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Corée

Pyongyang se retire du traité de non-prolifération nucléaire

La Corée du Nord a annoncé son retrait du traité de non-prolifération. Cette dernière surenchère est une nouvelle manoeuvre dans le bras de fer entre Pyongyang et Washington. Cette diplomatie au bord du gouffre du régime communiste est un pari risqué.
De notre correspondant à Séoul

La décision de Pyongyang de se retirer du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) a provoqué une nouvelle escalade de la tension dans la péninsule coréenne. Paris, Tokyo et Séoul ont été les premières capitales à condamner cette mesure soudaine. Le chef de la diplomatie française a annoncé la saisine du Conseil de Sécurité de l’ONU. Dominique de Villepin, actuellement en tournée en Asie, a expliqué que cette procédure était automatique en cas de sortie du TNP.

De son côté, le régime nord-coréen a présenté sa décision comme une réponse à la politique d’étouffement organisée par les Etats-Unis. Pyongyang a invoqué la souveraineté nationale pour condamner la résolution de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) adoptée lundi. Ce texte avait demandé au régime communiste de se conformer à ses engagements internationaux et d’accepter le retour des inspecteurs dans ses centrales nucléaires.

Par ailleurs, en annonçant son retrait du TNP, la Corée du Nord a précisé qu’elle n’avait pas l’intention de se lancer dans la fabrication de bombes atomiques. Elle prétend relancer l’activité de ses réacteurs dans le but de produire de l’électricité. Un objectif techniquement impossible à atteindre, selon les experts de l’AIEA.

Manœuvre de dernière minute ?

Cette dernière provocation intervient au moment ou la diplomatie reprenait le pas sur la confrontation dans le règlement de la polémique. Cette semaine, l’agence de Vienne avait fait preuve de clémence. En renonçant à porter l’affaire devant le Conseil de sécurité des Nations unies, elle laissait une seconde chance à Pyongyang. Même signe de détente à Washington avec la déclaration des Etats-Unis en faveur d’un dialogue direct avec les autorités nord-coréennes. D’ailleurs, un premier contact informel a été établi ce jeudi sur le territoire américain. En effet, l’ex-ambassadeur américain à l’ONU, Bill Richardson, a reçu un membre de la représentation nord-coréenne aux Nations-Unies. Un rendez-vous sollicité d’ailleurs par Pyongyang.

Dans cette situation, avec l’ouverture de pourparlers formels en ligne de mire, le retrait du TNP peut être interprété comme une manoeuvre de dernière minute. Le régime communiste pourrait ainsi chercher à reprendre l’avantage, avant de s’asseoir à la table des négociations. Avec ce coup de poker, il espère aussi obliger les Etats-Unis à faire des concessions.

D’ailleurs, l’annonce du retrait du TNP a été suivie d’une proposition de compromis. Par la voix de son ambassade en Chine, la Corée du Nord a fait savoir qu’elle était prête à revenir sur sa décision. En échange, a expliqué un diplomate anonyme, Washington doit s’engager à reprendre ses livraisons de pétrole brut. Une allusion aux 500 000 tonnes de fioul délivrées chaque année à Pyongyang en contrepartie du gel de ses activités nucléaires. Ces convois ont été suspendus au mois de décembre, en représailles après les travaux clandestins d’enrichissement de l’uranium découverts en Corée du Nord.

Ce marché est donc un appel à la négociation. La Corée du Nord veut obtenir des compensations de la part de Washington en contrepartie d’un abandon de ses travaux sur l’atome. Jusqu’a présent, la Maison Blanche a toujours refusé de participer à ce marchandage. Pour le gouvernement américain il s’agit d’un «chantage» et il n’est pas question de négocier le respect d’engagements non tenus.

Avec son retrait du TNP, la Corée du Nord fait monter la pression dans l’espoir d’un changement d’attitude des Américains. Ce pari est dangereux. En effet, la diplomatie au bord du gouffre pourrait aussi provoquer un raidissement de Washington. Une éventualité déjà envisagée par les nord-Coréens. L’agence de presse officielle du régime a déclaré ce vendredi qu’en cas de blocus et de sanctions, le pays était prêt à prendre «les contre-mesures les plus dures contre les impérialistes américains».



par Mathieu  Baratier

Article publié le 09/01/2003