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Société

Dix ans de prison pour l’infirmière meurtrière

La justice a condamné l’infirmière Christine Malèvre à dix ans de prison pour l’assassinat de six de ses patients. Les jurés de la Cour d’assises des Yvelines n’ont donc pas reconnu l’euthanasie de malades incurables afin d’abréger leurs souffrances dans le geste de l’infirmière. Ils ont en revanche suivi l'avocat général qui avait requis au moins cette peine contre la jeune femme de 33 ans.
Les faits reprochés à Christine Malèvre remontent à 1997 et 1998. Une époque où elle exerçait son métier d’infirmière dans le service de neuropneumologie de l’hôpital François-Quesnay à Mantes-la-Jolie. La jeune femme, aujourd’hui âgée de trente-trois ans, aurait alors donné la mort à au moins sept des patients qu’elle soignait et qui souffraient pour la plupart de cancers arrivés à un stade très avancé. C’est à la suite de la mort de l’un de ces malades, survenue dans des circonstances très inattendues et après une série de décès tout aussi surprenants intervenus à chaque fois que Christine Malèvre était en service, que le chef de l’unité de neurologie, le docteur Olivier Ille, a fini par s’alarmer. Il a décidé de saisir la justice et de muter l’infirmière.

Interrogée, la jeune femme a reconnu qu’elle avait «aidé» des malades à mourir. Le chiffre d’une trentaine de personnes a même été avancé. Mais finalement, seuls sept cas ont été retenus par la justice et elle a été condamnée pour six d'entre eux.

L’ex-infirmière, qui n’a plus le droit d’exercer et qui travaille aujourd’hui dans une usine à Laval, dans l’Ouest, loin de Mantes-la-Jolie, comparaîssait libre. Elle risquait une peine de réclusion à perpétuité. Car en France, l’euthanasie est illégale. Elle est assimilée au meurtre ou même à l’assassinat lorsque la préméditation est établie. Et il semble que dans cette affaire ce soit bien le cas.

Les familles demandent des comptes

Christine Malèvre affirme avoir agi par «compassion», pour soulager les malades d’une douleur devenue insupportable. Et c’était bien là l’un des enjeux d’un procès qui amène pour la première fois un soignant dans le boxe des accusés pour avoir abrégé la vie de ses patients: établir les circonstances et les motivations d’actes dont la réalité ne fait plus aucun doute.

Car pour les familles des malades, qui se sont portées parties civiles, la version des faits donnée par l’infirmière, qui maintient que les patients lui ont demandé de les aider à mourir, ne correspond pas la réalité. Alain Le Maout, dont la femme, Denise, est morte à la suite d’une injection de potassium surdosée par Christine Malèvre, est persuadé que son épouse n’a pas formulé une telle requête. Elle allait même un peu mieux et devait sortir de l’hôpital le lendemain du jour où elle est décédée, à 48 ans. Certes, son cancer du poumon était inopérable et sa maladie progressait inexorablement mais le traitement faisait effet et elle aurait pu continuer à vivre.

Dans ces conditions, son mari demande des comptes. Tout comme les autres parents des malades. Leur avocat, maître Olivier Morice, a d’ailleurs d’ores et déjà précisé qu’il ne s’agissait pas pour lui et ses clients, du procès de l’euthanasie. Selon lui, Christine Malèvre est «plus une tueuse en série qu’une infirmière compatissante».

Le portrait de la jeune femme dressé dans les mois qui ont suivi la découverte des faits était pourtant celui d’une femme dévouée et généreuse. Elle avait d’ailleurs reçu le soutien de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD). Elle était devenue l’égérie de la cause de l’euthanasie, était invitée à la télévision et avait publié un livre intitulé «Mes aveux». Aujourd’hui, le tableau est plus noir. Ses collègues, qui vont venir témoigner au procès, font part de leurs interrogations face au comportement de l’infirmière. Les psychiatres qui l’ont examiné l’ont jugé responsable de ses actes mais ont noté «une fascination morbide pour la maladie». L’étude des statistiques sur les décès pendant ses services a aussi révélé que leur nombre était anormalement élevé lorsqu’elle était présente à l’hôpital. Cet ensemble de faits s’ajoute aux déclarations des familles qui estiment qu’elle a agi de son propre chef, sans consulter les malades ou leur entourage.

Ce procès est symbolique car il met en valeur les risques de pratiques non contrôlées. Pour les opposants à l’euthanasie, comme le ministre de la Santé Jean-François Mattéi, cela confirme qu’il s’agit «d’une mauvaise réponse à des problèmes de souffrance, de solitude et d’abandon» et qu’en tout état de cause il n’est pas envisageable de permettre de «donner la mort au terme d’un processus administratif». Une position largement critiquée par les partisans de l’euthanasie pour lesquels cette affaire démontre, au contraire, qu’il faut en finir avec le non-dit et «l’hypocrisie» en organisant un vrai débat sur cette question et en adaptant la loi pour permettre de préserver les droits des malades, de donner les gardes-fous nécessaires aux médecins et aux soignants, et donc d’éviter des dérapages.



par Valérie  Gas

Article publié le 31/01/2003