Zimbabwe
Mugabe invité à Paris
«Scandaleux», a protesté Clare Short, la secrétaire d’Etat britannique du Développement international, à l’annonce de l’invitation lancée par Jacques Chirac à Robert Mugabe. En conviant le chef de l’Etat zimbabwéen au prochain sommet des chefs d’Etat africains, qui se tiendra à Paris du 19 au 21 février, Jacques Chirac a choqué la Grande-Bretagne. Et ce, d’autant plus que les sanctions « ciblées» prises l’an dernier par l’Union européenne (UE) à l’encontre des dirigeants zimbabwéens, sont sur le point d’être prolongées.
De notre correspondante à Johannesbourg
La Grande-Bretagne entend peser de tout son poids pour que les ministres des Affaires étrangères de l’UE, en réunion le 27 janvier à Bruxelles, renouvellent des sanctions qui ont pour principal effet d’empêcher les dirigeants zimbabwéens de se rendre en Europe. La France pourrait néanmoins demander une dérogation. Cette possibilité est prévue dans le texte des sanctions, à condition que les visites s’inscrivent dans un «dialogue politique visant à promouvoir la démocratie, l'Etat de droit, et les droits de l'Homme au Zimbabwe».
A en croire un diplomate européen en poste à Pretoria, le vieux complexe de Fachoda continue d’expliquer l’attitude du président français. L’éternelle rivalité des anciennes puissances coloniales avait déjà incité Jacques Chirac à choquer Londres, en recevant le 6 mars 2001, Robert Mugabe au palais de l’Elysée. Une «visite privée» au cours de laquelle il avait surtout été question de la République démocratique du Congo (RDC). Aujourd’hui, le Quai d’Orsay prend le soin d’indiquer que la France «comprend l'émotion et l'indignation du peuple britannique», tout en insistant sur sa «ferme conviction d’avoir agi de façon conforme à la réglementation».
Un «deal» sur les voyages de Mugabe
En Grande-Bretagne, l’indignation est telle que le Zimbabwe est en passe de devenir une question de politique intérieure. Les conservateurs ont demandé des explications au gouvernement travailliste de Tony Blair sur sa position à l’égard de Harare. Le Premier ministre britannique a appelé, en vain, l’équipe nationale de cricket à boycotter les matches qui seront organisés au Zimbabwe lors de la prochaine Coupe du monde. Ces appels n’ont pas empêché des tractations, dans les coulisses de l’UE, en vue d’un «deal» sur les voyages de Mugabe. Londres fermerait les yeux sur la visite parisienne, en échange d’un «non» formel de l’UE à la présence de Robert Mugabe lors du prochain sommet Afrique-UE, prévu au mois de mai au Portugal.
Au Zimbabwe, l’invitation de Jacques Chirac est déjà présentée comme un triomphe diplomatique. A en croire le quotidien pro-gouvernemental The Herald, «l’invitation intervient à la suite d’un échec continuel de la Grande-Bretagne dans sa campagne contre le Zimbabwe». L’éventuelle prolongation des sanctions européennes n’inquiète nullement le gouvernement. «Ce n’est pas notre problème», a affirmé Willard Chiwewe, un secrétaire du ministère des Affaires étrangères. «Tout ce que nous savons, a-t-il ajouté, c’est que nous avons été invités à Paris, et que nous avons accepté l’invitation. Ce sommet est pour les Africains, et nous sommes Africains».
L’opposition du Mouvement pour le changement démocratique (MDC ) a, de son côté, vivement critiqué les pays qui voient en Robert Mugabe un interlocuteur crédible. Après l’élection présidentielle des 9 et 10 mars 2002, entachée de nombreuses violences politiques et d’irrégularités, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont refusé de reconnaître Robert Mugabe comme un chef d’Etat légitime. Aussi Morgan Tsvangirai, le leader du MDC, a-t-il accusé jeudi la France de «maintenir une tradition de soutien aux dictatures, à l’encontre des aspirations démocratiques du peuple du Zimbabwe». Il s’en est plus particulièrement pris à l’Afrique du Sud, qu’il a accusée d’être un «médiateur partial, hypocrite et malhonnête» dans la crise zimbabwéenne. Kgalema Mothlante, le secrétaire général du Congrès national africain (ANC), a répondu à ces attaques en assurant avoir des liens avec l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF, au pouvoir), tout comme avec l’opposition. Il a cependant décrit la Zanu-PF comme un «parti frère», et le MDC comme un «tout nouveau mouvement de protestation, apparu seulement avant les dernières élections de janvier».
Né en 1999 d’un mouvement syndical, le MDC aurait peut-être remporté les élections de mars dernier, s’il avait pu compter sans la fraude, dénoncée par tous les observateurs électoraux accrédités par Harare - à l’exception notable de la délégation envoyée par Thabo Mbeki. Le président sud-africain, qui sera également au sommet de Paris, plaide inlassablement pour une approche «constructive» de la crise au Zimbabwe.
La Grande-Bretagne entend peser de tout son poids pour que les ministres des Affaires étrangères de l’UE, en réunion le 27 janvier à Bruxelles, renouvellent des sanctions qui ont pour principal effet d’empêcher les dirigeants zimbabwéens de se rendre en Europe. La France pourrait néanmoins demander une dérogation. Cette possibilité est prévue dans le texte des sanctions, à condition que les visites s’inscrivent dans un «dialogue politique visant à promouvoir la démocratie, l'Etat de droit, et les droits de l'Homme au Zimbabwe».
A en croire un diplomate européen en poste à Pretoria, le vieux complexe de Fachoda continue d’expliquer l’attitude du président français. L’éternelle rivalité des anciennes puissances coloniales avait déjà incité Jacques Chirac à choquer Londres, en recevant le 6 mars 2001, Robert Mugabe au palais de l’Elysée. Une «visite privée» au cours de laquelle il avait surtout été question de la République démocratique du Congo (RDC). Aujourd’hui, le Quai d’Orsay prend le soin d’indiquer que la France «comprend l'émotion et l'indignation du peuple britannique», tout en insistant sur sa «ferme conviction d’avoir agi de façon conforme à la réglementation».
Un «deal» sur les voyages de Mugabe
En Grande-Bretagne, l’indignation est telle que le Zimbabwe est en passe de devenir une question de politique intérieure. Les conservateurs ont demandé des explications au gouvernement travailliste de Tony Blair sur sa position à l’égard de Harare. Le Premier ministre britannique a appelé, en vain, l’équipe nationale de cricket à boycotter les matches qui seront organisés au Zimbabwe lors de la prochaine Coupe du monde. Ces appels n’ont pas empêché des tractations, dans les coulisses de l’UE, en vue d’un «deal» sur les voyages de Mugabe. Londres fermerait les yeux sur la visite parisienne, en échange d’un «non» formel de l’UE à la présence de Robert Mugabe lors du prochain sommet Afrique-UE, prévu au mois de mai au Portugal.
Au Zimbabwe, l’invitation de Jacques Chirac est déjà présentée comme un triomphe diplomatique. A en croire le quotidien pro-gouvernemental The Herald, «l’invitation intervient à la suite d’un échec continuel de la Grande-Bretagne dans sa campagne contre le Zimbabwe». L’éventuelle prolongation des sanctions européennes n’inquiète nullement le gouvernement. «Ce n’est pas notre problème», a affirmé Willard Chiwewe, un secrétaire du ministère des Affaires étrangères. «Tout ce que nous savons, a-t-il ajouté, c’est que nous avons été invités à Paris, et que nous avons accepté l’invitation. Ce sommet est pour les Africains, et nous sommes Africains».
L’opposition du Mouvement pour le changement démocratique (MDC ) a, de son côté, vivement critiqué les pays qui voient en Robert Mugabe un interlocuteur crédible. Après l’élection présidentielle des 9 et 10 mars 2002, entachée de nombreuses violences politiques et d’irrégularités, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont refusé de reconnaître Robert Mugabe comme un chef d’Etat légitime. Aussi Morgan Tsvangirai, le leader du MDC, a-t-il accusé jeudi la France de «maintenir une tradition de soutien aux dictatures, à l’encontre des aspirations démocratiques du peuple du Zimbabwe». Il s’en est plus particulièrement pris à l’Afrique du Sud, qu’il a accusée d’être un «médiateur partial, hypocrite et malhonnête» dans la crise zimbabwéenne. Kgalema Mothlante, le secrétaire général du Congrès national africain (ANC), a répondu à ces attaques en assurant avoir des liens avec l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF, au pouvoir), tout comme avec l’opposition. Il a cependant décrit la Zanu-PF comme un «parti frère», et le MDC comme un «tout nouveau mouvement de protestation, apparu seulement avant les dernières élections de janvier».
Né en 1999 d’un mouvement syndical, le MDC aurait peut-être remporté les élections de mars dernier, s’il avait pu compter sans la fraude, dénoncée par tous les observateurs électoraux accrédités par Harare - à l’exception notable de la délégation envoyée par Thabo Mbeki. Le président sud-africain, qui sera également au sommet de Paris, plaide inlassablement pour une approche «constructive» de la crise au Zimbabwe.
par Sabine Cessou
Article publié le 25/01/2003