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Chypre

Sommet Denktash-Clerides sous pression

Les chefs des communautés turque et grecque de l’île, Rauf Denktash et Glafcos Clerides se sont rencontrés trois heures en tête-à-tête mercredi. C’est leur première rencontre depuis l’annonce par Kofi Annan de son plan pour mettre fin à la partition de Chypre.
Par rapport à leurs rencontres précédentes, le leader turco-chypriote, s’il n’a rien perdu de son inflexibilité, a abordé cette rencontre en état de faiblesse politique. La veille, entre 40 000 et 50 000 Chypriotes turcs ont manifesté dans la partie nord de Nicosie pour demander la démission de Rauf Denktash, inamovible chef de la communauté turque qui a pris le titre de président de la République turque de Chypre nord qui n’est reconnue par personne en dehors de la Turquie. Et c’est l’autre point faible de Denktash : depuis les élections du mois de novembre, ses interlocuteurs ont changé à Ankara.

Bülent Ecevit, le vieux leader social-démocrate et nationaliste farouche qui était Premier ministre lors de l’invasion de Chypre en 1974, et à nouveau l’an dernier, juste avant les élections a laissé la place aux islamistes conduits par Recep Erdogan. Dentash n’a pas manqué de se rendre compte de la différence. Affaibli par de multiples opérations cardiaques, il continuait à défendre une position intransigeante, même après l’annonce par Kofi Annan d’un plan de paix devant mener à la réunification, unanimement salué par la communauté internationale, y compris Ankara.

Entre le cinquième et le quart de la population

Le monde a changé, pas Denktash. La Turquie, islamiste ou non, aspire à intégrer l’Union européenne. La Grèce et la Turquie sont passées d’une attitude de confrontation à une volonté de coopération. La Turquie d’aujourd’hui n’entend pas devenir la colonie de sa colonie et laisser son protéger lui dicter sa conduite. Naguère, Rauf Denktash a pu compter sur les militaires turcs, mais ces derniers semblent décidés à laisser se dérouler un processus de «civilisation» des institutions politiques du pays. De plus, la proximité des militaires turcs et des Américains est légendaire. Or, Washington a bruyamment applaudi au plan de Kofi Annan.

Mais pour Rauf Denktash, la plus mauvaise nouvelle ne vient ni d’Athènes, ni de Washington, ni même d’Ankara, mais bien de son propre pays. La manifestation de mardi, qui a rassemblé entre 40 000 et 50 000 personnes, surtout des jeunes, a mobilisé entre le cinquième et le quart de Chypre nord. C’était la seconde manifestation du genre en l’espace de quelques semaines. Ils ne veulent plus être tenus plus longtemps à l’écart de l’Europe alors même que la République de Chypre (la partie grecque de l’île, seule reconnue par la communauté internationale, s’apprête à rejoindre l’Union européenne. Celle-ci, actuellement présidée par la Grèce, a fait savoir aux deux parties qu’elle espère que c’est une île réunifiée qui la rejoindra, mais qu’en l’absence d’accord, le traité d’adhésion ne serait signé le 16 avril qu’avec la République de Chypre (grecque).

Lundi, le représentant personnel du secrétaire général de l’ONU, Alvaro de Soto, avait prévenu les deux dirigeants que pour eux, le choix était «entre ce plan… et aucun accord du tout» ! La pression est forte sur les deux hommes, car l’ONU a fixé le 28 février comme date limite pour l’acceptation de son plan.

Mais c’est surtout sur Denktash que cette pression s’exerce en pratique, car si, en raison de son entêtement, il compromettait l’avenir européen de Chypre nord, les manifestations pourraient prendre une tout autre ampleur et précipiter son départ du pouvoir, avec la bénédiction de toutes les autres puissances, y compris son protecteur turc.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 15/01/2003