Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Cameroun

Le parti au pouvoir sévèrement critiqué de l’intérieur

Un mystérieux «groupe» de hauts cadres du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), vient de commettre un brûlot dénonçant les pratiques qui ont cours au sein du parti au pouvoir. Il y dénonce pêle-mêle: la corruption, le tribalisme, le dévoiement des idéaux du parti, le népotisme, les détournements des deniers publics.
De notre correspondant au Cameroun

Le document s’intitule «manifeste pour la modernisation effective du RDPC». C’est une charge sévère pour le parti au pouvoir au Cameroun. Un diagnostic sans complaisance dressé par un «groupe de hauts cadres» du RDPC au pouvoir, sous la signature de Maître Mila Assouté, membre du comité central du parti de Paul Biya.

Dans ce texte on lit que l’appareil «est dévié ostensiblement de son objectif noble, par individus qui n’en font qu’à leur tête au mépris de ses idéaux et objectifs, de ses textes et règlements, mettant de cette façon en danger le contrat de politique sociale de son président national avec le peuple, et rendant ses engagements caducs aux yeux de l’opinion nationale et internationale».

Les conséquences de cette situation sont dramatiques aux yeux des auteurs du «manifeste» qui redoutent que la situation ne soit «porteuse de tous les germes de crise et d’instabilité politique et sociale». La charge est on ne peut plus sévère à l’encontre du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) qui domine littéralement la scène politique, presque exclusivement depuis cinq ans, et qui contrôle plus des deux-tiers des municipalités, et compte 149 députés sur les 180 de l’Assemblée nationale.

La situation est donc préoccupante aux yeux des auteurs du «manifeste» puisque le parti, comme le pays , est, selon eux, miné par des «maux que sont la corruption et la concussion, les fraudes et les malversations, les détournements de deniers et de biens publics, l’exacerbation du tribalisme, des discriminations, du favoritisme et du népotisme, sans oublier le sentiment d’impunité, le grand banditisme , la criminalité , la médiocrité et le laxisme ambiants».

On lit également dans le document sous la plume de Mila Assouté, que «se créent des vraies dynasties hégémoniques tapies dans les réseaux dormants qui menacent la vie de l’Etat, et des clans des privilégiés dans le parti et la Nation, ayant pratiquement confisqué les postes supérieurs de l’Etat, des secteurs entiers de l’économie et de la finance, les patrimoines et autres ressources naturelles précieuses, qu’ils dilapident à leur guise».

Le "chaos" en cas de disparition de Paul Biya

Au vu de ces symptômes, le RDPC apparaît comme un grand malade. Et les militants qui l’ont ausculté croient le mal si profond et grave qu’ils en viennent à redouter «le chaos» en cas de d’indisponibilité ou de disparition subite du président Paul Biya. En attendant, les auteurs du diagnostic, qui disent ne pas s’attaquer aux individus mais à la structure, tout en ménageant clairement le président Paul Biya dont ils disent préparer une réélection sans bavure en 2004, affichent la volonté d’œuvrer à la modernisation du RDPC.

Devant ce brûlot, la hiérarchie du RDPC est restée aphone, exceptée la sortie de Grégoire Owona, secrétaire général adjoint du Comité central, qui a qualifié les auteurs du «manifeste» d’«égarés». Sans autres commentaires.

Jusqu’où ira ce «groupe» qui n’a pour l’instant qu’un visage visible ? Difficile de savoir. Dans les rangs des hauts cadres du parti au pouvoir, on salut généralement la pertinence des problèmes soulevés, et le courage des auteurs du document, même si tout le monde ne s’accorde pas sur la méthode, le timing et le choix du signataire considéré comme ne pesant pas lourd dans le parti. Or, précisément, la «groupe» appelle à la convocation d’un Congrès ordinaire du parti que d’aucuns annoncent déjà pour le premier trimestre de l’année 2003 mais dont la tenue dépend, dans les faits, de la bonne volonté de Paul Biya.



par Valentin  Zinga

Article publié le 07/01/2003