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Sida

OMC : toujours pas d’accord sur les médicaments

L’Union européenne vient d’essayer de relancer la négociation sur le dossier de l’accès aux médicaments essentiels au sein de l’Organisation mondiale du commerce. Lors des dernières discussions, qui ont eu lieu à Genève au mois de décembre, les Etats-Unis ont refusé un accord qui permette aux pays pauvres d’importer sans restriction des génériques en cas d’urgence sanitaire. Le commissaire européen au commerce, Pascal Lamy vient donc de proposer de recourir à l’arbitrage de l’Organisation mondiale de la Santé pour déterminer dans quels cas et pour quelles maladies, des exemptions au droit sur les brevets pourraient être autorisées. Mais aussi bien pour l’OMS que pour les ONG, cette solution n’est pas satisfaisante.
A Doha, au Qatar, en novembre 2001, les pays membres de l’OMC avaient fixé une date butoir pour résoudre le dossier de l’accès aux médicaments essentiels pour les pays pauvres qui n’ont pas la capacité de les produire. Le 31 décembre 2002, tout devait être réglé. Mais les délais n’ont pas été respectés. Lors de leur dernière réunion qui a eu lieu à Genève, le 18 décembre, aucun accord n’a pu être trouvé. Les Etats-Unis ont bloqué l’adoption d’un texte jugé trop imprécis et ont demandé une limitation du nombre de maladies concernées par un accord sur les importations de génériques. Ils ont ainsi proposé de ne prendre en compte que le sida, le paludisme, la tuberculose et une liste de 19 autres maladies transmissibles comme la fièvre jaune, la peste, le choléra, la typhoïde, la rougeole, la dengue ou la grippe.

Pour les Etats-Unis, l’adoption d’un dispositif global, c’est à dire dans lequel toutes les maladies peuvent être concernées, fait prendre le risque d’étendre abusivement la possibilité d’importation de génériques pour soigner des maladies non transmissibles comme le diabète ou l’asthme, et de mettre, du même coup, en danger le financement de la recherche menée par les firmes pharmaceutiques, en contournant systématiquement le système des brevets. Une perspective qu’ils refusent d’admettre malgré les termes de la déclaration de Doha, selon lesquels un pays devait pouvoir, «en cas d’urgence sanitaire», disposer de génériques pour surmonter «toutes les épidémies».

Veto américain

Après avoir mis leur veto à l’adoption d’un texte accepté par les autres membres de l’OMC, les Etats-Unis ont alors proposé, en guise de concession, un moratoire sur les plaintes déposées contre les pays qui exportent des copies de spécialités vers les pays en développement qui en ont besoin. Mais cette proposition n’a pas été jugée satisfaisante car «unilatérale». Et la situation est donc restée bloquée.

Dans ce contexte, la proposition de Pascal Lamy est censée ouvrir de nouvelles perspectives à la discussion sur cet épineux problème qui doit se poursuivre à Genève au mois de février. Pour le commissaire européen au commerce, la solution pourrait venir d’un arbitrage de l’OMS dont l’expertise serait sollicitée pour trancher, en cas de litige sur la liste des maladies couvertes par le dispositif. Cette liste devrait néanmoins ne pas être limitée. Il serait donc possible de faire face à l’apparition de nouvelles maladies si le besoin s’en faisait sentir.

Cette proposition qui a été transmise aux 143 Etats membres de l’OMC, n’a pas été élaborée en concertation avec l’OMS. German Velasquez, le coordinateur du Programme d’action sur les médicaments essentiels de l’Organisation, a d’ailleurs fait part de son étonnement et de ses réticences face aux solutions envisagées par Pascal Lamy. Il s’est ainsi montré sceptique sur la capacité de l’OMS à déterminer les cas d’urgence sanitaire mieux que les Etats concernés même si elle est, bien sûr, à même de conseiller les pays qui le souhaitent sur les problèmes de santé publique. Selon lui, «les autorités sanitaires nationales sont suffisamment compétentes pour décider quelles sont les urgences ». Il a aussi rappelé que l’OMS, qui n’est qu’observateur dans le cadre de ces négociations à l’OMC, est, depuis le départ, hostile au principe même de l’adoption d’une liste de maladies qui aurait forcément un caractère limitatif.

L’initiative européenne met donc une nouvelle fois en valeur les ambiguïtés de cette négociation sur l’accès aux médicaments et le système des brevets, menée dans le cadre de l’OMC alors qu’elle a des conséquences qui dépassent de très loin les aspects commerciaux puisqu’il s’agit du sort de millions de malades à travers le monde. Cette situation a d’ailleurs été de nombreuses fois dénoncée par les associations mais cela n’a, pour le moment, pas permis de débloquer la situation.



par Valérie  Gas

Article publié le 10/01/2003