famille politique.

Deux ténors du MDC, les maires de Harare et de Bulawayo, avaient en effet donné leur accord à ces compétitions sportives, à leurs yeux importantes pour l’économie du pays. En s’épanchant, Morgan Tsvangirai n’a pas seulement torpillé toute espoir de solution négociée. Il a aussi pris le risque de se discréditer.



par Sabine  Cessou

Article publié le 16/01/2003